Pourquoi malgré l’indigence et l’injustice criante des critiques de la psycho évo depuis plus de 30 ans, je pense qu’il y a des raisons d’espérer ! C’est la conclusion de ma mini-série « critiques », réjouissez-vous !
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Sommaire
Ok, c’est l’heure de conclure ! Aujourd’hui, je vous explique pourquoi, malgré la faible qualité et l’injustice des critiques de la psycho évo depuis plus de 30 ans, je pense qu’il y a tout de même des raisons d’espérer. Je vous explique pourquoi la négativité des philosophes des sciences en particulier est probablement dûe en grande partie à un biais d’échantillonnage, et pourquoi cette négativité représente pour vous, les générations futures, une formidable opportunité.
4. Conclusion : faites mieux que vos aînés!
Nous arrivons au terme de cette vidéo. Je vais donc vous la résumer et essayer de terminer sur une note un peu plus positive.
4.1. Résumé
Le point de départ de cette vidéo, c’était de se demander ce que valent les critiques de la psycho évo. Je me mets à votre place, et je me dis que ça ne doit pas être facile de se faire un avis, puisque vous voyez que la psycho évo est encensée par les uns, qualifiée de pseudoscience par les autres, et que certains chercheurs au CV bien fourni se trouvent dans ce dernier camp [Schéma 1]. Si vous ne connaissez pas d’autres défenseurs du champ que moi, vous pourriez même être tenté de vous dire que mon avis ne pèse pas lourd face à celui de tous les philosophes des sciences et biologistes ayant émis de gros doutes sur ce programme de recherche.
Néanmoins, pour pouvoir réellement vous faire un avis, vous ne pouvez pas faire l’économie d’une analyse de fond des arguments. L’article de l’encyclopédie de philosophie de Stanford sur la psychologie évolutionnaire me paraissait tout indiqué pour ça.
Nous l’avons donc lu, et ce que j’ai essayé de vous montrer, c’est que l’affirmation extrêmement forte faite dès le premier paragraphe, que la psycho évo est «profondément défectueuse», n’est justifiée à aucun moment. L’article présente en réalité trois types de critiques : celles qui montrent une méconnaissance de ce qu’est la psycho évo, celles qui ne sont possibles que parce qu’elles reposent sur du flou sémantique, et celles réellement pertinentes mais qui ne constituent pas des critiques fatales. Cet article fait aussi complètement l’impasse sur les découvertes empiriques du champ, préférant se perdre dans des débats théoriques sans fin.
George Berkeley, un philosophe du XVIIIe siècle pas très connu, a dit un jour quelque chose que j’aime bien, en parlant de son travail et de celui de ses collègues philosophes:
«Nous avons d’abord créé un nuage de poussière pour ensuite nous plaindre de ne plus arriver à voir133133. Berkeley, George. Principles of Human Knowledge and Three Dialogues Between Hylas and Philonous. (1710).»
Je trouve que cet aphorisme s’applique très bien à notre cas. Les philosophes des sciences se plaignent de ne pas voir l’intérêt de la psychologie évolutionnaire mais sont eux-mêmes responsables de cette cécité, n’ayant jamais su décrire le champ de façon juste sans sombrer dans la caricature. Pourtant, le principe de base du champ est on ne peut plus simple : postuler des fonctions permet de découvrir du design. C’est une heuristique dont l’utilité n’est plus à prouver, étant donné son succès en biologie. Quand vous avez compris que l’essence du champ était simplement ça, d’utiliser cette heuristique pour faire des découvertes, les débats sur la modularité, l’adaptationnisme et les machines à remonter le temps disparaissent d’eux-mêmes. Quand vous avez compris que l’essence du champ était simplement ça, la discipline devient extrêmement triviale.
L’injustice des critiques de la psycho évo est dénoncée depuis longtemps sans que la situation n’ait vraiment changé. Pourquoi? La raison principale est la politique. Nombre de détracteurs ne se sont jamais cachés de s’en prendre à ce champ avant tout pour ses supposées implications sociales, dans un contexte d’après seconde guerre mondiale, de développement des mouvements pour la justice sociale, et d’idéologies répandues dans les milieux intellectuels, voyant dans la science le bras armé de la bourgeoisie dominante.
Steven Jay Gould et Richard Lewontin, les détracteurs les plus célèbres de ces approches, sont bien représentatifs de ces critiques. Scientifiquement, ils n’ont jamais arrêté de défendre des visions marginales de la biologie de l’évolution et de caricaturer à outrance les idées de leurs opposants. Politiquement, ils n’ont jamais caché, surtout Richard Lewontin, de vouloir laisser l’idéologie guider leurs recherches et de représenter les intérêts du peuple. Un grand nombre de leur travaux, et notamment leur célèbre papier de 1979, n’ont servi qu’à diminuer l’importance de la sélection naturelle et donc l’idée que le monde est bien fait, une idée dangereuse politiquement selon eux.
J’ai également discuté rapidement de l’idée selon laquelle, face à une certaine recherche, il faudrait toujours se poser la question d’ «à qui ça profite?». Si ça peut sembler quelque chose de positif en premier abord, ça peut vite aussi tourner à la paranoïa, vu la difficulté de calculer des conséquences sociales sur des sujets aussi compliqués. Les estimations sont toujours faites par l’institut du doigt mouillé en collaboration avec le laboratoire du pifomètre, et donc très sensibles aux idéologies. Même si vous êtes persuadé que la science est pétrie de valeurs et qu’elle ne pourra jamais devenir vraiment objective, ça n’aide en rien pour déterminer de quelles valeurs elle est effectivement pétrie. Pour moi, l’idéal serait de discuter de ces questions de façon collective et démocratique, sur la base d’un débat informé, le plus important étant qu’une poignée d’intellectuels cesse de décider ce qui est bon ou pas pour nos sociétés tout en répandant de la mésinformation au passage.
Enfin, dans une dernière partie, je vous ai présenté les raisons autres que politiques qui expliquent pourquoi la psycho évo rencontre des difficultés à convaincre [Schéma 2]. D’abord, la biologie de l’évolution et les sciences cognitives sont très mal comprises, à la fois dans le grand public et chez les universitaires. Cette méconnaissance conduit souvent à qualifier d’absurdes et de naïves des propositions pourtant parfaitement triviales. La psycho évo est aussi souvent confondue avec son ancêtre la sociobiologie qui pouvait réellement être naïve sur certains points. Elle souffre aussi d’une mauvaise réputation chez ceux qui pensent que la falsifiabilité est l’alpha et l’oméga de la science, et que les sciences sont censées produire des certitudes.
Elle pâtit d’une pénurie importante d’avocats de la défense, parce que ses pratiquants n’aiment pas les conflits, qu’ils ont mieux à faire que de corriger les erreurs des autres en permanence, et qu’ils n’ont aucune envie de subir le harcèlement moral qu’ont subi leurs aînés. La facilité avec laquelle les accusations de racisme et de sexisme fusent et la peur de passer pour un ennemi du progressisme explique aussi pourquoi, dans le monde universitaire et les médias en général, on a tendance à se montrer trop conciliant avec les explications environnementales et trop sévère avec les génétiques. Enfin, se moquer de la psycho évo est devenu dans certains milieux un marqueur d’identité et un moyen facile de se faire des amis et récolter des points de vertu.
Au final, la grande leçon que je voudrais que vous reteniez au sortir de cette vidéo-marathon, c’est que pour vous faire un avis sur ces sujets, vous ne pouvez faire confiance à personne. Et je m’inclus bien sûr là-dedans. J’ai pris soin, aujourd’hui encore plus que d’habitude, de référencer mes propos et m’appuyer sur des citations pour vous montrer que je suis loin d’être le seul à analyser la situation de cette façon, mais je vous invite à continuer à tout vérifier et ne pas prendre mon avis pour argent comptant. Parce que l’ombre de la politique plane sur tous ces sujets, ni les diplômes des uns, ni les publications des autres, ni le consensus existant dans certaines disciplines ne doivent vous faire accepter aucun argument sans broncher. Vous ne pouvez faire confiance qu’à vous-même et aller lire la littérature primaire sur ces sujets. Et j’insiste : la littérature primaire. Vous ne pouvez pas vous renseigner sur la psychologie évolutionnaire en lisant ce qu’un tiers en a dit, même si ce tiers est philosophe des sciences à Harvard avec un CV long comme le bras.
Je tiens d’ailleurs à rappeler que mon but avec cette série de vidéos n’est pas du tout de vous convertir à la psycho évo. Je l’ai déjà dit, je le répète, vous vous mettez ce que vous voulez dans le crâne, et vous avez parfaitement le droit de penser que cette discipline est défectueuse ou ne produit que des niveaux de preuves très faibles. Si vous voulez penser que les niveaux de preuves en sciences sociales sont bien meilleurs que ceux en psycho évo, allez-y. Si vous voulez penser que nos comportements sont entièrement des produits culturels et que la biologie de l’évolution est inutile pour comprendre le comportement humain, allez-y. La seule chose qui m’importe personnellement, c’est que vous ayez pris toutes ces décisions sur la base d’une vision juste de ce qu’est la psycho évo. Et ce n’est certainement pas en lisant ses critiques que vous y parviendrez. Mon seul but à moi c’est ça. Que la psycho évo soit évaluée de façon juste. Après, le résultat de cette évaluation m’importe peu.
Et en parlant d’évaluation, je tiens à préciser qu’après vous être tapé toute ma série sur la psycho évo vous êtes maintenant capables d’évaluer par vous-mêmes les critiques, y compris celles émanant des plus grands pontes en philosophie des sciences ou en biologie de l’évolution. En réalité, comme on l’a vu aujourd’hui encore, il suffit de comprendre que la psycho évo c’est postuler des fonctions pour découvrir du design pour disqualifier 90% des critiques. Et il me paraît donc important que vous remettiez vous-même un peu à leur place tous les chercheurs qui s’expriment sur ces sujets sans les maîtriser, parce que c’est aussi comme ça que l’on progressera. Actuellement, beaucoup de chercheurs et d’intellectuels se permettent de raconter n’importe quoi parce qu’ils savent très bien qu’ils ne seront pas repris. Les risques de se faire prendre la main dans le sac à raconter n’importe quoi sont minimes par rapport aux bénéfices de passer pour un chevalier blanc du progressisme, mais vous, vous avez le pouvoir de faire en sorte que les risques réputationnels de raconter n’importe quoi deviennent un peu plus importants.
4.2. Aux scientifiques de demain
La situation s’améliore-t-elle? A-t-on progressé depuis la sociobiologie des années 70 vers une meilleure acceptation des sciences évolutionnaires du comportement? J’aimerais pouvoir répondre que oui, mais pour être tout à fait franc je n’en suis pas certain. Certains signes donnent de l’espoir, et d’autres non [Schéma 3].
Commençons par les mauvais signes. Vous vous rappelez qu’Edward Wilson, le fondateur de la sociobiologie, a dit qu’il n’y avait pas de pire moment que les années 70 pour l’avènement de cette discipline. Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec lui. S’il est certain qu’aujourd’hui le souvenir de la seconde guerre mondiale s’est estompé, les années 70 ne connaissaient pas le foisonnement de ce qu’on appelle aujourd’hui les théories critiques, ni le grand étalage de vertu numérique des réseaux sociaux. Ou plutôt, disons que c’était les débuts à cette époque, comme je vous le disais tout à l’heure, les débats sur la sociobiologie sont considérés comme les précurseurs des science wars. Toutes ces spéficités intellectuelles, culturelles et militantes que nous vivons actuellement, j’aurais du mal à vous dire si elles vont commencer à s’essoufler ou continuer à prospérer. Ce qui est certain c’est qu’elles ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Gould et Lewontin ont fait des émules et laissent derrière eux une descendance intellectuelle et militante que vous n’aurez pas de mal à reconnaître si vous vous promenez sur Twitter.
En plus, pour certains militants, la seule chose qui importe est de combattre tout ce qui peut être récupéré par la droite ou l’extrême-droite. Il existe une certaine frange militante qui ne vit que par les comportements du camp d’en face. Or la biologie du comportement a toujours été et sera toujours récupérée. L’extrême-droite en particulier a récupéré ces recherches depuis les années 70, elle le fait encore aujourd’hui et elle le fera encore dans cinquante ans. Donc la biologie du comportement ne cessera jamais d’être combattue par les militants qui condamnent sur le fond tout ce qui est récupéré par leurs ennemis politiques.
Les débats reposent aussi sur des choses aussi intangibles que la confiance portée en l’humanité. Certaines personnes semblent convaincues qu’on se transformera tous en nazis le jour où on découvrira que nos capacités cognitives sont en partie déterminées génétiquement. Et à ces personnes, que voulez-vous dire pour leur remonter le moral? Vous pourriez essayer de faire appel aux leçons de l’histoire, rappeler par exemple que les progrès en biologie du comportement ces 50 dernières années n’ont pas empêché le progrès social, mais on pourra toujours vous rétorquer que ce progrès aurait pu être encore plus rapide si ces recherches n’avaient pas existé. Ce qui d’ailleurs est peut-être vrai. En l’absence d’univers parallèle servant de condition contrôle, on en sera toujours réduits aux estimations au doigt mouillé. Et en plus de ça, comme la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres, ceux qui en possèdent peu ne sont pas près de changer d’avis et continueront à détester ces recherches.
Enfin, le rejet de la psycho évo continuera parce que l’environnementalisme sera toujours une idée plus plaisante psychologiquement pour les progressistes que pour les conservateurs, et que les effets de groupe, l’affichage ostentatoire de vertu, les chercheurs qui ne savent pas séparer leur travail scientifique de leurs idéologies ne disparaîtront pas non plus du jour au lendemain. Il est important de ne pas être naïfs sur ces sujets : si comme le prétend la psychologie évolutionnaire, ces comportements de rejet sont en partie dûs à des biais cognitifs profondément ancrés en nous, il faut considérer qu’ils font partie du paysage et qu’on en aura jamais vraiment terminé avec eux. Lutter contre, aller contre, c’est certainement possible, mais s’en débarrasser complètement semble illusoire. Et il faut l’accepter. Si vous aimez la psychologie évolutionnaire, vous devez aimer l’humain, avec ses qualités et ses défauts. En tout cas c’est comme ça que je l’envisage. Je rappelle que le «Fabulus» dans Homo Fabulus vient précisément de l’admiration pour l’extraordinaire complexité comportementale de l’espèce humaine, avec ses qualités et ses défauts. L’humain est un paquet de Dragibus dans lequel se cachera toujours un bonbon à la réglisse.
Pour toutes ces raisons, je pense que la psychologie évolutionnaire ne deviendra jamais pleinement acceptée [Schéma 4]. Au contraire, il faut s’attendre à ce qu’elle continue à rencontrer de nombreuses résistances, et que toutes les incompréhensions, les caricatures et les injustices qu’elle subit continuent.
Néanmoins, il existe aussi des raisons de se réjouir. Tout d’abord, n’oublions pas que les idéologies finissent généralement par passer. Il faut parfois 20, 30, 50 ou 100 ans pour que ça se produise, mais il arrive généralement un moment où une idéologie passe de mode, et ce qui reste alors, c’est le travail scientifique. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui certaines idéologies semblent hégémoniques que ce sera toujours le cas. Je vous encourage donc, les jours où vous n’avez pas le moral, à prendre du recul. Tout comme Robert Sapolski se rappelle de sa jeunesse comme de «l’époque glaciaire du les-gènes-n-ont-rien-à-voir-avec-le-comportement», peut-être que dans 50 ans on se rappellera d’aujourd’hui comme de l’époque du… «les-gènes-n-ont-toujours-rien-à-voir-avec-le-comportement-mais-un-petit-peu-plus-quand-meme».
les gènes n’ont rien à voir avec le comportement
Et en fait, quand on prend du recul, on se rend bien compte que la science continue de travailler sans être trop affectée par ces débats politiques de surface. Je vous l’ai dit, la plupart des chercheurs préfèrent travailler dans l’ombre sans s’exprimer publiquement, parce qu’ils n’ont ni le temps ni l’envie d’entrer dans des débats avec des personnes plus préoccupées par la politique que la science. Et si ma vidéo d’aujourd’hui a pu parfois peindre un tableau pas très reluisant du monde universitaire, je tiens à préciser que la majorité des chercheurs continue de faire un travail remarquable et sait tenir la politique à l’écart de la science – en tout cas, dans les milieux scientifiques que j’ai fréquentés, c’est le cas.
Et ce n’est pas parce qu’une certaine hypothèse a la faveur des médias pour son côté politiquement plaisant qu’elle a la même importance dans les journaux scientifiques. L’hypothèse que les femmes seraient plus petites que les hommes à cause du patriarcat par exemple, très relayée par les médias, n’a quasiment aucun soutien dans le monde universitaire. Donc même s’il faut toujours garder un oeil sur les attaques politiques sur la science, mon sentiment personnel c’est que pour l’instant celle-ci y résiste plutôt bien.
Comme l’ont proposé certains philosophes, le succès de la science tient peut-être à son caractère social, et cette leçon vaut peut-être encore plus pour la biologie du comportement.
Je sais que ça peut être très démoralisant de voir que des théories bien étayées en biologie puissent être remises en question du jour au lendemain simplement parce que quelqu’un a créé une hypothèse plus plaisante pour l’idéologie du moment. C’est démoralisant, injuste, et très énervant. Mais gardez votre calme. Il faut faire confiance à la science pour triompher sur le long terme. Il faut voir plus loin que la dernière polémique de machin et la dernière hypothèse politiquement plaisante de bidule.
Prenez du recul. Prenez du recul, en permanence. C’est ça qui vous sauvera si vous ne supportez plus cette omniprésence du politique dans le débat scientifique. Et si vous faites vous-même de la recherche dans ces domaines, vous devez vous dire que vous travaillez pour les générations futures, pas pour l’idéologie du moment. Et ce d’autant plus que la psycho évo n’a que 30 ans, et que 30 ans c’est rien du tout pour une science. Pour une science si jeune, c’est complétement normal de rencontrer des oppositions, y compris politiques. On peut considérer qu’on est encore dans l’enfance ou l’adolescence de la psycho évo.
Une autre raison de se réjouir, c’est que la psychologie évolutionnaire est bien mieux acceptée et intégrée aux sciences cognitives qu’elle ne l’était dans les années 90. Rappelez-vous de la citation de Daniel Dennett qui déplorait en 1995 le
«niveau d’hostilité et d’ignorance sur l’évolution qui était exprimé sans la moindre hésitation par d’éminents chercheurs en sciences cognitives134134. Dennett, Daniel C.. Darwin’s Dangerous Idea – Evolution and the Meanings of Life. (1995).»
Aujourd’hui on n’en est plus là. Tous les chercheurs en sciences cognitives ne se sont pas convertis à la psycho évo, loin de là, et il n’y a d’ailleurs pas de raison de le faire, mais celui qui serait le plus mal vu dans les labos aujourd’hui, ce serait plutôt celui qui affirmerait que l’évolution n’a pas son mot à dire pour expliquer les comportements, plutôt que celui qui se revendiquerait psychologue évolutionnaire.
Et du côté des philosophes des sciences, que j’ai un peu malmenés aujourd’hui, la situation n’est pas non plus complètement désespérée. L’article de l’encyclopédie de Stanford mentionnait que malgré le consensus contre la psycho évo, certains philosophes des sciences défendent le champ. Je peux vous citer par exemple Edouard Machery:
«La psychologie évolutionnaire reste une approche très controversée en psychologie, peut-être parce que les sceptiques ont parfois peu de connaissances de première main du champ, peut-être parce que la recherche qui y est faite est de qualité inégale. Cependant, il n’y a aucune raison d’adopter un scepticisme de principe : bien que clairement fallibles, les heuristiques de découverte et les stratégies de confirmation utilisées par les psychologues évolutionnaires sont construites sur des bases solides135135. Machery, Edouard. Discovery and Confirmation in Evolutionary Psychology.. (2011).»
Et je peux citer d’autres noms. Maarten Boudry est un autre philosophe que vous pouvez lire et qui écrit des choses très pertinentes sur la psycho évo. Le célèbre philosophe de la biologie Ernst Mayr a aussi défendu le programme de recherche adaptationniste face aux attaques de Gould et Lewontin136136. Mayr, Ernst. How to Carry Out the Adaptationist Program?. The American Naturalist (1983). Le philosophe des sciences Robert Arp a lui-même pratiqué la psychologie évolutionnaire137137. Arp, R.. The Environments of Our Hominin Ancestors, Tool-usage, and Scenario Visualization. Biology and Philosophy (2006). Daniel Dennett utilise aussi très souvent la pensée évolutionnaire dans ses travaux, vous pouvez par exemple lire ce livre, L’idée dangereuse de Darwin134134. Dennett, Daniel C.. Darwin’s Dangerous Idea – Evolution and the Meanings of Life. (1995), pour voir ce que ça donne un philosophe des sciences qui prend la théorie de l’évolution au sérieux. Donc vous voyez, des philosophes des sciences non hostiles à ces approches, on en trouve.
Et si on ne se limite plus aux philosophes des sciences mais qu’on va chercher du côté des philosophes de l’esprit ou de la morale, là la situation s’améliore drastiquement. Certains de ces philosophes ont écrit des bouquins en trois volumes sur le cerveau inné138138. Carruthers, Peter et al. The Innate Mind: Structure and Contents. (2007), 139139. Carruthers, Peter. The Innate Mind Volume 2: Culture and Cognition. (2007), 140140. Carruthers, Peter. The Innate Mind: Volume 3: Foundations and the Future. (2007), et les philosophes de l’esprit se mettent même à décerner des prix aux psychologues évolutionnaires141141. Institut Jean Nicod. Actualités: Leda Cosmides et John Tooby lauréats du Prix Jean Nicod 2020. (2020).
Autre point important pour comprendre l’hostilité des philosophes à la psycho évo : n’oublions qu’il existe un biais d’échantillonnage puisque les philosophes qui n’ont rien à reprocher de particulier au champ ne vont généralement pas en parler publiquement. En fait, si les analyses des philosophes des sciences ont été jusqu’ici si mauvaises, c’est je pense en grande partie à cause de ce biais d’échantillonage. Parce qu’il ne faut pas s’imaginer que les philosophes des sciences choisissent leurs sujets d’étude au hasard. Ce qui s’est probablement passé, c’est que ceux qui étaient déjà intéressés par la politique à la base ont choisi de se spécialiser en philosophie de la biologie précisément à cause de ses connexions avec la politique.
Imaginez être un étudiant en Master 1 ou 2 de philosophie dans les années 70. Vous êtes engagé politiquement, et vous avez envie de vous rendre un peu utile, que vos travaux et vos outils philosophiques d’analyse conceptuelle servent un peu à quelque chose. Et là, paf, vous apprenez qu’il existe une discipline qui vient de naître, qu’on appelle la sociobiologie, qui est récupérée par l’extrême-droite. Ni une ni deux, vous allez décider de vous spécialiser en philosophie de la biologie et commencer à dézinguer systématiquement cette discipline identifiée comme dangereuse. Voilà probablement ce qui s’est passé et ce qui explique les millefeuilles argumentatifs pas très informés comme celui de l’encyclopédie de Stanford. La sociobiologie et la psycho évo se sont récoltées les philosophes des sciences les plus engagés politiquement. Et dans le même temps, les philosophes moins hostiles n’ont jamais ressenti le besoin de déclarer publiquement leur amour pour ces approches. Voilà ce que j’appelle biais d’échantillonnage.
La conclusion de tout ça, c’est que si vous êtes étudiant ou étudiante en philo, et que vous kiffez la biologie du comportement, surtout ne vous arrêtez pas à l’hostilité de vos aînés. La seule chose qu’ont su faire les philosophes jusqu’ici, c’est critiquer. Si demain vous utilisez les outils de la philosophie de manière constructive, je n’ai aucun doute que vous arriverez à faire des contributions sérieuses à la biologie du comportement. Car comme l’avait écrit avec malice un certain Charles Darwin en 1838:
«Celui qui comprendra les babouins fera plus pour la métaphysique que ne l’a fait Locke142142. Darwin, Charles. Darwin, C. R. Notebook M : [Metaphysics on Morals and Speculations on Expression (1838)]. CUL-DAR125.-. (1838).»
J’insiste, on a besoin de philosophes non hostiles à ces recherches, alors n’hésitez pas à approfondir ces sujets.
Un truc que je voulais mentionner aussi, c’est que les critiques sont principalement issues du monde universitaire, ou plus largement, du monde intellectuel. Or, de mon expérience personnelle, le grand public est souvent beaucoup moins hostile à la psycho évo que le monde intellectuel. Moi à chaque fois que je parle de psycho évo autour de moi, à ma famille, à mes amis, ou à des proches qui ne sont pas allés à la fac, je me rends compte que ces idées sont en fait assez bien acceptées et que très peu de gens sont dérangés par l’idée que des différences de comportement soient en partie causées par des gènes. En fait, beaucoup de gens considèrent même l’idée terriblement banale. Et c’est dans un sens tout à fait compréhensible que la psycho évo soit plus rejetée chez les intellectuels, puisqu’on a vu que les critiques prospèrent sur le terreau d’idéologies ou de corpus scientifiques très présents à la fac mais beaucoup moins dans le grand public. Donc surtout ne pensez pas que l’hostilité à la psycho évo rencontrée dans les milieux universitaires soit représentative de celle de la population entière.
Ne laissons pas le monopole de ces sujets aux intellectuels.
C’est aussi pour ça que je suis très content de pouvoir vous parler ici sur Youtube en direct, que ces débats sortent un peu du monde universitaire. Parce que personnellement j’en ai ma claque de devoir attendre que des intellectuels arrivent à mettre de côté leurs idéologies pour que ces sciences commencent à diffuser dans le grand public. J’en ai marre de ces débats qui tournent en rond et de devoir attendre que ces recherches aient obtenu l’aval de Gould et Lewontin pour qu’on commence à leur donner du crédit. Vous grand public devez vous emparer de ces sujets, et je vous l’ai dit, ne pas hésiter à remettre à leur place ces intellectuels quand ils font des critiques de toute évidence mal informées, et encore plus quand ils se mettent à décider pour les autres ce qui est dangereux socialement ou pas. Même vous, mes abonnés, avec vos capacités cognitives limitées, vous êtes parfaitement capables de vous mesurer à eux.
Une autre raison de se réjouir, c’est qu’on est à un carrefour de générations. Pendant un moment, j’ai pensé appeler cette vidéo «La science progresse un enterrement à la fois». Je ne sais pas si vous avez déjà entendu cette expression, elle traduit le fait que la science, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’avance pas lorsque des chercheurs s’assoient tous autour d’une table pour se mettre d’accord après une analyse rationelle de tous les arguments. Non. La science avance lorsque ses représentants meurent, emportant avec eux leurs mauvaises idées dans leur tombe.
C’est ce qu’on appelle le principe de Planck, du nom de Max Planck qui écrivait en 1950 que:
Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas en convainquant ses opposants et en leur faisant voir la lumière, mais parce que ses opposants finissent par mourir et qu’une nouvelle génération grandit avec143143. Planck, Max. Scientific Autobiography and Other Papers. (1950).
Or, dans le cas des sciences évolutionnaires du comportement, nous sommes précisément à un carrefour de générations. Les scientifiques qui ont fait les débats sur la sociobiologie dans les années 70 sont en train de disparaître les uns après les autres. Steven Jay Gould lui est mort il y a vingt ans déjà, mais Edward O Wilson et Richard Lewontin, les ennemis de toujours, viennent tous les deux de mourir, à six mois d’intervalle d’ailleurs, si ce n’est pas un peu cocasse. Marshall Sahlins, anthropologue grand critique de la sociobiologie, est aussi mort il y a trois ans. John Tooby, co-fondateur de la psycho évo, est mort l’année dernière. Daniel Dennett, un des rares philosophes à avoir pris la défense de la psycho évo, est mort le mois dernier. Et tous les autres scientifiques qui ont fait ces débats vont bientôt eux aussi rendre leurs atomes à l’univers.
Ces disparitions sont une opportunité d’essayer de faire avancer un peu ces débats. La place que ces chercheurs laissent vacante va être comblée par vous, les générations futures, qui je l’espère arriverez à faire du meilleur boulot qu’eux. J’espère que vous arriverez à mieux vous entendre, à moins vous caricaturer, à ne pas retomber dans des débats stériles sur l’inné et l’acquis et à moins laisser l’idéologie contaminer votre travail scientifique. N’en voulez pas trop non plus à vos aînés, car ce n’est jamais facile de passer en premier. Quand on débroussaille un terrain en friche, il est normal d’en ressortir avec des égratignures.
Et sachez que pour vous non plus, ça ne sera pas si facile. Si vous décidez de faire de la recherche dans ces domaines, vous serez parfois confrontés à cette tension entre vouloir comprendre le monde tel qu’il est et vouloir comprendre le monde sans que ça ne permette à certaines idéologies mortifères de prospérer. Le biologiste de l’évolution John Maynard-Smith a décrit ce tiraillement interne de façon touchante. Pour rappel, John Maynard-Smith est considéré comme un des plus grands biologistes de l’évolution du XXe siècle, et, précisons le, il était communiste et marxiste dans sa jeunesse. Autrement dit, il était pas mal en terme de cul entre deux chaises. Et voilà ce qu’il raconte sur les conflits internes qui le travaillaient:
J’ai beaucoup des réactions instinctives d’horreur des gens de mon âge face aux applications de la biologie aux sciences sociales. Je vois… les théories de la race, le nazisme, l’antisémitisme, tout ça. Donc ma réaction initiale à la sociobiologie de Wilson était une réaction profonde de détresse et de contrariété144144. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000). […]
Ma réaction première était une réaction de grande hostilité – au livre dans son ensemble. J’ai écrit une revue assez polie, je pensais que le livre avait des grands mérites, mais j’étais horrifié – peut-être trop horrifié, mes réactions instinctives étaient peut-être trop fortes. D’un autre côté, je suis tout aussi perturbé et en colère contre le caractère irraisonnable de la plupart des critiques ayant été faites à Wilson144144. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000).
Si vous voulez faire mieux que vos aînés, c’est là-dessus qu’il va vous falloir travailler : ne rien céder à l’extrême-droite qui va en permanence chercher à récupérer vos recherches pour leur faire dire des choses qu’elles ne disent pas, mais ne rien céder non plus à la gauche qui va sans cesse décrédibiliser vos travaux, les caricaturer et les accabler d’une charge anormale de scepticisme. Ne faites de concessions à personne, il n’y a que comme ça que vous arriverez à faire du meilleur travail que vos aînés.
J’insiste : si la psychologie évolutionnaire vous passionne, si vous voulez comprendre l’humain sans pour autant négliger la théorie de l’évolution, et si vous envisagez des études là-dedans, ne vous laissez pas refroidir par la vidéo d’aujourd’hui. Cette vidéo doit au contraire vous donner envie de faire mieux. La psychologie évolutionnaire reste ce champ passionnant que je vous ai décrit tout au long de cette série, étudiant certains des sujets les plus importants qui soit, à l’interface de tant de disciplines passionnantes.
Et dans un sens, le fait qu’elle ait été si critiquée jusqu’ici est plutôt une bonne nouvelle pour vous, parce que ça veut dire qu’il reste probablement de nombreuses découvertes à faire. C’était déjà le cas à l’époque de Darwin. Lorsque les contemporains de Darwin ont pris connaissance de la théorie de l’évolution, il y a eu grosso modo trois types de réactions [Schéma 5]. D’abord, il y a eu ceux qui ont paniqué, qui ont vu dans cette théorie la fin de la société telle qu’on la connaissait jusque-là. On a même qualifié cette théorie de «doctrine la plus dangereuse depuis Mandeville»145145. Cobbe, Frances Power. Darwinism in Morals, and Other Essays (Cited in Joyce, 2007). (1872) – Mandeville c’est un philosophe du XVIIIe siècle qui pensait que le vice est plus utile à la société que la vertu.
Ensuite, il y a eu les sceptiques, ceux qui ont dit, «on est pas catastrophés, et la théorie de l’évolution est intéressante, mais il y a encore trop de zones d’ombres pour que l’on soit réellement convaincus». Et c’est tout à fait vrai qu’à l’époque de Darwin il y avait encore plein de choses qu’on ignorait sur les mécanismes de la sélection naturelle.
Mais ça n’a pas empêché une troisième catégorie de personnes de s’emparer de cette théorie, aussi imparfaite soit elle, et d’aller voir tout ce qu’on pouvait expliquer avec, avec le succès que l’on connaît aujourd’hui.
Comment ne pas penser que l’histoire est en train de se répéter? La psychologie évolutionnaire est un paradigme récent qui fait face aux mêmes catastrophistes et aux mêmes sceptiques que la théorie de l’évolution en son temps. On manque évidemment de recul pour savoir si elle connaîtra un succès semblable, mais pour ceux qui ne veulent sombrer ni dans le catastrophisme politique ni dans l’inaction sceptique, les opportunités sont nombreuses. Parce que ce champ a été si malmené jusqu’ici, ses plus belles découvertes sont encore probablement à faire. Si ça fait plus d’un siècle qu’on utilise la théorie de l’évolution pour étudier le monde vivant, ça ne fait qu’une poignée d’années qu’on l’utilise pour comprendre ce morceau de vivant qu’on appelle l’humain. Je terminerai donc avec cette citation de Robert Wright qui me semble bien résumer la situation:
«À l’heure actuelle, voilà l’état de la psychologie évolutionnaire: un terrain si fertile, mais avec si peu de cultivateurs146146. Wright, Robert. The Moral Animal: Why We Are the Way We Are. Abacus, London (1994).»
J’espère que cette vidéo vous a plu, et félicitations si vous êtes arrivés jusqu’au bout. Ma série sur la psycho évo est bientôt terminée, mais il me reste encore un dernier gros morceau à abattre avant de retourner à une activité normale. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais malgré la longueur de la vidéo d’aujourd’hui il existe encore une grande explication à l’hostilité à la psycho évo que je n’ai pas abordée. Une explication tellement importante en fait que j’ai décidé de lui consacrer une vidéo entière.
Vous voyez de quoi je veux parler? [Schéma 5b]
Il s’agit du fait que la psychologie évolutionnaire a des résultats et paradigmes qui dérangent la discipline qui avait jusque-là le monopole des explications du comportement humain, je veux bien sûr parler des sciences sociales [Schéma 6]. Dans la prochaine vidéo, je vous parlerai donc des relations entre ces deux blocs, sciences sociales et psychologie évolutionnaire, de leurs visions du monde, de leur désaccords, mais aussi de leurs point communs et de savoir si une réconciliation est possible, et s’il est possible de finir par s’aimer les uns les autres bordel de merde.
À cette occasion, je cherche d’ailleurs des témoignages sur la façon dont la biologie du comportement est présentée dans les facs de sciences humaines et sociales. Si vous avez fait des études de sociologie, d’anthropologie, de psychologie, de philosophie, d’économie, bref de sciences sociales au sens large, et que certains profs vous ont parlé de biologie du comportement, je suis curieux de savoir de quelle façon. Vous trouverez un lien dans la description pour me raconter vos expériences. Merci d’avance!
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Et ne vous inquiétez pas, je vais bientôt revenir aux petites vidéos superficielles que vous aimez tant. J’ai même travaillé en parallèle ces derniers mois à des moyens d’augmenter la quantité plutôt que la qualité de mes vidéos, j’espère que ça aboutira bientôt. J’ai aussi écrit un bouquin, mais j’ai la flemme de vous en parler, donc on fera ça plus tard.
Mes soutiens
Références
- 133. Berkeley, George. Principles of Human Knowledge and Three Dialogues Between Hylas and Philonous. (1710). ↩
- 134. Dennett, Daniel C.. Darwin’s Dangerous Idea – Evolution and the Meanings of Life. (1995). ↩
- 135. Machery, Edouard. Discovery and Confirmation in Evolutionary Psychology.. (2011). ↩
- 136. Mayr, Ernst. How to Carry Out the Adaptationist Program?. The American Naturalist (1983). https://doi.org/10.1086/284064 ↩
- 137. Arp, R.. The Environments of Our Hominin Ancestors, Tool-usage, and Scenario Visualization. Biology and Philosophy (2006). https://doi.org/10.1007/s10539-005-0443-z ↩
- 138. Carruthers, Peter et al. The Innate Mind: Structure and Contents. (2007). ↩
- 139. Carruthers, Peter. The Innate Mind Volume 2: Culture and Cognition. (2007). ↩
- 140. Carruthers, Peter. The Innate Mind: Volume 3: Foundations and the Future. (2007). https://b-ok.cc/book/1050654/0a2856 ↩
- 141. Institut Jean Nicod. Actualités: Leda Cosmides et John Tooby lauréats du Prix Jean Nicod 2020. (2020). http://cognition.ens.fr/fr/news/leda-cosmides-et-john-tooby-laureats-du-prix-jean-nicod-2020-15145 ↩
- 142. Darwin, Charles. Darwin, C. R. Notebook M : [Metaphysics on Morals and Speculations on Expression (1838)]. CUL-DAR125.-. (1838). http://darwin-online.org.uk/content/frameset?pageseq=77&itemID=CUL-DAR125.-&viewtype=side ↩
- 143. Planck, Max. Scientific Autobiography and Other Papers. (1950). ↩
- 144. Segerstrale, Ullica. Defenders of the Truth: The Sociobiology Debate. (2000). ↩
- 145. Cobbe, Frances Power. Darwinism in Morals, and Other Essays (Cited in Joyce, 2007). (1872). ↩
- 146. Wright, Robert. The Moral Animal: Why We Are the Way We Are. Abacus, London (1994). ↩
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