C’est la première fois qu’on arrive à faire une expérience aussi précise pour tester les capacités cognitives d’un… foetus ! 😵
Un foetus du 3e trimestre de grossesse pour être plus précis.
Si ça vous a plu, n’hésitez pas à partager !
Retranscription :
Je voudrais vous parler d’un article qui est sorti y’a pas très longtemps, en juin 2017, et c’est un article de psychologie du développement, c’est à dire la discipline qui étudie le développement de la psychologie humaine depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte.
Et donc là justement on a fait un truc plus fort que tester la psychologie humaine à la naissance, on a testé la psychologie de foetus. C’est un truc assez fou, il y a pas assez de smileys sur Terre pour exprimer ce qu’on a fait, on a créé une expérience qui nous permet de dire quelque chose de la cognition du foetus, une expérience qui nous permet de dire quelque chose des capacités cognitives d’un petit être humain qui n’est même pas encore né.
Alors qu’est-ce qu’on a fait exactement. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a envoyé un stimulus visuel à travers le ventre de mères enceintes, donc on a dirigé des rayons lumineux vers le ventre de mères enceintes, et ces rayons lumineux, ils formaient ce motif-là. Donc un espèce de triangle avec la pointe vers le bas. Ça c’est le motif tel qu’on l’envoie, mais une fois qu’il a traversé à peu près 3 cm de paroi utérine, il ressemble plutôt à ça. On fait attention de projeter ce motif dans le champ visuel du foetus, et puis progressivement on l’éloigne du champ visuel du foetus. ce qu’on mesure, c’est combien de fois le foetus tourne la tête pour suivre le stimulus au fur et à mesure que le stimulus s’éloigne. Et ensuite, on refait exactement la même expérience sauf qu’au lieu de projeter ce stimulus, on projette celui-là, c’est à dire le même triangle mais inversé. Et on regarde à nouveau, combien de fois le foetus tourne la tête pour suivre ce stimulus qui s’éloigne.
Et ce dont on s’est aperçu, c’est que les foetus tournent beaucoup plus souvent la tête vers ce stimulus que vers celui-là, ils suivent beaucoup plus du regard le triangle qui a la pointe vers le bas. Ce qu’on interprète comme les foetus ont une attirance pour le premier stimulus, ou du moins le reconnaisse. pour quelle raison d’après vous ? Parce que ces deux stimulus sont quand même visuellement très très proches, on a juste un des trois points qui change de position. Et bien l’interprétation, c’est que le premier stimulus a des caractéristiques d’un visage, tandis que le second pas du tout. Vous savez sûrement que les humains ont tendance à voir des visages partout, c’est la raison pour laquelle des gens croient reconnaitre un visage sur une photo de Mars ou croient que Jésus est venu leur dire bonjour au ptit déj sur leur pain grillé. C’est aussi la raison d’être des smileys, en 3 coups de crayons vous êtes capables d’illustrer des émotions sans avoir à dessiner un visage entier. L’hypothèse pour expliquer cette particularité c’est que les visages sont tellement importants dans notre espèce sociale, c’est à dire qu’on passe tellement de temps chaque jour à regarder des visages et que c’est grâce à eux qu’on reconnaît les gens et qu’on reconnaît leurs émotions, que notre cerveau est en quelque sorte pré-câblé pour les reconnaître. Notre cerveau va en permanence, et de façon automatique, sans qu’on ne puisse s’en empêcher, chercher à donner du sens à des lignes et des motifs pour essayer d’y reconnaître un visage.
Et une des façons de prouver que notre cerveau est pré-câblé pour faire quelque chose, c’est de faire des expériences chez les enfants et les nouveaux-nés, parce que si une capacité cognitive est réellement pré-câblée, il est possible qu’on puisse la détecter très tôt chez l’enfant. Et avec les visages, ça marche très très bien, on a plein d’expériences qui montrent que les nouveaux-nés sont attirés par les stimuli qui ressemblent à des visages. Oui mais, et c’est là que l’article m’intéresse particulièrement en tant que psychologue évolutionnaire, même si vous testez des bébés à 12 mois, ce qui est déjà très très tôt et pas facile à faire d’un point de vue expérimental, il y a toujours des gens pour dire : oui mais à 12 mois l’enfant a déjà été pas mal exposé à son environnement, à l’éducation de ses parents, à la société, etc. Et donc il se pourrait que l’attirance qu’on mesure pour les visages à 12 mois n’est pas du tout le reflet d’un pré-câblage présent pour des raisons évolutionnaires, mais le reflet d’un apprentissage à reconnaître des visages qui s’est déroulé au cours des 12 premiers mois de sa vie.
Et maintenant vous comprenez mieux pourquoi l’expérience que je vous ai présentée est importante, au-delà même du résultat sur les visages. Ce genre d’expérience devrait nous permettre à l’avenir de savoir beaucoup plus facilement si une faculté mentale est déjà bien développée à la naissance, et donc s’il est probable que cette faculté ait des origines biologiques, par opposition à être entièrement un produit culturel. Remarquez au passage que l’inverse n’est pas vrai : ce n’est pas parce qu’une faculté mentale n’est pas présente à la naissance qu’elle est forcément un produit culturel : par exemple, les bébés n’ont pas de dents à la naissance mais ce n’est pas pour ça que les dents sont un produit culturel. C’est simplement que certaines facultés ont besoin de temps pour se développer.
Et puis un dernier aspect intéressant de ce papier c’est la méthode en elle-même, la prouesse technique, on avait déjà fait des expériences sur des foetus, mais aucune qui projetait un stimulus qui ressemble à peu près à une image, et aucune qui permettait de suivre les mouvements du foetus avec une telle précision – on a utilisé des ultrasons 4d pour ça. Et cette expérience a aussi été possible grâce à des travaux théoriques de modélisation qui ont montré qu’il fait probablement beaucoup plus jour que ce qu’on pensait dans un utérus. On pensait avant qu’il devait faire assez noir dans un utérus, mais apparemment la luminosité est plus proche de celle d’une ruelle à la tombée de la nuit éclairée par un ou deux lampadaire, quelle poésie ! Avec bien sûr des variations de luminosité fonction de l’éclairage autour de la femme enceinte et de l’épaisseur de sa paroi utérine. Mais si vous vous êtes toujours demandé à quel point on y voit dans un utérus, la réponse est : beaucoup plus qu’on ne le croit.
Voilà, j’espère que cette petite vidéo vous a plu, c’est pas tous les jours qu’on tombe sur des articles qui combinent des résultats cool, une methode novatrice et qui illustre bien certaines des problématiques de la psychologie évolutionnaire, donc je me suis dis que j’allais vous le présenter.
Sources :
L’article : http://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(17)30580-8
Sur les préférences pour les visages chez les nouveaux-nés en général : http://www.pnas.org/content/102/47/17245.short
Sur la luminosité dans l’utérus : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/dev.20506/abstract
Musique : Jeff Kaale – Mai Tai
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