Pourquoi j’insiste sur les biais de gauche – psycho évo #10, 6/7

« Pourquoi tu nous parles si souvent des biais politiques de gauche affectant la science et pas de ceux de droite ? ». Aujourd’hui, je réponds à cette question qu’on me pose régulièrement. Et je vous donne mon point de vue personnel sur ce que ça fait de vulgariser le comportement humain en 2025.

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ou lire tranquillement la version texte (simple transcription de la vidéo) :

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Aujourd’hui je réponds à une question qu’on me pose parfois :

Image d’illustration de la citation : Pourquoi tu nous parles si souvent des manipulations de la science par la gauche et pas de celles par la droite? Un abonné méfiant. Citation de .

Pourquoi tu nous parles si souvent des manipulations de la science par la gauche et pas de celles par la droite? Un abonné méfiant

Et non, ce n’est pas que je pense que la droite est plus forte pour tenir la politique à l’écart de la science. L’explication est en fait beaucoup plus simple que ça. Mais d’abord, reprenons où on s’était arrêtés la dernière fois, aux raisons non-politiques qui expliquent pourquoi la psychologie évolutionnaire a du mal à convaincre.

3. Autres origines des réticences

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3.5. Vision naïve de la science

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Un des reproches majeurs faits à la psycho évo, on l’a encore vu aujourd’hui, c’est qu’elle serait spéculative et que ses hypothèses seraient non falsifiables. Mais ces reproches sont basés sur une vision naïve de ce qu’est la science.

D’abord, «spéculer», ça ne veut rien dire d’autre que «générer des hypothèses». Et la génération d’hypothèses, c’est la base de tout travail scientifique, il n’y a donc aucun problème à spéculer [Schéma 1]. Ce qui est embêtant, c’est quand les hypothèses ne peuvent pas être testées, mais on a vu que celles de la psycho évo le sont, le test d’hypothèses c’est 90% des papiers publiés dans ce domaine(). Je rappelle aussi que cette accusation de spéculation est à relier à une volonté politique de ne pas reconnaître que la nature est bien faite, et qu’elle a été mise en avant par Gould et Lewontin, deux chercheurs bien particuliers().

Ensuite, sur la question de la falsifiabilité plus précisément, est-ce vrai que la psychologie évolutionnaire est parfois non falsifiable? La réponse est… oui. Beaucoup d’expériences faites en psycho évo cherchent à corroborer plus qu’à falsifier. C’est toujours la conséquence de son parti-pris méthodologique de faire de l’analyse de correspondance design-fonction, de faire du «Si… alors». Quand on utilise le raisonnement «Si cette faculté psychologique a telle fonction, alors elle devrait avoir telle spécificité», on est plus dans la corroboration que la falsification. Mais est-ce que c’est grave? La réponse est… non. Tout simplement parce que le critère de falsifiabilité n’est pas l’alpha et l’oméga pour décider de si une discipline est scientifiquement intéressante ou pas.

Schéma d’illustration du texte précédant.

Schéma 1

Karl Popper est d’ailleurs célèbre pour avoir dit que la théorie de l’évolution n’était pas une théorie scientifique, même s’il changera d’avis par la suite. Son critère de démarcation catégorise en effet comme non-scientifiques des disciplines pourtant clairement scientifiques comme… la biologie de l’évolution, et d’autres disciplines étudiant le passé, comme la cosmologie ou l’archéologie. Si on suivait Popper, c’est toute la cosmologie, toute l’archéologie et toute la biologie de l’évolution qui partiraient à la poubelle, pas simplement la psycho évo. Je vous mets un petit extrait du cours de philosophie des sciences de Florian Cova qui parle de tout ça :

Image d’illustration de la citation : «Le critère de Popper semble exclure des cas assez clairs de science. [...] Par exemple Popper est très connu pour avoir dit "bah en fait la théorie de l’évolution c’est pas une théorie scientifique, c’est un programme de recherche métaphysique." [...] C’est important de noter que pour lui ça ne veut pas dire que c’était faux, et ça ne veut pas dire que c’était mal. Il était tout à fait d’accord pour dire que c’était un cadre supérieur par exemple au créationnisme. C’était même quelque chose de très puissant et d’admirable la théorie de l’évolution, il voulait juste pas dire que c’était scientifique.». Citation de 114. Cova, Florian. Qu'est-Ce Qu'une Pseudo-Science ? (Séance 2).  (2021).

«Le critère de Popper semble exclure des cas assez clairs de science. […] Par exemple Popper est très connu pour avoir dit « bah en fait la théorie de l’évolution c’est pas une théorie scientifique, c’est un programme de recherche métaphysique. » […] C’est important de noter que pour lui ça ne veut pas dire que c’était faux, et ça ne veut pas dire que c’était mal. Il était tout à fait d’accord pour dire que c’était un cadre supérieur par exemple au créationnisme. C’était même quelque chose de très puissant et d’admirable la théorie de l’évolution, il voulait juste pas dire que c’était scientifique114114. Cova, Florian. Qu’est-Ce Qu’une Pseudo-Science ? (Séance 2). (2021)

Donc la falsifiabilité n’est pas l’alpha et l’oméga en sciences. Si vous adoptez une vision de la science un peu moins naïve, ou en tout cas un peu moins falsifiabilo-centrée, la biologie de l’évolution et la psychologie évolutionnaire respectent tous les critères d’une science normale, notamment ceux identifiés par Lakatos115115. Ketelaar, Timothy & Ellis, Bruce J.. Are Evolutionary Explanations Unfalsifiable? Evolutionary Psychology and the Lakatosian Philosophy of Science. Psychological Inquiry (2000).

On demande aussi souvent à la psycho évo d’établir des certitudes, de faire des expériences qui peuvent prouver à 100% qu’une certaine hypothèse évolutive est vraie, mais c’est oublier que les certitudes sont extrêmement rares en science. Les données sont rarement suffisantes à elles seules pour trancher en faveur d’une théorie, il y a toujours un certain fossé que les chercheurs doivent combler avec du «bon sens»116116. Duhem, Pierre Maurice Marie. La théorie physique: son objet, et sa structure. (1906). C’est ce qu’on appelle la sous-détermination des théories en philosophie des sciences.

Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas l’utilité des modèles, qu’ils assimilent très souvent à de la spéculation. Je me suis rendu compte pendant la crise du Covid que certains de mes collègues, pourtant docteurs en biologie, n’avaient aucune idée de comment fonctionnait ou à quoi servait un modèle. Et ça c’est un gros problème pour comprendre la psycho évo, puisque comme toute la biologie de l’évolution, elle se sert souvent de modèles pour faire ses prédictions.

Enfin bref, l’accusation de pseudoscience proférée à l’encontre de la psycho évo en dit généralement plus sur la vision naïve de la science de l’accusateur que sur la scientificité réelle de ce programme de recherche.

3.6. Mentalité de groupe

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Différents facteurs psychologiques expliquent aussi le traitement reçu par la psycho évo. On a tendance à les oublier, mais ils jouent un rôle important. Un de ces facteurs c’est la mentalité de groupe.

Se moquer de la psycho évo est en effet devenu dans certains milieux un marqueur d’identité. Faire une blague sur ce champ dans certains milieux progressistes, c’est comme faire une blague sur les végans à la foire du saucisson, vous êtes certains de votre petit effet. Et c’est également un moyen très facile de montrer aux gens que vous êtes dans le «bon» camp. C’est ce qu’on appelle du «virtue signalling» en anglais, de l’affichage ostentatoire de vertu. Certaines personnes critiquent la psycho évo simplement parce que ça permet de passer pour quelqu’un de vertueux.

Image d’illustration de : Hi hi hi la psycho évo que c’est drôle.

Hi hi hi la psycho évo que c’est drôle

La sociologue Ullica Segerstrale avait déjà remarqué cette quête de crédit moral dans les débats sur la sociobiologie:

Image d’illustration de la citation : La recherche de crédit moral peut aider à expliquer des caractéristiques bizarres du débat sur la sociobiologie. Elle permet de comprendre plus facilement pourquoi les critiques continuaient à accuser les sociobiologistes de "déterminisme génétique", quand ceux-ci partageaient en fait la vision classique d’interaction gène-environnement.. Citation de 117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate.  (2000).

La recherche de crédit moral peut aider à expliquer des caractéristiques bizarres du débat sur la sociobiologie. Elle permet de comprendre plus facilement pourquoi les critiques continuaient à accuser les sociobiologistes de « déterminisme génétique », quand ceux-ci partageaient en fait la vision classique d’interaction gène-environnement117117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000).

Cette quête de crédit moral explique aussi pourquoi les détracteurs de la psycho évo et de la sociobiologie ne semblent pas intéressés pour faire de la vulgarisation. Parce qu’en effet, si le problème de ces disciplines c’est avant tout leur supposé déterminisme génétique, leur croyance que «ce qui est génétique ne peut être changé», alors il suffirait d’éduquer les gens sur le fait que cette croyance est fausse. Mais comme le dit Ullica Segerstrale:

Image d’illustration de la citation : «Si leur but n’était pas d’éduquer le grand public innocent mais de collecter des "bons points de morale" pour avoir démasqué les "déterministes génétiques", alors il n’y avait évidemment rien à gagner à diffuser de l’information correcte qui aurait diminué leurs chances de profit.». Citation de 117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate.  (2000).

«Si leur but n’était pas d’éduquer le grand public innocent mais de collecter des « bons points de morale » pour avoir démasqué les « déterministes génétiques », alors il n’y avait évidemment rien à gagner à diffuser de l’information correcte qui aurait diminué leurs chances de profit117117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000)

Ces effets de groupe sont très importants pour comprendre les réactions d’hostilité que vous voyez sur les réseaux sociaux. Et le comble, c’est que cette mentalité de groupe et cet affichage ostentatoire de vertu sont des sujets étudiés depuis longtemps par la psycho évo. Dans un sens, les détracteurs de la psycho évo, par leurs comportements, confirment les théories de la psycho évo.

3.7. Pénurie d’avocats de la défense

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La psycho évo souffre aussi d’une pénurie d’avocats de la défense. Et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu’il y a assez peu de chercheurs qui bossent sur ces sujets, contrairement à la masse de psychologues non-évolutionnaires et de chercheurs en sciences sociales en général. Et en France c’est encore pire qu’à l’étranger, les sciences évolutionnaires ont vraiment des tout petits effectifs dans l’hexagone.

Ensuite parce les rares chercheurs qui travaillent sur ces sujets sont des humains comme les autres, c’est-à-dire qu’ils n’aiment pas les conflits. En particulier quand ces conflits ont lieu avec des gens qui sont leurs collègues à l’université. 99% du temps, même s’ils voient qu’un de leurs collègues raconte n’importe quoi, ils passeront leur tour et ne chercheront même pas à le reprendre. Pour voir des chercheurs s’opposer frontalement à leurs collègues, il faut vraiment que certaines bornes soient dépassées. Comme le dit le psychologue Franck Ramus:

Image d’illustration de la citation : «Il est vrai qu’il est rare qu’un chercheur prenne la plume pour dénoncer publiquement le discours d’un autre chercheur (en dehors des revues scientifiques, où le débat est normal) [...]. Pour que ça se produise, il faut qu’un certain nombre de facteurs soient réunis et de bornes dépassées.». Citation de 118. Ramus, Franck. A propos de l'article "La méthode Vidal".  (2014).

«Il est vrai qu’il est rare qu’un chercheur prenne la plume pour dénoncer publiquement le discours d’un autre chercheur (en dehors des revues scientifiques, où le débat est normal) […]. Pour que ça se produise, il faut qu’un certain nombre de facteurs soient réunis et de bornes dépassées118118. Ramus, Franck. A propos de l’article « La méthode Vidal ». (2014)

Tout ceci est bien compréhensible, les chercheurs n’aiment pas les conflits, les chercheurs ont mieux à faire. Mais le résultat c’est que c’est vous le grand public qui trinquez, parce que vous devenez informés non pas par ceux qui s’y connaissent le mieux mais par ceux qui ont la plus grande gueule dans les médias. Pour ma part, si j’ose m’exprimer un peu sur ces sujets, c’est pas que je sois particulièrement courageux – ce matin, j’ai encore sursauté quand ma tartine a sauté du grille pain. Ma spécificité, c’est d’être plus ou moins sorti du système universitaire. J’ai donc beaucoup moins la pression que mes collègues de ne pas froisser bidule ou machin que je pourrais recroiser dans un couloir plus tard, ou qui sera dans un jury pour décider de mon avenir professionnel. Même si en tant qu’humain je n’aime pas non plus les conflits, j’ai beaucoup moins à y perdre. Bon et puis je considère aussi qu’à un moment il faut se faire violence et renoncer à l’envie d’être copain avec la terre entière quand il existe des enjeux plus importants. Comme disait Clémenceau,

Image d’illustration de la citation : Ceux qui n’ont pas d’ennemis sont ceux qui n’ont rien fait. Clémenceau (peut-être). Citation de .

Ceux qui n’ont pas d’ennemis sont ceux qui n’ont rien fait. Clémenceau (peut-être)

La pénurie d’avocats de la défense s’explique aussi par le fait que ces débats durent maintenant depuis plus de trente ans, voire 50 si on inclut ceux sur la sociobiologie. Or, comme on l’a vu aujourd’hui, peu importe le nombre de corrections apportées aux malentendus et caricatures, ceux-ci n’ont jamais disparu. Donc beaucoup de psychologues évolutionnaires ont fini par se lasser, et dire, «vous voulez pas nous écouter, vous continuez à nous caricaturer, hé bien tant pis, nous on retourne faire de la recherche dans notre coin, et on fait confiance à l’histoire et à la science pour établir si notre discipline est réellement « profondément défectueuse »».

Image d’illustration de : La lassitude des évolutionnistes.

La lassitude des évolutionnistes

Comme le dit le philosophe Harmon Holcomb:

Image d’illustration de la citation : «Vous pouvez essayer de persuader les gens, ou vous pouvez essayer de faire de la bonne science, mais vous ne pouvez pas faire les deux à la fois.». Citation de 120. Holcomb, Harmon R.. Just so Stories and Inference to the Best Explanation in Evolutionary Psychology. Minds and Machines (1996).

«Vous pouvez essayer de persuader les gens, ou vous pouvez essayer de faire de la bonne science, mais vous ne pouvez pas faire les deux à la fois119120. Holcomb, Harmon R.. Just so Stories and Inference to the Best Explanation in Evolutionary Psychology. Minds and Machines (1996)

Et pour la petite histoire, c’est exactement pour cette raison que mes vidéos dernièrement sont si longues – certains d’entre vous diront sûrement trop longues. Cette longueur est due au fait que j’essaie de traiter le sujet de la façon la plus exhaustive possible pour ne plus avoir à revenir dessus. Parce que je sais très bien que dans 5 ans, 10 ans, 20 ans, les mêmes critiques vont refaire surface, et personnellement je ne souhaite pas passer ma vie à les corriger, je considère avoir mieux à faire du peu de temps que je vais passer sur Terre. Je traite donc le sujet une bonne fois pour toutes et ensuite je passerai à autre chose. C’est pour la même raison que beaucoup de chercheurs n’interviennent plus sur ces sujets : ils sont fatigués de tout le temps répéter les mêmes choses.

Image d’illustration de : RDV en 2050 les ami·e·s.

RDV en 2050 les ami·e·s

Et une nouvelle fois, ce choix est très compréhensible. Les chercheurs ont choisi leur métier avant tout pour faire progresser la connaissance, pas pour corriger bidule et machin qui veulent faire de la science marxiste et pensent que le concept de stabilité est un concept bourgeois. Mais une fois de plus, la conséquence de ce retrait du débat publique, c’est que les critiques ne sont plus contredites, et que vous grand public vous êtes exposés à une vision complètement déformée de ces domaines de recherche. C’est dans ces moments-là qu’on se dit que peut-être, l’extraordinaire chance d’être payé pour faire progresser la connaissance devrait s’accompagner d’un devoir de communiquer, et d’un devoir de s’opposer un peu plus souvent aux collègues qui racontent n’importe quoi, même si l’ambiance autour de la machine à café s’en trouvera dégradée.

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

Et la dernière raison pour laquelle il y a pénurie d’avocats de la défense, c’est à cause des accusations très graves qui peuvent résulter d’une prise de parole sur ces sujets. On a évoqué tout à l’heure Edward Wilson, le fondateur de la sociobiologie, qui en plus de se faire accuser de racisme et de fascisme dans les journaux, ça c’est la base, en plus des manifestations contre lui sur les campus, ça aussi c’est normal, s’est fait attaquer physiquement pendant une conférence. Les attaques sur les chercheurs qui étudient ces sujets peuvent rapidement devenir très violentes.

Dans les années 2000, y’a même des sociobiologistes qui se sont fait accuser d’avoir mené une expérience eugéniste à grande échelle, en infectant délibérément de la variole des indiens d’Amazonie pour voir lesquels allaient survivre120121. Dreger, Alice. Galileo’s Middle Finger: Heretics, Activists, and One Scholar’s Search for Justice. (2015). Des enquêtes ultérieures montreront que ces accusations étaient complètement fausses, malhonnêtes et comme d’habitude politiquement motivées, mais le mal était fait, puisque ces chercheurs furent tout de suite excommuniés par l’association américaine d’anthropologie qui chercha à sauver la réputation de sa discipline.

Le pire, c’est que quand vous vous retrouvez dans cette situation, quand vous commencez à vous faire accuser publiquement de certaines choses très graves, très peu de gens viendront à votre défense. Tout simplement parce qu’essayer de défendre quelqu’un accusé de racisme expose au risque d’être soi-même suspecté de racisme. C’est exactement ce qui s’est passé avec Edward Wilson. Comme le raconte la sociologue Ullica Segerstrale:

Image d’illustration de la citation : «Peu de collègues de Wilson aux États-Unis vinrent à sa défense. Évidemment, ils n’avaient pas à défendre la sociobiologie en elle-même, mais simplement le droit de Wilson de faire ce qu’il avait fait en tant que biologiste de l’évolution. Mais Wilson avait été accusé du pire des crimes : il avait été relié au racisme et au génocide. Non seulement les scientifiques n’aiment pas la controverse en général, mais il y avait ici en plus le danger de se faire dépeindre de la même manière.». Citation de 117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate.  (2000).

«Peu de collègues de Wilson aux États-Unis vinrent à sa défense. Évidemment, ils n’avaient pas à défendre la sociobiologie en elle-même, mais simplement le droit de Wilson de faire ce qu’il avait fait en tant que biologiste de l’évolution. Mais Wilson avait été accusé du pire des crimes : il avait été relié au racisme et au génocide. Non seulement les scientifiques n’aiment pas la controverse en général, mais il y avait ici en plus le danger de se faire dépeindre de la même manière117117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000)

Et dans la lettre de protestation contre l’environnementalisme exacerbé des années 70, on pouvait déjà lire:

Image d’illustration de la citation : «Un grand nombre de scientifiques, ayant étudié les preuves et étant persuadés du grand rôle joué par l’hérédité dans le comportement humain, restent silencieux, n’exprimant pas clairement leur opinion en public, et ne prenant pas non plus la défense de leurs collègues plus téméraires.». Citation de 122. Page, Ellis B.. Behavior and Heredity. American Psychologist (1972).

«Un grand nombre de scientifiques, ayant étudié les preuves et étant persuadés du grand rôle joué par l’hérédité dans le comportement humain, restent silencieux, n’exprimant pas clairement leur opinion en public, et ne prenant pas non plus la défense de leurs collègues plus téméraires121122. Page, Ellis B.. Behavior and Heredity. American Psychologist (1972)

Tout ça, je peux le confirmer par mon expérience personnelle. Pour avoir commis le crime de vous présenter la psychologie évolutionnaire sur cette chaîne, je me fais régulièrement traiter sur les réseaux sociaux d’eugéniste, de raciste ou d’antiféministe. Et j’ai également observé que certains de mes collègues vidéastes qui appréciaient mon travail il y a quelques années ont commencé à prendre leurs distances avec moi quand ils ont vu que je me mettais à aborder des sujets sensibles. Des projets de collaboration sont bizarrement tombés à l’eau, et mes demandes d’explications sont restées sans réponse.

Tout ça me fait parfois regretter de ne pas vulgariser des sujets moins sensibles. Parfois j’aimerais être Science Étonnante pour pouvoir vulgariser des sujets sulfureux et controversés en physique :

Image d’illustration de la citation : «Bonjour à tous, aujourd’hui on va parler de deux sujets sulfureux et controversés : d’un côté l’énergie du vide quantique, et de l’autre la fameuse somme 1+2+3+4+5 etc jusqu’à l’infini égal -1/12e.». Citation de 123. Science Etonnante. L'énergie Du Vide Quantique, -1/12 et l'effet Casimir.  (2021).

«Bonjour à tous, aujourd’hui on va parler de deux sujets sulfureux et controversés : d’un côté l’énergie du vide quantique, et de l’autre la fameuse somme 1+2+3+4+5 etc jusqu’à l’infini égal -1/12e122123. Science Etonnante. L’énergie Du Vide Quantique, -1/12 et l’effet Casimir. (2021)

Parfois, j’en viens même à regretter de ne pas vulgariser la géologie, c’est vous dire à quel point je peux être désespéré. Mais au moins en vulgarisant la géologie je pourrais vous expliquer comment fonctionnent les volcans sans être accusé d’encourager l’invasion de la Pologne.

D’ailleurs j’en profite pour recommander ce livre, Galileo’s Middle finger, à toutes celles et ceux qui pourraient être un jour dans ma situation, c’est à dire se retrouver à parler publiquement de sujets sensibles sur le comportement humain120121. Dreger, Alice. Galileo’s Middle Finger: Heretics, Activists, and One Scholar’s Search for Justice. (2015). C’est un livre écrit par une historienne qui vous en dira plus sur les attaques que peuvent subir les chercheurs qui s’expriment sur ces sujets. Uniquement en anglais par contre.

Image d’illustration de : Galileos's middle finger.

Galileos’s middle finger

Donc vous voyez qu’oser parler de ces sujets en public peut aller très loin et vous valoir des attaques violentes, des attaques qui peuvent foutre une vie en l’air en fait. Et donc quand vous êtes un chercheur ou une chercheuse qui bosse sur ces sujets, vous n’avez généralement pas très envie d’en parler publiquement. Sans que vous le grand public n’en soyez au courant, chaque année des chercheurs décident de fermer leur compte sur les réseaux sociaux à cause de ces attaques qu’ils subissent. Vous comprenez dans ce contexte la pénurie d’avocats de la défense dont souffre la psycho évo.

3.8. Le double standard permanent

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Et nous allons terminer avec une dernière raison très importante pour comprendre les difficultés de la psycho évo à convaincre, c’est le double standard permanent. Tout à l’heure je vous disais qu’à cause de ses supposées implications politiques, la psycho évo subissait un traitement de faveur dans le monde universitaire, que ses résultats étaient scrutés beaucoup plus minutieusement que ceux des autres disciplines. Comme l’écrit la sociologue Ullica Segerstrale:

Image d’illustration de la citation : «[Il s’agit] de trouver des failles scientifiques très importantes dans la science que vous considérez moralement ou politiquement indésirable, tout en vous retenant de faire la même chose avec la science dont vous approuvez les (apparentes) implications sociales.». Citation de 117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate.  (2000).

«[Il s’agit] de trouver des failles scientifiques très importantes dans la science que vous considérez moralement ou politiquement indésirable, tout en vous retenant de faire la même chose avec la science dont vous approuvez les (apparentes) implications sociales117117. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000)

Mais ce mécanisme n’existe pas qu’à l’université, il existe aussi de façon générale dans les médias, et sans vraiment vous en rendre compte, vous y êtes exposés tous les jours, ce qui biaise votre perception du champ.

Parce qu’évidemment, les chercheurs hostiles à la psycho évo ne s’expriment pas qu’à l’université, ils s’expriment aussi dans les médias. Et quand ils le font, ils continuent à utiliser ce double standard, et le renforcent même parfois. Mettez-vous deux secondes dans la peau d’un chercheur. Vous êtes chercheur ou chercheuse à l’université, vous êtes donc de gauche comme la plupart des chercheurs123124. van de Werfhorst, Herman G. Are Universities Left-Wing Bastions? The Political Orientation of Professors, Professionals, and Managers in Europe. The British Journal of Sociology (2020), 124125. François, Abel & Magni-Berton, Raul. Que pensent les penseurs ?: Les opinions des universitaires et scientifiques français. (2015), vous avez été invité à France Culture pour parler de vos travaux et au cours de la conversation on vous demande si une certaine différence entre hommes et femmes aurait plutôt une origine culturelle ou une origine biologique. Il est évident que comme l’hypothèse culturelle est très associée au féminisme et à la gauche en général, en tant que chercheur de gauche vous allez avoir très envie de vous ranger derrière elle. Parce que vous auriez peur que rien qu’en la remettant en question on en vienne à douter de vos engagements politiques.

Et donc, même si vous sentez qu’il y a quelque chose de pas très convaincant à une cette hypothèse culturelle, vous n’allez pas dire ce que vous pensez juste pour ne pas «faire le jeu de la droite». Les chercheurs ont cette tendance à se montrer plus conciliants avec les hypothèses culturelles, pour ne pas laisser sous-entendre qu’ils ne seraient pas progressistes. Et je ne dis pas ça pour dire que moi je suis mieux que les autres, j’ai souvent été confronté moi-même à cette tension entre dire ce que je pensais vraiment d’un point de vue scientifique, et me taire pour ne pas avoir l’air de faire le jeu de machin ou bidule, ou pour ne pas laisser penser que je serais opposé à tel ou tel mouvement pour la justice sociale. C’est tout le drame dont je vous parlais dans la dernière vidéo() : comme une partie de la gauche a depuis des dizaines d’années choisi de nier certains résultats scientifiques, simplement les reconnaître aujourd’hui revient à donner du crédit aux conservateurs.

Dans cette situation, beaucoup de chercheurs choisissent donc tout simplement de ne pas dire ce qu’ils pensent sur le plan scientifique. Les coûts associés à la défense des explications génétiques sont trop importants. Il faut bien se rendre compte qu’il existe une assymétrie forte entre les coûts d’insister sur les explications génétiques et les coûts d’insister sur les explications environnementales [Schéma 2]. Si vous insistez trop sur les explications génétiques, vous risquez d’être accusé d’anti-féminisme, de racisme, ou d’eugénisme. À l’inverse, si vous insistez trop sur les explications environnementales, vous risquez de vous faire accuser de gauchisme. Mais ça les chercheurs s’en tapent puisqu’ils sont effectivement tous de gauche! Ils préfèrent largement être accusés de gauchisme que de racisme, ce qui fait qu’ils auront toujours tendance, à chaque fois qu’ils s’expriment en public, à être beaucoup plus conciliants avec les hypothèses culturelles.

Schéma d’illustration du texte précédant.

Schéma 2

Ce qui permet de répondre à une question que vous me posez parfois. Parfois vous me demandez «Homo Fabulus tu dis que les opposants à la biologie du comportement sont avant tout motivés politiquement, mais pourquoi le contraire ne serait pas vrai aussi? Pourquoi les défenseurs de la biologie du comportement seraient eux capables de tenir à l’écart leur idéologie? Pourquoi tu ne parles que des attaques de la gauche sur la science et jamais de celles de la droite sur la science?»

Alors je ne nie pas que des attaques de la droite sur la science existent, et qu’il faille s’en préoccuper et les dénoncer. Mais d’une part les dénoncer dans le milieu universitaire ça revient un peu à crier «j’aime pas la guerre» à la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix, et personnellement ça m’a toujours interpelé ce besoin que ressentent certains de crier haut et fort ce que tout le monde pense déjà tout bas, on retombe sur cet affichage ostentatoire de vertu dont on a déjà parlé.

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus
Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

Mais surtout, il faut bien comprendre qu’il y aura toujours une assymétrie dans la dangerosité des attaques sur la science, à cause de l’assymétrie des penchants politiques des chercheurs. Dit autrement, le système universitaire possède un bouclier naturel contre les attaques de la droite parce qu’il est constitué majoritairement de chercheurs de gauche. Par contre, il n’existe aucun bouclier contre les attaques de la gauche, et c’est pour ça que je pense qu’elles doivent nous préoccuper plus sérieusement. Les attaques de la gauche sur la science sont selon moi plus préoccupantes que celles de la droite car elles sont plus insidieuses, qu’elles viennent de l’intérieur et qu’elles sont donc plus dures à repérer.

Bien sûr, cette conclusion n’est valable que si la vérité scientifique vous importe. Il y a pas mal de progressistes qui font passer la politique avant la vérité, et donc pour ces personnes les attaques idéologiques de la droite sur la science resteront toujours plus préoccupantes que celles de la gauche. Et c’est bien pour ça que certains universitaires sont prêts à nier les différences biologiques entre hommes et femmes si ça peut permettre de faire progresser plus vite l’égalité entre les sexes, comme la philosophe des sciences Helen Longino qui, on l’a vu tout à l’heure, affirme que:

Image d’illustration de la citation : «Quand nous sommes face à un conflit entre des engagements politiques et un modèle particulier des relations cerveau-comportement, nous autorisons les engagements politiques à guider notre choix.». Citation de 126. Longino, Helen E.. Science as Social Knowledge: Values and Objectivity in Scientific Inquiry.  (1990).

«Quand nous sommes face à un conflit entre des engagements politiques et un modèle particulier des relations cerveau-comportement, nous autorisons les engagements politiques à guider notre choix125126. Longino, Helen E.. Science as Social Knowledge: Values and Objectivity in Scientific Inquiry. (1990)

Et je voudrais clarifier que cette tendance à désavouer les explications génétiques n’existe pas que chez les chercheurs en sciences sociales. On retrouve parfois la même tendance chez des biologistes de l’évolution, parce qu’ils savent que leur champ a une histoire controversée. À cause des liens historiques qui ont existé entre génétique et eugénisme, ou entre biologie de l’évolution et racisme, les chercheurs de ce champ savent qu’ils marchent sur des oeufs quand ils parlent de ces sujets.

Par exemple, l’autre jour j’écoutais sur la Tronche en biais le biologiste Thomas Heams parler de la pertinence du concept de programme génétique, un sujet n’ayant rien à voir avec la politique, ce qui ne l’empêche pas de glisser à un moment dans la conversation que:

Image d’illustration de la citation : «la génétique porte en elle son péché originel qu’est l’eugénisme». Citation de 127. La Tronche en Biais. Il n'y a Pas de Programme Génétique [TenL114].  (2022).

«la génétique porte en elle son péché originel qu’est l’eugénisme126127. La Tronche en Biais. Il n’y a Pas de Programme Génétique [TenL114]. (2022)»

Bon il est probablement allé un peu vite en besogne, la génétique ne porte pas plus en elle le péché originel de l’eugénisme que le darwinisme ne porte celui du darwinisme social, mais vous comprenez ce qu’il veut dire. Comme la génétique a tout de suite été récupérée à des fins politiques, les biologistes et les généticiens ont tendance à faire extrêmement gaffe lorsqu’ils parlent de ces sujets en public. Il est primordial pour ces chercheurs de gauche de ne pas se faire associer à ces dérives du passé et il y a donc une certaine tendance à l’autoflagellation. Il est difficile pour certains chercheurs de parler de ces sujets sans réciter au préalable trois mea culpa, et le meilleur moyen pour eux de clarifier leurs engagements politiques c’est d’être sévère avec les théories insistant sur le rôle du génétique et conciliants avec celles qui proposent des explications culturelles.

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

Voilà quelques raisons qui expliquent pourquoi l’information à laquelle vous êtes exposés sur ces sujets n’est pas neutre mais en permanence filtrée. C’est d’aileurs un bon exemple de pénétration de la science par les valeurs, les chercheurs choisissent de quels résultats ils vont parler en fonction de considérations politiques, en fonction de s’ils pensent que ça va faire le jeu de tel ou untel, en fonction de s’ils pensent que ça va leur donner bonne ou mauvaise réputation. Et bien sûr, ce ne sont pas les journalistes eux-mêmes qui vont rééquilibrer les débats. D’abord parce que les journalistes sont très souvent passés par des formations en sciences humaines et sociales, et ont donc aussi été «brainwashés par l’environnementalisme» comme le disait Paul Meehl.

Ensuite parce que les journalistes ont toujours du mal à identifier les experts sur un sujet. Vous vous rappelez du livre de Gould, La malmesure de l’homme, qui avait été qualifié dans les revues scientifiques de «chef d’oeuvre de propagande […] au parfum familier de Radio Moscou»127128. Blinkhorn, Steve. What Skulduggery?. Nature (1982)?. Hé bien il y a quelques temps encore un article du Monde qualifiait ce livre de «classique»128129. Foucart, Stéphane. En biologie, les « bons » et « mauvais » gènes font un inquiétant retour, alimentant les théories racialistes. Le Monde.fr (2023). À moins que le journaliste voulait dire un «classique de désinformation», ça montre bien que beaucoup de médias n’ont aucune idée des ouvrages faisant référence dans le milieu scientifique.

Et enfin, chez les journalistes de gauche en particulier existera la même tendance que chez les chercheurs à se montrer conciliant envers les hypothèses environnementales et à les diffuser plus largement. Par exemple, dans les médias ressort régulièrement l’hypothèse que les femmes seraient en moyenne plus petites que les hommes à cause du patriarcat, parce que les hommes se seraient réservés les meilleurs morceaux de viande au cours de l’évolution.

Pourtant, c’est une hypothèse qui n’a quasiment aucun soutien dans la communauté scientifique, pour la bonne raison qu’elle n’a jamais été testée et qu’elle a en face d’elle d’autres hypothèses éprouvées depuis des dizaines d’années. Un autre sujet très tendance dernièrement concerne la place des femmes dans les sociétés préhistoriques, et en particulier est-ce que les femmes chassaient ou pas.

À chaque fois qu’on trouve de potentiels indices que les femmes chassaient on nous présente ça comme si on venait de gagner une bataille féministe contre la science sexiste qui avait invisibilisé les femmes jusqu’ici. Mais d’une part ces débats n’ont absolument rien de nouveau, depuis les années 70 des féministes essaient de réhabiliter la place des femmes dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs129130. Augereau, Anne. Femmes, préhistoire et politique : une histoire d’hier et d’aujourd’hui. (2023). Mais surtout, on n’a aucune garantie que mettre en avant les exemples de sociétés où les femmes chassaient soit réellement positif pour la cause des femmes. Ceux qui font ça espèrent que montrer que les femmes n’ont pas toujours été confinées au foyer permettra de rejeter l’idée que l’organisation sociale des sociétés humaines est gravée dans le marbre [Schéma 3]. Mais d’autres féministes sont en colère contre cette mise en avant de cas anecdotiques de chasse féminine, parce que pour elles, faire ça a surtout pour effet d’invisibiliser la domination masculine que la majorité des femmes devait déjà subir à l’époque. C’est toujours le même problème central dans mon livre130131. Debove, Stéphane. À qui profite (vraiment) la génétique ?. (2024) : il est très difficile d’évaluer les conséquences réelles de ces recherches.

Voilà le bébé !

Voilà le bébé !

Schéma d’illustration du texte précédant.

Schéma 3

Ce que vous devez retenir, c’est qu’il faut se méfier des recherches qui semblent à première vue aller dans le «bon sens», dans le sens du progrès social. C’est un peu triste à dire, mais vous devez vous méfier de toutes les recherches qui vous mettent du baume au coeur. D’une part parce qu’il est très douteux que vous ayez réussi à calculer de façon lucide les réelles implications sociales de ces recherches. Mais aussi parce que dans le contexte politique actuel, il est très probable que vous entendiez parler d’elles non pas parce qu’elles sont solides scientifiquement, mais parce qu’elles sont plaisantes politiquement.

C’est un peu comme quand vous montez sur votre balance et que vous enlevez systématiquement 3 kilos au chiffre que vous voyez parce que vous savez que votre balance est mal réglée. Vous pouvez faire la même chose quand vous entendez parler de biologie du comportement. Vous pouvez d’emblée soustraire un peu d’explications culturelles et rajouter un peu d’explications génétiques à tout ce dont vous entendez parler dans les médias. Malheureusement, je suis incapable de vous dire plus précisément de combien la balance de la connaissance est déréglée.

Et quand je dis les médias, je parle aussi de Youtube! Les vulgarisateurs que vous regardez sur Youtube ont en général le même profil socio-démographique que les chercheurs, ils sont allés à l’université pendant longtemps131132. Debove, Stéphane et al. French Science Communication on YouTube: A Survey of Individual and Institutional Communicators and Their Channel Characteristics. Frontiers in Communication (2021), ils sont majoritairement de gauche, etc. Tous les vulgarisateurs qui s’expriment sur le sujet des comportements humains ont donc la même tendance à se montrer plus méfiants envers les hypothèses génétiques, et trop conciliants avec les hypothèses environnementales. Par exemple, il y a quelques années, je faisais partie d’une association de vulgarisateurs scientifiques qui défendait la rigueur scientifique, avec des procédures de vérification des contenus qu’elle publiait. Hé bien le jour où j’ai alerté sur le fait qu’un certain contenu donnait une image fausse du consensus en biologie de l’évolution, le bureau de l’association a refusé d’appliquer ces procédures habituelles, sans jamais donner de bonnes explications. Et bien sûr, il s’agissait d’un contenu qui semblait aller dans le sens du féminisme, je dis bien «semblait», et en plus de ça d’un contenu produit par les sciences sociales, et vous comprenez, les sciences sociales c’est compliqué, ça a un statut particulier, etc.

Image d’illustration de : Conversation reconstituée.

Conversation reconstituée

Bref, tout ça pour dire que même si vous sélectionnez soigneusement les sources de connaissance auxquelles vous vous abreuvez, vous devez continuer à vous en méfier sur tous les sujets liés au comportement humain, parce que la trop grande indulgence à l’égard des théories culturelles et socio-constructivistes est omniprésente. Si je devais prendre la parole à chaque fois qu’un vidéaste ne vous présente qu’une partie des données, je me serais déjà mis à dos une bonne partie du Youtube game.

En résumé, le double standard permanent dans les médias et à l’université explique pourquoi vous grand public ête exposé à beaucoup de prises de position en faveur des hypothèses environnementales, et très peu en faveur des hypothèses génétiques et évolutionnaires. Et c’est pouquoi vous, grand public, vous devez prendre soin des chercheurs qui osent parler de ces hypothèses génétiques et évolutionnaires. Je sais que quand vous entendez un chercheur expliquer qu’une différence hommes / femmes est socialement construite, vous avez envie de le prendre dans vos bras, de lui faire des bisous, de lui dire à quel point ses résultats vous remplissent d’espoir pour la cause des femmes, et à quel point il est un héro d’oser s’élever contre la science machiste et patriarcale. Mais c’est tout le contraire que vous devriez faire. Ce chercheur ou cette chercheuse qui défend des positions environnementales n’est pas du tout un héro, il est déjà accueilli à bras ouvert dans la plupart des médias et représente l’idéologie dominante dans les universités. Il ne prend donc aucun risque à défendre ces idées publiquement. Les chercheurs que vous devez chérir et protéger, ce sont au contraire ceux qui étudient des hypothèses non politiquement plaisantes pour la gauche, les hypothèses qui ne relèguent pas la génétique au placard. Ce sont ces chercheurs qui prennent des risques, et dont vous devez prendre soin.

C’est tout pour aujourd’hui, la prochaine vidéo sera la conclusion de cette mini-série sur le climat politique entourant mon champ de recherche, avec un petit message d’espoir pour les générations futures quand même. À très vite.

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