Pourquoi vous souffrez… trop – Intro à la psychiatrie évolutionnaire (2/3)

La biologie de l’évolution n’explique pas seulement pourquoi on souffre, mais aussi pourquoi on souffre souvent… trop.

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Sommaire

Quand j’étais petit, on m’avait toujours dit que la fièvre, la toux et la diarrhée étaient des maladies à combattre. En grandissant, j’ai compris qu’en fait, loin d’être des maladies, c’était des réactions de défense de notre organisme. La fièvre permet de booster le système immunitaire, la toux de rejeter les pathogènes présents dans les voies aériennes, et la diarrhée de faire dégager plus vite ceux qui se sont introduits dans notre tube digestif. Mais du coup, une question se pose : si on a longtemps considéré certaines réactions du corps comme des maladies, est-ce qu’on n’aurait pas également considéré certaines réactions de l’esprit comme des maladies ? Autrement dit, est-il possible que certains de nos troubles mentaux n’en soient pas vraiment ? Certains pourraient-ils être des produits de la sélection naturelle ? Dans la vidéo précédente, que je vous recommande fortement de visionner si ce n’est pas déjà fait, je vous ai expliqué toutes les raisons autres qu’adaptatives pouvant expliquer les troubles mentaux. Parce que c’est très important, avant d’envisager que les troubles mentaux puissent être un produit de la sélection naturelle, d’envisager qu’ils ne le soient pas, car pour expliquer un dysfonctionnement, c’est souvent une hypothèse plus parcimonieuse. Mais une fois ce travail fait, ça ne doit pas empêcher d’envisager des hypothèses adaptatives… ce que nous allons faire maintenant.

Schéma d’illustration du texte précédant.

1. L’anxiété

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Commençons par l’anxiété, un mal auquel on pourra tous s’identifier je pense, même si on est pas tous atteints de la même façon et dans les mêmes situations. Mais déjà, de quel droit je me permets d’appeler ça un mal ? En quoi est-ce réellement mal d’être anxieux ? C’est précisément cette façon de penser qu’il faut essayer de changer.

Parce qu’imaginez traverser la vie avec absolument zéro anxiété. Sans avoir jamais peur de tomber. Sans avoir peur du ridicule. Sans avoir peur d’être malade. Sans avoir peur de causer du tort à autrui. Il est probable que cette traversée de la vie serait bien plus courte que celle d’une personne possédant un minimum d’anxiété. C’est d’ailleurs un premier apport potentiel concret des approches évolutionnaires au monde médical. Parce que si la recherche médicale et les psychiatres sont souvent focalisés sur le trop d’anxiété, une analyse évolutionnaire nous informe qu’il existe également, très probablement, des personnes qui souffrent d’un déficit d’anxiété, qu’on pourrait appeler des personnes « hypophobes »11. Nesse, Randolph M.. Evolutionary Psychiatry: Foundations, Progress and Challenges. World Psychiatry (2023). Ces personnes sont probablement peu représentées dans les salles d’attente des médecins parce qu’elles ne se sentent pas malades, qu’elles ne pensent même pas à consulter, mais je vous parie qu’elles sont par contre beaucoup plus représentées dans les rubriques nécrologiques et les recensements, si ça existe, de personnes virées pour négligence professionnelle.

Quant aux personnes qui souffrent réellement de trop d’anxiété, comment les identifier ? Pour identifier un « trop », il faut identifier un « normal », il faudrait être capable d’identifier ce qu’est «la bonne dose d’anxiété». Et bien qu’une analyse évolutionnaire soit censée pouvoir nous aider à faire ça, elle va aussi nous apprendre qu’avoir plus d’anxiété que strictement nécessaire pourrait en fait être utile à la survie22. Horwitz, Allan V. & Wakefield, Jerome C.. All We Have to Fear: Psychiatry’s Transformation of Natural Anxieties into Mental Disorders. (2012). Pourquoi ? À cause du principe du détecteur de fumée.

Imaginez avoir raté vos études et être devenu ingénieur. Ingénieur en charge de la construction d’un détecteur de fumée plus précisément. Arrive le moment où vous devez régler sa sensibilité de déclenchement. Pour faire ça, vous avez deux choses qui vous préoccupent. D’une part vous ne voulez pas qu’il se déclenche tout le temps, à chaque fois que quelqu’un sort de la douche ou fait cuire une saucisse. Et donc vous auriez plutôt tendance à diminuer sa sensibilité. Mais d’un autre côté, vous ne voulez pas non plus rater le vrai incendie le jour où il se déclarera. Et vous auriez donc plutôt tendance à augmenter sa sensibilité. Et donc, comment vous faites pour trancher ? Facile, vous faites ce qu’on appelle une analyse de coût/bénéfice : comme le coût de ne pas détecter un incendie est bien supérieur à celui de casser les oreilles à ceux qui font la cuisine, vous choisissez de rendre le détecteur de fumée plus sensible que ce qui est strictement nécessaire, histoire que les prochaines saucisses grillées ne soient pas les doigts boudinés de ceux qui vont acheter le détecteur. Voilà ce qu’on appelle le principe du détecteur de fumée.

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

Eh bien, la sélection naturelle, toujours assimilable à une ingénieure, j’allais dire une ingénieure imparfaite mais c’est un peu un pléonasme, donc juste une ingénieure, la sélection naturelle a probablement souvent fait la même chose. Elle a probablement réglé nos systèmes d’alerte biologiques pour qu’ils soient plus sensibles qu’ils ne le devraient.

Par exemple, peut-être que nous faire vomir à chaque fois qu’un petit virus de gastro se promène dans notre estomac, c’est complètement abusé. C’est écraser une mouche avec un marteau, et puis c’est coûteux d’un point de vue évolutionnaire, parce que ça fait perdre les apports nutritifs d’un repas. Mais ces coûts, même répétés plusieurs fois au cours d’une vie, seront largement compensés si, une fois de temps en temps, le virus qui se promène dans notre estomac est potentiellement mortel.

Idem pour la toux. Peut-être que c’est superflu de nous faire tousser pendant des jours dès qu’un pauvre virus a réussi à s’introduire dans nos voies respiratoires. Mais cette réaction sera quand même conservée si elle conduit à ne jamais laisser passer le virus qui va nous faire honorer notre rendez-vous avec les asticots avec un quart d’heure d’avance.

Et donc, revenons-en à l’anxiété. L’anxiété est une très bonne candidate pour avoir bénéficié de ce principe du détecteur de fumée. C’est probablement très utile d’être plus anxieux que nécessaire dans tout un tas de situations. Et ça ressemble peut-être à une mauvaise nouvelle, mais en fait, pas forcément. Si vous êtes soignant, vous pourriez même vous servir de cette nouvelle pour convaincre certains de vos patients d’accepter des soins.

Comment ? Hé bien précisément en faisant remarquer que le principe du détecteur de fumée a introduit de la douleur superflue dans notre psychologie.

Exactement comme en médecine classique. C’est pas parce qu’on sait que la fièvre, la toux et la nausée sont des mécanismes de défense utiles qu’on refuse de les atténuer voire de les supprimer complètement quand ils deviennent trop gênants. On peut se le permettre, parce qu’on sait, grâce à la science moderne, grâce aux statistiques, que le corps arrivera quand même à guérir sans. En particulier quand on en administre en même temps des antibiotiques ou tout autre médicament qui s’attaque directement au pathogène. Quand on fait ça, c’est un peu comme si on disait, « c’est très bien, corps, tu nous as avertis qu’il y avait un pathogène dans les parages et tu as commencé à lutter, contre, en toussant, en nous faisant courir aux toilettes, mais maintenant on prend le relai avec les moyens de la science moderne. Et donc si ça ne te dérange pas, on va couper ton système de défense, et surtout, on va couper ton système d’alarme, la douleur. On va couper ton radio réveil qui n’arrête pas de sonner parce qu’il nous saoûle et qu’on a de meilleures solutions à notre disposition. »

C’est peut-être encore plus flagrant dans le cas des brûlures. Quand vous vous brûlez, vous continuez à ressentir de la douleur bien après que le danger ait été écarté. On se brûle une fois, et après on souffre pendant des heures, des jours ou des semaines. Mais cette douleur n’a plus d’utilité. Il ne faut donc pas hésiter à s’en débarrasser.

Hé bien on peut faire la même chose quand on soigne la psychologie. Si vous êtes soignant, vous avez peut-être des personnes dans votre patientèle qui ont honte d’être malades, ou qui se trouvent anormales d’être trop anxieuses, ou d’être tout le temps dépressives. Ou des personnes qui refusent de se soigner parce que la douleur c’est naturel ou je ne sais quelle explication. À ces personnes, vous pouvez leur expliquer que leur anxiété est certes normale et naturelle mais aussi exagérée. Normale, parce qu’elle fait partie d’un mécanisme de défense psychologique probablement commun à toute l’espèce humaine. Mais exagérée à cause du principe du détecteur de fumée. Et donc, vous pouvez à la fois faire déculpabiliser vos patients, en leur parlant de l’utilité de l’anxiété, probable adaptation commune à toute l’espèce humaine, et leur faire accepter de se soigner, en leur parlant du principe du détecteur de fumée.

Schéma d’illustration du texte précédant.

C’est un point extrêmement important qu’il faut garder en tête. On pense parfois que commencer à réfléchir à pourquoi les troubles mentaux pourraient être utiles du point de vue de l’évolution ça va conduire à ne plus vouloir soigner les gens, à les laisser souffrir, en leur disant : «ta douleur est naturelle et normale». Mais en fait pas du tout. Comme d’habitude, les leçons qu’on peut tirer de l’évolution ou de la biologie sont bien plus variées qu’on ne le croit. S’opposer à la douleur, même si elle est le résultat de la sélection naturelle, n’est pas forcément quelque chose d’aberrant.

S’opposer à la douleur, même si elle est le résultat de la sélection naturelle, n’est pas forcément quelque chose d’aberrant.

Et ya une autre raison pour laquelle une analyse évolutionnaire doit nous inciter à nous opposer aux mécanismes de défense de notre corps, c’est que ceux-ci ont été conçus pour être utiles en moyenne, sur toute une vie, pas dans chaque situation donnée. Par exemple, chez les bébés, une fièvre trop importante peut devenir mortelle. La fièvre est, généralement, sur une vie entière, un mécanisme de défense utile, mais quand elle survient pile au mauvais moment, chez un un bébé par exemple, elle peut devenir néfaste. La sélection naturelle ne s’opposera pas forcément à ces effets néfastes pour toutes les raisons qu’on a évoquées avant. Mais nous humains, en ayant conscience de ça, on peut décider de s’y opposer. Donc surtout, ne laissez pas vos bébés se débrouiller avec leur fièvre au prétexte que celle-ci serait naturelle ou utile ! Ce sont les médecins qui savent le mieux dans quelles situations il faut intervenir, même s’ils ne sont pas formés à la médecine évolutionnaire.

Avant de refermer ce chapitre anxiété, un petit mot sur l’anxiété sociale plus spécifiquement. La plupart d’entre nous connaissent le trac qu’on peut ressentir avant de monter sur scène ou le stress avant une présentation orale. Mais certaines personnes peuvent se sentir très mal dans des situations bien plus banales, par exemple rien qu’à l’idée d’aller faire la fête avec des inconnus. Ça peut paraître bizarre d’un point de vue évolutif, parce que si l’anxiété vise à nous éloigner du danger, le danger de parler devant un public ou de faire la fête avec des inconnus n’est pas immédiatement visible. Mais c’est oublier que, dans l’espèce humaine, énormément de bénéfices passent par la vie sociale. Les amis, la famille, les collègues, le groupe social en général sont des sources d’aide et de réconfort importantes, les plus importantes même. Et chaque fois qu’on parle en public ou qu’on est exposé au public, il y a une chance non négligeable de perdre une partie de ces ressources sociales en disant quelque chose d’inapproprié ou en se comportant d’une façon inappropriée. Donc une fois de plus, l’anxiété sociale est tout à fait normale, un probable mécanisme de défense psychologique pour éviter de trop endommager notre fitness. Ça n’empêche pas de la considérer comme handicapante chez certaines personnes, mais reconnaître qu’elle est à la base produite par un système fonctionnel peut être un premier pas dans son acceptation et par conséquent son traitement.

2. Les crises de panique

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Une des raisons pour lesquelles les troubles mentaux sont difficiles à traiter c’est qu’ils sont parfois le résultat de cercles vicieux, de phénomènes qui s’auto-entretiennent, qu’on appelle des boucles de rétroaction positive. Prenons l’exemple de la panique. L’utilité de la panique, d’un point de vue évolutionnaire, est assez évidente. Elle fait augmenter le rythme cardiaque, accélère la respiration et redirige les flux sanguins vers les muscles, des réactions adaptées à une fuite ou un combat33. Cannon, W. B.. The Emergency Function of the Adrenal Medulla in Pain and the Major Emotions. American Journal of Physiology-Legacy Content (1914).

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

Là où ça devient plus problématique, c’est quand ces crises deviennent récurrentes et se transforment en ce qu’on appelle un trouble panique, qui lui inclut souvent ces fameuses boucles de rétroaction positive. Par exemple, vous allez avoir une première crise de panique mais, même quand elle sera passée, l’anticipation d’une nouvelle crise va conduire effectivement à une nouvelle crise. C’est ce qu’on appelle la peur de la peur : vous avez peur de ressentir les symptômes désagréables de la peur44. Chambless, Dianne L. & Gracely, Edward J.. Fear of Fear and the Anxiety Disorders. Cognitive Therapy and Research (1989), et donc vous paniquez. Ça arrive souvent suite à une mise en garde d’un médecin. Un jour, vous avez un problème de santé, vous craignez le pire et vous filez aux urgences. Et là, le médecin se montre rassurant, vous dit que vous n’avez rien, que ce n’est pas une crise cardiaque, mais que « Si jamais vous avez de nouveau les mêmes symptômes, revenez nous voir tout de suite. » Et ça c’est la petite phrase qui déclenche tout. À partir de ce moment-là, vous allez commencer à être beaucoup plus attentif à votre état, à anticiper et donc à créer potentiellement une nouvelle crise de panique qui n’aurait pas eu lieu d’être.

Un autre mécanisme évolutionnaire potentiellement important pour expliquer la difficulté à soigner certains troubles, c’est l’abaissement des seuils de douleur. Par exemple, imaginez que vous n’arrêtez pas de vous faire des bleus ou des coupures au bras. Qu’est-ce que ça veut dire d’un point de vue évolutionnaire ? Ça peut vouloir dire deux choses. Soit ça veut dire que vous vivez dans un environnement très dangereux. Et donc, potentiellement, ça deviendrait adaptatif de devenir beaucoup plus sensible à la présence de menaces dans cet environnement. Soit ça veut dire que le mécanisme de production de la douleur censé vous prévenir quand vous vous blessez, est mal calibré, qu’il ne se déclenche pas assez souvent. Dans les deux cas, la sélection naturelle pourrait aboutir à la mise en place de mécanismes pouvant baisser le seuil au-delà duquel la douleur se déclenche. Et voilà comment beaucoup de douleur ressentie peut, paradoxalement, conduire à encore plus de douleur.

Schéma d’illustration du texte précédant.

Une fois de plus, la prise de conscience de ces logiques de cercles vicieux et d’abaissement des seuils de douleur peut aider certains patients à se comprendre et s’accepter. Elle peut aider à comprendre à la fois pourquoi ces réactions sont normales, mais pourquoi elles peuvent devenir inappropriées. Ces explications pourront peut-être aussi rassurer les patients qui rechignent à prendre des médicaments sous prétexte que ceux-ci ne s’attaqueraient qu’aux symptômes et pas à la cause. Dans le cas des boucles de rétroaction par exemple, les symptômes sont aussi la cause. Quand l’anticipation de la panique déclenche la panique, la panique est à la fois cause et effet.

Comme le dit le psychiatre Randolph Nesse, un pionnier de la médecine évolutionnaire :

Image d’illustration de la citation : De telles préoccupations peuvent être apaisées en expliquant que l'utilisation de médicaments pour arrêter les crises de panique pendant plusieurs mois réinitialise le système à une sensibilité appropriée pour un environnement sûr, rendant le retour des symptômes moins probable lorsque les médicaments sont arrêtés.. Citation de 1. Nesse, Randolph M.. Evolutionary Psychiatry: Foundations, Progress and Challenges. World Psychiatry (2023).

De telles préoccupations peuvent être apaisées en expliquant que l’utilisation de médicaments pour arrêter les crises de panique pendant plusieurs mois réinitialise le système à une sensibilité appropriée pour un environnement sûr, rendant le retour des symptômes moins probable lorsque les médicaments sont arrêtés11. Nesse, Randolph M.. Evolutionary Psychiatry: Foundations, Progress and Challenges. World Psychiatry (2023).

3. Les phobies

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L’approche évolutionnaire est également utile pour comprendre les phobies. Elle explique par exemple pourquoi beaucoup plus de personnes ont des phobies des araignées, des serpents ou du vide que des voitures ou des prises électriques, alors que ces objets sont pourtant beaucoup plus dangereux dans nos environnements modernes.

À ce propos, je voudrais en profiter pour parler d’un malentendu courant sur les approches évolutionnaires. Je vous en avais déjà parlé dans cette vidéo, les approches évolutionnaires ne postulent PAS l’existence d’une peur innée des serpents ou des araignées, dans le sens qu’on naîtrait tous avec une peur de ces petits animaux. Ça serait quelque chose d’un peu bizarre de postuler ça, puisque bien sûr nous n’avons pas tous peur de ces bestioles, et que les bébés semblent en avoir encore moins peur que les adultes55. ABC Science. The Surprising Reason Babies Are NOT Afraid of Snakes | Secret Science. (2024). C’est pareil avec les primates non humains d’ailleurs. Chez les macaques rhésus par exemple, ceux qui ont grandi dans des enclos fermés n’ont pas peur d’un serpent la première fois qu’ils en voient un. Ils ont besoin d’observer un de leurs congénères avoir peur devant un serpent pour commencer à en avoir peur eux-mêmes66. Mineka, Susan et al. Fear of Snakes in Wild- and Laboratory-Reared Rhesus Monkeys (Macaca Mulatta). Animal Learning & Behavior (1980).

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Alors vous allez sûrement dire, « voilà la preuve que même un truc comme la peur des serpents, c’est quelque chose d’appris, que la biologie n’a rien à voir là-dedans ». Sauf que, ce que les expériences montrent, c’est qu’en réalité les macaques ont quand même plus de facilité à *apprendre* à avoir peur des serpents que d’autres objets plus banals, comme des fleurs, par exemple77. Öhman, Arne & Mineka, Susan. Fears, Phobias, and Preparedness: Toward an Evolved Module of Fear and Fear Learning.. Psychological Review (2001). Certains stimuli dans l’environnement des primates vont être plus facilement associés à de la peur que d’autres. Donc en fait, meme si c’est vrai qu’il faut un apprentissage, ça ne veut pas dire que la biologie n’est plus pertinente pour comprendre ce comportement. Comme c’est souvent le cas en biologie, on a là un mélange d’inné et acquis. Oui, les peurs des primates dépendent d’un apprentissage, et d’un apprentissage social en particulier. Mais être capable de pouvoir faire ces apprentissages, et apprendre certaines choses plus facilement que d’autres, c’est quelque chose de permis et préparé par l’évolution.

Schéma d’illustration du texte précédant.

Et quand on y réfléchit, ça a du sens d’un point de vue évolutionnaire que les peurs ne soient pas toutes présentes à la naissance. La seule situation dans laquelle ça pourrait être utile, c’est quand l’environnement à la naissance est si dangereux qu’une réaction très rapide est nécessaire. C’est en fait une nouvelle application du principe du détecteur de fumée, ya certaines situations dans lesquelles vous avez besoin de mettre la sensibilité du détecteur au minimum pour qu’il se déclenche à la moindre alerte. Par exemple, vous êtes un poussin et vous voyez une ombre sur le sol, là oui vous vous barrez en courant sans chercher à réfléchir. Il y a toutes les chances que ce soit un aigle qui a un ptit creux, donc vous courez vous mettre à l’abri. Mais pour plein d’autres espèces, et notamment les primates qui ne sont pas autant vulnérables à la naissance, une peur apprise et notamment une peur apprise socialement sera plus adaptée.

Voilà, donc la conclusion c’est que ceux qui disent que la psycho évo postule l’existence d’une peur des serpents présente à la naissance ne savent pas de quoi ils parlent. Comme souvent, les hypothèses sur lesquelles travaillent les chercheurs sont bien plus subtiles.

L’approche évolutionnaire peut aussi être utile pour différencier différents types de peurs. Parce que si on a l’habitude de parler de « la » peur, on devrait parler « des » peurs, étant donné qu’on ressent de la peur dans des situations très variées, et le biologiste de l’évolution ajoutera, qui ne nécessitent pas la même réponse. Par exemple, on ressent de la peur quand on tombe nez à nez avec un lion ou un géologue. Mais on éprouve aussi de la peur quand on se retrouve coincé sur une falaise au bord du vide. Et si dans la première situation se mettre à courir peut être une réaction adaptée, le même comportement dans la deuxième situation sera un peu moins souvent couronné de succès.

4. Les troubles obsessionnels compulsifs

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Terminons pour aujourd’hui avec les troubles obsessionnels compulsifs, sur lesquels je vais être très rapide, parce qu’ils sont assez peu étudiés et qu’ils sont aussi très variés. Mais, pour prendre un exemple en particulier, pensons aux personnes qui se lavent les mains 40 fois par jour ou à celles qui font 10 km en voiture pour retourner chez elles vérifier si elles n’ont pas oublié de débrancher le fer à repasser. Une fois de plus, c’est facile d’imaginer comment ces comportements peuvent être à la base de bonnes choses. Se laver les mains régulièrement n’est pas une mauvaise chose, et je pense qu’on a tous déjà fait demi-tour après une cinquantaine de mètres, pour vérifier qu’on avait bien fermé à clé sa maison ou sa voiture. Mais on le fait une fois, et si on est déjà trop loins, on se dit tant pis et on passe mentalement à autre chose.

Mais il y a des gens qui ne passent jamais à autre chose. Et bien que l’origine des TOCs soit encore pas bien comprise, une de leurs explications c’est précisément ça : c’est que chez certaines personnes, les mécanismes mentaux chargés de faire passer à autre chose sont dysfonctionnels. C’est-à-dire qu’on a à la base un système fonctionnel, produit de la sélection naturelle, qui nous fait nous préoccuper de certaines choses, et un deuxième système, chargé de brider ce premier. Mais dans le cas des TOCs, pour une raison ou une autre ce deuxième système ne joue plus son rôle.

Image d’illustraction vidéo Homo Fabulus

On va s’arrêter là pour aujourd’hui, je vais garder la dépression, les addictions, les troubles sexuels pour la dernière vidéo. Je vous dirai aussi deux mots de ce qu’il y a à attendre de ces recherches d’un point de vue médical et puis je vous donnerai quelques ressources pour celles et ceux qui veulent creuser plus loin. Merci d’avoir regardé cette vidéo, et merci à Nicolas Berté, Petit Kevin, nolea et tous les autres primates qui me soutiennent sur homofabulus.com/soutien.

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