Votre chien est-il un animal moral ? – feat Noké & Cie

Petit tour d’horizon des expériences qui ont cherché de la morale / justice / équité chez les animaux. Que peut-on en dire, sont-elles convaincantes ? Avec un paquet de guest stars en prime.

Transcription de la vidéo pour celles et ceux qui préfèrent l’écrit :

Vous avez sûrement déjà vu passer dans vos réseaux sociaux des vidéos de phacochères qui s’entraident contre un crocodile, d’ours qui sauve un oiseau, de chat qui sauve un poisson, ou même de lionne qui adopte un bébé gazelle. Le genre de vidéos qui vous donne envie d’aller à la SPA adopter un bébé ours et de laisser un commentaire du genre « De toute façon les animaux sont bien supérieurs aux humains, je suis dégoûté d’appartenir à l’espèce humaine. LOL ».

La vidéo d’aujourd’hui va parler de ces comportements, comment on peut les interpréter, et de façon plus générale comment on peut interpréter les expériences scientifiques qui ont cherché de la morale chez les animaux. Vous allez voir que c’est un beau bordel, mais un bordel intéressant.

Alors les comportements d’entraide qu’on vient de voir sont assez durs à reproduire dans des conditions contrôlées pour faire des expériences, donc les scientifiques se sont souvent limités à étudier un type de comportement moral particulier, qui est le comportement de partage, et le comportement de partage de nourriture en particulier. Ce qu’on fait c’est qu’on prend deux animaux, de la même espèce généralement, et là deux possibilités, soit on donne de la nourriture à un seul des deux, et on regarde comment il la partage avec son partenaire, et en particulier s’il la partage de la même façon qu’un humain aurait partagé. Soit l’expérimentateur partage lui-même la nourriture entre les deux animaux, et regarde comment les animaux réagissent quand ils sont confrontés à un partage inéquitable, est-ce qu’ils ont l’air contents, pas contents, ou est-ce qu’ils s’en tapent royalement de ces trucs bizarres que leur font faire les humains. Et parce qu’on étudie des comportements de partage spécifiquement, la plupart du temps vous trouverez ces études réunies sous le nom d’études du sens de l’équité des animaux, ou du sens de la justice, ou encore du sense of fairness en anglais plutôt que d’études de la morale spécifiquement.

Alors illustrons ces expériences tout de suite avec celle qui est sûrement la plus connue, puisqu’elle a notamment fait l’objet d’un TED talk, c’est l’expérience de De Waal et Brosnan [1].

Dans cette expérience, les chercheurs prennent deux singes capucins qu’ils mettent côte à côte, et ils leur font jouer à un espèce de jeu, ils leur apprennent à donner un caillou en échange d’un morceau de nourriture. Donc voilà le capucin de gauche vient de donner un caillou, en échange il reçoit un peu de nourriture. Et on fait la même chose qu’avec le capucin d’à côté. Sauf que chose importante, au capucin de gauche on donne comme nourriture un morceau de concombre, qui est un aliment que les capucins n’aiment pas trop, comme les humains d’ailleurs, tandis qu’au capucin de droite on donne un grain de raisin, qui est une nourriture beaucoup plus appréciée. En gros, on récompense mieux le capucin de droite, alors même que les deux capucins effectuent la même tâche. Une situation complètement injuste s’il en est. Et je me tais et je vous laisse observer la réaction du capucin de gauche quand il comprend la situation.

Alors probablement qu’en voyant ça vous vous dites « et ben la voilà la preuve de l’existence d’un sens de l’équité chez les primates, pas besoin de chercher plus loin ». Et c’est vrai qu’on a l’impression que le capucin se révolte contre une situation qu’il trouve injuste, qu’il se révolte de la même façon que nous humains on l’aurait fait. Sauf que, on peut pas aller si vite. Il y a au moins trois points hyper importants à considérer avant de conclure quoi que ce soit sur cette expérience.

Le premier, c’est que l’énervement du capucin de gauche pourrait être causé tout autant par un sens de l’équité que par un sens de la jalousie, ou un sens de l’envie. Et oui, nous on interprète la réaction du capucin en terme d’équité parce qu’on est humains, mais il se pourrait tout simplement que le capucin soit jaloux de son petit copain qui est mieux traité. Or la jalousie c’est un sentiment beaucoup moins noble que l’équité, on est d’accord. Et puis la jalousie, c’est a priori une explication plus parcimonieuse que l’équité pour expliquer le comportement du capucin parce que c’est un sentiment égoïste, un sentiment qui sert l’intérêt personnel, et dont l’existence est donc très facilement expliquée par la théorie de l’évolution. Alors que l’équité c’est un sentiment qu’on appelle pro-social, c’est à dire qui bénéficie aux autres, et dont l’existence est donc moins facilement expliquée par la théorie de l’évolution, même si des inconscients s’y sont essayés. Alors il y a une façon simple entre guillemets de séparer ces deux hypothèses, la jalousie ou l’équité, c’est de s’intéresser au comportement non pas du singe qui a été lésé, celui qui a reçu du concombre, mais de s’intéresser au comportement du singe qui a été avantagé, celui qui a reçu du raisin. Dans la vidéo que je viens de vous montrer le capucin de droite il en a rien à battre de ce qui se passe dans la cage d’à côté, il continue de s’empiffrer, et même, dans un article ultérieur [2], les auteurs de cette expérience reconnaissent que parfois, le singe avantagé passe le bras à travers le grillage pour aller chercher le morceau de concombre que son copain a jeté. Drôle de sens de l’équité si vous voulez mon avis. Ce qui aurait été intéressant, c’est de trouver un singe qui rejette son grain de raisin quand il voit que son copain est moins bien traité que lui, quelque chose qui arrive fréquemment chez l’humain, et qui cette fois ne peut plus être expliqué par de la jalousie. Si un jour on arrive à trouver ce genre de comportement, qu’on appelle des réactions d’aversion à de l’inéquité *avantageuse*, ça sera un vrai argument de poids en faveur de l’existence d’un sens de l’équité chez les animaux. Mais à l’heure où je vous parle, en 2018, sur les dizaines d’expériences qui ont déjà été faites sur le sujet [3,4], aucune n’a jamais réussi à mettre en évidence de façon claire l’existence de telles réactions.

Alors on vient de voir que les réactions du capucin de gauche pouvaient s’expliquer par de la jalousie, mais, deuxième explication alternative, elles peuvent aussi s’expliquer par des attentes qui sont déçues. Peut-être que le capucin de gauche, il voit qu’il y a du raisin dans la pièce, il voit que lui-même n’obtient que du concombre, et donc il s’énerve parce qu’il sait qu’il pourrait avoir mieux, mais sans que la présence d’un congénère n’y soit pour quoi que ce soit. C’est un peu comme si pour vous, je vous faisais miroiter devant votre nez un carré de chocolat, et qu’au moment de vous le donner je le jetais à la poubelle pour vous donner à la place un radis. Y’a fort à parier que vous auriez la même réaction que le capucin, sans qu’il soit question d’équité puisque vous n’êtes pas lésé par rapport à quelqu’un d’autre, c’est juste que vous aviez des attentes et qu’elles ont été déçues. Alors c’est assez facile de tester cette hypothèses des attentes déçues avec nos capucins, il suffit de refaire la même expérience que celle que je vous ai montrée mais sans mettre d’animal dans la cage de droite : l’expérimentateur déposerait des grains de raisin dans une cage vide, afin que le capucin de gauche voie que cette nourriture est présente, et on observerait sa réaction. Figurez-vous que les chercheurs, pas cons, avaient réalisé cette expérience qu’on peut qualifier d’expérience contrôle, et le résultat c’est que le capucin rejette autant de fois son concombre quand on dépose le raisin dans une cage vide que quand on donne le raisin à un partenaire. Ce qui tend à prouver qu’effectivement, les attentes déçues du capucin sont en grande partie à l’origine du comportement qu’on observe, que le capucin de gauche en a pas grand-chose à faire de ce que le capucin de droite reçoit et que tout ce qui l’intéresse au final c’est ce que lui reçoit par rapport à ce qu’il aurait pu recevoir et non pas ce que lui reçoit par rapport à ce que son copain a reçu. Le capucin de gauche est simplement frustré !

Ces deux premiers points dont je viens de parler illustrent quelque chose qui est hyper-important quand on est confronté à des expériences sur le comportement animal : c’est qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de déduire ce qui se passe dans la tête d’un animal rien qu’à partir de son comportement. Pour un même comportement, vous pouvez avoir plusieurs explications psychologiques possibles, vous pouvez avoir plusieurs choses qui se passent dans la tête d’un animal.

Troisième et dernier point important sur cette expérience, c’est la variabilité des comportements entre individus testés. La vidéo que je vous ai présentée est celle qui a été diffusée par les chercheurs, elle montre un beau résultat, assez propre, mais elle passe sous silence tous les capucins pour lesquels ça n’a pas marché. Par exemple, on apprend en lisant les petits caractères que c’est une expérience qui n’a marché qu’avec des capucins femelles. Les capucins mâles n’ont jamais montré de réactions de colère, ils ont tout simplement mangé tout le concombre qu’on leur présentait peu importe ce que leur copain recevait. On apprend aussi que certains primates, quand ils voient que leur partenaire est mieux traité, ne se mettent pas à rejeter le concombre mais au contraire ils se mettent à en manger plus, comme s’ils essayaient de compenser la qualité de la récompense par la quantité. Que des résultats qui sont relativement difficiles à interpréter si les capucins avaient réellement des motivations d’équité.

Entracte 1

Alors cette expérience des capucins que vous venez de voir date d’il y a 15 ans déjà, de 2003, depuis on a essayé de la répliquer plusieurs fois mais sans parvenir à y voir beaucoup plus clair. On l’a testée sur différentes espèces de primates, des chimpanzés, des bonobos, des orangs-outans, et on a trouvé des résultats variés, certaines expériences qui semblent trouver des réactions à de l’inéquité, alors que d’autres non, et parfois on a des résultats contradictoires à l’intérieur de la même espèce, c’est à dire qu’un groupe de chimpanzé va avoir l’air d’être concerné par l’équité et un autre pas du tout. La seule chose assez robuste qui semble émerger de toutes ces expériences c’est que les primates ont besoin de fournir un effort pour se sentir concernés par ce qu’ils reçoivent comme récompense. Vous vous rappelez que dans la vidéo des capucins les capucins ne reçoivent de la nourriture que s’ils donnent un caillou, c’est à dire qu’on leur demande de fournir un effort en échange d’une récompense. Et bien il y a une bonne raison à ça, c’est que quand les primates n’ont pas d’effort à fournir, quand on leur donne de la nourriture sans contrepartie, ils en ont rien à faire de ce que leur copain d’à côté reçoit [3], ce qui peut sembler à nouveau un peu bizarre de notre point de vue d’humain.

Je vais vous montrer un deuxième type d’expérience pour changer de cette expérience des capucins qu’on voit tout le temps. C’est une expérience dans laquelle les animaux sont moins passifs, dans l’expérience précédente on confrontait les primates à une distribution inéquitable, et on regardait leurs réactions, mais on peut faire autre chose aussi, on peut demander aux primates directement leur avis sur le partage qu’ils souhaiteraient faire.

Pour faire ça, on utilise [5] un plateau sur lequel on pose de la nourriture aux deux extrémités, comme ce plateau que vous pouvez voir. Pour récupérer la nourriture, deux chimpanzés doivent tirer en même temps sur les cordes situées aux extrémités du plateau, sinon le plateau bascule. On fait entrer un premier chimpanzé, et il comprend qu’il a besoin d’un partenaire pour réaliser la tâche, partenaire qu’il va aller chercher, ce qui est en soi déjà assez remarquable. Puis les deux chimpanzés tirent sur la corde et récupèrent la nourriture. Sauf que dans cette situation il n’y a pas vraiment de problèmes de partage puisque la nourriture est située aux deux extrémités du plateau.

Regardez maintenant ce qu’il se passe quand on refait la même expérience en plaçant cette fois un seul tas de nourriture au centre du plateau. Observez bien le comportement du 2e chimpanzé, celui qui se trouve sur la gauche de l’écran. Il se rend compte que la nourriture est au milieu du plateau, et arrête de tirer. L’autre chimpanzé arrive quand même à attraper la nourriture au final, mais il ne va rien partager du tout, il va tout garder pour lui. Et ça se passe comme ça dans 96% des cas, le chimpanzé dominant ne partage pas la nourriture dans 96% des cas *alors même que*, plot twist, on teste à chaque fois une mère ou un père avec son enfant.

On peut faire exactement la même expérience avec des enfants [6], et cette fois-ci on aura le résultat inverse : les enfants vont partager en deux parts égales dans plus de 80% des cas. Et avec des enfants on peut aller encore plus loin. Dans l’expérience que vous voyez, avec le même système de plateau, les enfants peuvent gagner des billes. Sauf que vous allez voir que trois des quatres billes gagnées vont rouler vers un seul des deux enfants, attention ça va assez vite. Et on peut observer la réaction de cet enfant. Choupi. L’enfant qui a été  avantagé par la machine rétablit l’équité dans plus de 75% des cas, et ce dès l’âge de trois ans. Si vous faites cette expérience avec des chimpanzés, le chimpanzé avantagé rétablit l’équité dans… 4% des cas seulement. En fait ce que nous disent les auteurs de ces expériences, c’est qu’ils ont tout le mal du monde à transposer ces expériences de l’humain au chimpanzé parce que chez les chimpanzés, ce geste de donner activement de la nourriture à quelqu’un d’autre n’a quasiment jamais été observé. Ce geste qui nous paraît si anodin, de tendre de la nourriture à quelqu’un, est extrêmement rare chez les chimpanzés.

Et puis il y a encore d’autres problèmes avec ces expériences : des problèmes méthodologiques par exemple. Vous pouvez pas vous imaginer à quel point c’est difficile de faire des expériences avec des animaux. Des chercheurs ont montré en 2014 [7] que la même expérience mais faite avec du matériel différent allait donner des résultats différents. Par exemple, si vous demandez à des chimpanzés de choisir entre deux distributions de nourriture, vous obtiendrez des résultats différents selon que vous leur demandez de choisir en tirant sur des cordes comme on vient de le voir, ou de choisir en transférant un jeton à l’expérimentateur. Et puis il y a aussi le problème de ce qu’on appelle la taille d’effet, c’est à dire à quel point les préférences pour l’équité sont fortes. Quand on demande à un chimpanzé de choisir entre un partage équitable et un partage non-équitable, on va comparer son comportement à un comportement aléatoire, c’est à dire à un chimpanzé hypothétique qui choisirait une fois sur deux le partage équitable et une fois sur deux le partage non-équitable. Et si vous trouvez que votre chimpanzé choisit le partage équitable 55% du temps au lieu des 50% du hasard, ça peut suffire à conclure que votre chimpanzé est équitable, en tout cas plus équitable que le hasard – je dis « ça peut », parce que il faut le vérifier avec des méthodes statistiques rigoureuses. Mais tout ça pour dire que très souvent quand on lit une étude qui reporte avoir trouvé de l’équité chez une espèce, faut pas s’attendre à ce que les primates aient choisi massivement le partage équitable dans plus de 80% des cas comme on pourrait l’observer chez l’humain. Très souvent c’est beaucoup plus modeste que ça, alors même que l’on crée des expériences où on met les primates dans les meilleurs conditions pour être équitables. Quand ils sont équitables, les primates sont équitables du bout des lèvres.

Entracte 2 : Nobody ever saw a dog make a fair and deliberate exchange of one bone for another with another dog. (Adam Smith, Wealth of Nations)

Et chez les autres animaux que les primates alors qu’est-ce qu’il se passe, pour prouver que mon titre n’est pas qu’un titre putaclic. On a beaucoup moins d’expériences que chez les primates, mais on en a quelques unes. Chez le chien on a une étude qui montre que les chiens pourraient être sensibles à l’équité [8], mais une autre étude qui montre le contraire [9]. Chez les oiseaux pareil, on a une étude qui montre que les corvidés pourraient être sensibles à l’équité [10], et une autre qui ne trouve pas le même résultat [11]. On a aussi une étude qui a cherché de l’équité chez le poisson[12] et qui, spoiler alert, n’en a pas trouvé. Il faut bien noter que toutes ces expériences sont directement inspirées des expériences chez les primates, et sont donc sujettes à tous les même problèmes que j’ai évoqués précédemment.

Alors il reste de la recherche à faire, c’est pas terminé, mais si je devais me prononcer et mettre les pattes dans le plat, je dirais qu’on ne trouvera jamais d’espèce qui présente un sens de l’équité aussi développé que celui de l’humain, voire un sens de l’équité tout court. Je pense ça parce qu’on a déjà plus de 15 ans d’expériences derrière nous qui n’ont trouvé que des réactions à l’inéquité dans des conditions très particulières : quand un effort est fourni, avec un certain type de matériel, et encore pas avec tous les individus, et puis une taille d’effet pas très grande. Et puis des comportements qui peuvent la plupart du temps être expliqués par de la jalousie ou de la frustration. Et puis jamais de réaction à de l’inéquité *avantageuse*, toujours que des réactions à de l’inéquité désavantageuse. Sans compter les problèmes de biais de publication et de faux positifs que je n’ai pas le temps de vous expliquer ici, mais vous pouvez lire cet article en lien dans la description http://menace-theoriste.fr/les-biais-de-la-publication-scientifique/. Peut-être que je me trompe, et si vous regardez cette vidéo en 2038 vous pouvez me trasher dans les commentaires si je me suis trompé, mais les chances de trouver un sens de l’équité chez les animaux me paraissent aujourd’hui aussi élevées que les chances de trouver du beurre doux dans le frigo d’un breton.

Alors maintenant que j’ai dit tout ça, je vous vois venir, vous allez dire ce Stéphane, il cherche à défendre ses privilèges d’humain et veut se conserver le monopole du coeur. Et puis d’ailleurs comment je fais pour expliquer tous les extraits de vidéos qu’on a vus en introduction et qui ont l’air assez explicites ? Alors déjà changez de ton, et ensuite sachez que je n’ai aucun problème à accorder tout un tas de comportements pro-sociaux aux animaux, en fait j’en accorde même probablement plus que vous. Les comportements pro-sociaux ou coopératifs, qui pour rappel sont grosso modo des comportements qui bénéficient aux autres, on en trouve énormément dans la nature, mais alors énormément [13,14]: ça va des chimpanzés qui se réconfortent après une dispute, aux oiseaux qui aident à nourrir des oisillons qui ne sont pas les leurs, aux abeilles qui se sacrifient pour leur colonie, aux bactéries qui produisent des substances qui aident d’autres bactéries, ou encore aux champignons qui fournissent des nutriments aux plantes. Hé oui, je n’ai aucun problème à attribuer des comportements coopératifs même aux bactéries et aux champignons. Les comportements coopératifs sont EXTREMEMENT courants dans le monde vivant, j’insiste vraiment là-dessus. La nuance, le point important, c’est que tout comportement coopératif n’est pas forcément produit par un sens moral. On peut parfaitement aider pour d’autres raisons que des raisons morales. Prenons un exemple simple, si vous sortez dans la rue et que vous donnez un billet de 10€ à votre banquier, vous l’aurez aidé, et pourtant personne ne trouvera votre geste particulièrement moral. Si vous faites la même chose maintenant mais que vous donnez le billet à un SDF, là la situation apparaîtra un peu plus morale. La morale ce n’est pas aider de façon générale, ou avoir des bons sentiments de façon générale, c’est quelque chose de beaucoup plus précis. Dans le cas de l’aide c’est par exemple aider en prenant en compte le besoin, ou dans le cas de la récompense récompenser en prenant en compte le mérite.

Attention donc à ne pas prêter des motivations morales à tout animal qui fait une bonne action entre guillemets. Quand une abeille aide sa colonie en piquant un intrus qui s’approche trop de la ruche, on va pas tout de suite s’imaginer qu’elle s’est fait un devoir moral de défendre sa colonie. Une solution plus simple est que l’abeille est programmée pour attaquer automatiquement tout intrus qui vient l’embêter d’un peu trop près. Et bien appliquons le même raisonnement parcimonieux aux espèces soit disant plus évoluées. Vous remarquerez que je ne dis pas que je sais ce qui se passe dans la tête d’une abeille, on en sait rien évidemment, et peut-être qu’on ne saura jamais, mais on est quand même censés trancher pour l’hypothèse la plus simple en application du principe de parcimonie, aussi appelé rasoir d’Ockham. Quand vous sortez dans la rue et que vous voyez que le sol est mouillé, vous vous dites « il a plu » et pas « un camion-citerne rempli d’eau a explosé devant ma porte ». Vous choisissez l’hypothèse la plus probable. Et bien il faut essayer de faire pareil quand on étudie le comportement animal, même si c’est beaucoup plus dur parce qu’on analyse le comportement animal en ayant en tête nos propres comportements et les raisons psychologiques qui nous poussent à avoir ces comportements.

En fait, il y a plein d’autres raisons que la morale qui pourraient pousser un animal à en aider un autre [15]. L’instinct maternel, ou l’instinct paternel par exemple. Il y a plein de vidéos qui montrent de l’aide intra-espèce, c’est à dire un animal d’une espèce qui aide un animal de la même espèce, comme sur la vidéo des phacochères, et il y a fort à parier que dans ces vidéos les membres du groupe soient liés génétiquement, et qu’on se trouve donc bêtement en présence d’un père ou d’une mère ou d’un oncle ou un cousin qui aide un membre de sa famille à survivre.

Les vidéos où on observe de l’aide entre différentes espèces comme dans la vidéo du chat ou de l’ours sont plus intéressantes, mais pas de quoi non plus casser trois pattes à un canard. Pour comprendre d’où peuvent venir ces comportements, prenons l’exemple du coucou. Le coucou est un oiseau qui pond ses oeufs dans le nid d’autres oiseaux, comme la rousserolle effarvatte, en espérant que celle-ci va s’en occuper et nourrir ses petits à sa place. Le plus drôle c’est que ça marche, la plupart du temps la rousserolle les nourrit alors même que les bébés coucous sont bien plus gros qu’elle. Et c’est là où en voyant passer une vidéo de cette scène sur les réseaux sociaux on pourrait se dire que la rousserolle a un sens moral incroyable, qu’elle nourrit des oisillons alors qu’elle sait pertinemment que ce ne sont pas les siens. Mais l’explication la plus simple c’est qu’elle se fait berner par le coucou parce qu’elle agit comme elle est programmée pour le faire, programmée pour nourrir toutes les boules de plume qui se trouvent dans son nid, parce que dans 99% des cas, les boules de plumes qui sont dans son nid sont les siennes. De la même façon, beaucoup de vidéos d’entraide peuvent être expliquées par un animal qui fait ce qu’il a l’habitude de faire, comme nourrir ses petits ou défendre son territoire, et il se trouve que par la même occasion ce comportement va être bénéfique à quelqu’un d’autre.

Enfin, ces comportements d’entraide entre espèces peuvent aussi être dûs à des circonstances très particulières qui ne sont connues que des spécialistes, comme dans le cas de la lionne qui adopte une gazelle, une anecdote qui peut paraître très mignonne mais qui d’après les spécialistes s’explique parce que la lionne trop vieille venait de se faire exclure de sa tribu, et cherchait un peu de réconfort auprès d’une gazelle, dans une relation geolier/prisonnier plus qu’une relation mère/fille. D’ailleurs, si ces vidéos d’entraide interespèce sont très relayées sur les réseaux sociaux c’est aussi parce qu’elles sont rares et on peut donc se douter que ces cas exceptionnels ne sont pas expliqués par un sens moral qui serait présent de façon permanente dans la tête de nos amies les bêtes

Entracte 3

Ok je vous résume tout ce qu’on vient de dire en trois points :

  •  les expériences qui cherchent de l’équité chez les animaux ont des résultats contradictoires, des problèmes méthodologiques importants, marchent seulement dans des conditions très particulières, et quand elles marchent ont des tailles d’effet très faibles
  • la plupart des comportements observés dans ces expériences peuvent être expliqués par autre chose qu’un sens de l’équité au niveau psychologique, notamment de la jalousie, de l’envie, ou de la frustration, qui sont des explications plus parcimonieuses.
  • bien que les comportements d’entraide et de coopération soient extrêmement courants dans la nature, ils ne permettent pas de conclure quoi que ce soit concernant ce qui se passe dans la tête des animaux.

Tous ces éléments mis bout à bout font que les preuves d’existence d’un sens moral chez les animaux sont à l’heure actuelle extrêmement minces, sauf si vous avez une définition ultra-édulcorée de la morale.

C’est la fin de cette vidéo, merci d’être allés jusqu’au bout, ne partez pas tout de suite j’ai encore 2-3 petites choses à vous dire.

Tout d’abord, j’espère que cette vidéo sur les animaux vous a plu, parce que j’aimerais qu’elle soit la première d’une série où je comparerai la cognition de l’humain à celle des autres animaux, sans avoir une vision primitive de leur cognition, mais sans avoir une vision naïve et angélique non plus, or à l’heure actuelle je trouve que c’est assez dur de trouver des contenus de vulgarisation qui ne tombent pas dans un de ces travers. Quand on parle de cognition animale, comme vous avez vu les choses sont souvent assez complexes et ont besoin d’être nuancées.

Ensuite, je ne le dis pas à chaque fois mais n’hésitez pas à partager cette vidéo si elle vous a plu, c’est le meilleur moyen de m’aider à faire connaître mon travail. Vous pouvez aussi me suivre sur Twitter ou Facebook où j’uploade toutes mes vidéos en format natif Facebook, ce qui vous permet de les partager plus facilement et de tagguer vos amis qui ont un chien – à défaut d’avoir du chien.

Pas de chercheur invité cette fois pour relire le script de cette vidéo puisqu’il s’agit du sujet sur lequel j’ai fait ma thèse, donc je me considère suffisamment expert pour me relire moi-même. C’est une vidéo au final assez poussée qui est directement inspirée d’un des chapitres de ma thèse, donc si vous avez réussi à suivre tout ce dont je viens de parler vous êtes relativement à jour de ce qu’il y a à savoir sur la morale des animaux, tout du moins en 2018, même si le sujet de l’évolution de la morale est encore très vaste et qu’il y aurait de quoi faire encore plusieurs vidéos sur le sujet.

Dernière chose, vous aurez remarqué que des petits numéros sont apparus parfois dans le coin de l’écran au cours de la vidéo, ce sont des numéros qui vous permettent de retrouver les sources des informations que je vous donne dans la vidéo, en regardant dans la description. Alors je sais que très peu de personnes lisent les sources et à votre place je ferais pareil, après tout les vulgarisateurs sont là pour faire ce boulot, mais si je peux faciliter le boulot aux 1% de personnes qui vont aller vérifier les sources alors pourquoi pas.

  1. Brosnan, S. F., & De Waal, F. B. M. (2003). Monkeys reject unequal pay. Nature, 425(6955), 297–299. http://doi.org/10.1038/nature01963
  2. Dindo, M., & De Waal, F. B. M. (2007). Partner effects on food consumption in brown capuchin monkeys. American Journal of Primatology, 69(4), 448–456. http://doi.org/10.1002/ajp.20362
  3. Bräuer, J., & Hanus, D. (2012). Fairness in Non-human Primates? Social Justice Research, 25(3), 256–276. http://doi.org/10.1007/s11211-012-0159-6
  4. Brosnan, S. F. (2013). Justice- and fairness-related behaviors in nonhuman primates. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2013. http://doi.org/10.1073/pnas.1301194110
  5. Melis, A. A. P., Hare, B., & Tomasello, M. (2006). Engineering cooperation in chimpanzees: tolerance constraints on cooperation. Animal Behaviour, 72(2), 275–286. http://doi.org/10.1016/j.anbehav.2005.09.018
  6. Hamann, K., Warneken, F., Greenberg, J. R., & Tomasello, M. (2011). Collaboration encourages equal sharing in children but not in chimpanzees. Nature, 476(7360), 328–31. http://doi.org/10.1038/nature10278
  7. Amici, F., Visalberghi, E., & Call, J. (2014). Lack of prosociality in great apes , capuchin monkeys and spider monkeys : convergent evidence from two different food distribution tasks. Proc. R. Soc.B.
  8. Range, F., Horn, L., Viranyi, Z., & Huber, L. (2009). The absence of reward induces inequity aversion in dogs. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 106(1), 340–345. http://doi.org/10.1073/pnas.0810957105
  9. Horowitz, A. (2012). Fair is Fine, but More is Better: Limits to Inequity Aversion in the Domestic Dog. Social Justice Research, 25(2), 195–212. http://doi.org/10.1007/s11211-012-0158-7
  10. Wascher, C. a F., & Bugnyar, T. (2013). Behavioral Responses to Inequity in Reward Distribution and Working Effort in Crows and Ravens. PLoS ONE, 8(2). http://doi.org/10.1371/journal.pone.0056885
  11. Di Lascio, F., Nyffeler, F., Bshary, R., & Bugnyar, T. (2013). Ravens (Corvus corax) are indifferent to the gains of conspecific recipients or human partners in experimental tasks. Animal Cognition, 16(1), 35–43. http://doi.org/10.1007/s10071-012-0548-0
  12. Raihani, N. J., McAuliffe, K., Brosnan, S. F., & Bshary, R. (2012). Are cleaner fish, Labroides dimidiatus, inequity averse? Animal Behaviour, 84(3), 665–674. http://doi.org/10.1016/j.anbehav.2012.06.023
  13. West, S. a, Griffin, A. S., & Gardner, A. (2007). Social semantics: altruism, cooperation, mutualism, strong reciprocity and group selection. Journal of Evolutionary Biology, 20(2), 415–432. http://doi.org/10.1111/j.1420-9101.2006.01258.x
  14. Dugatkin, L. A. (1997). Cooperation among animals: an evolutionary perspective. Oxford University Press.
  15. West, S. S. a., Mouden, C. El, Gardner, A., & El Mouden, C. (2011). Sixteen common misconceptions about the evolution of cooperation in humans. Evolution and Human Behavior, 32(4), 231–262. http://doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2010.08.001

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Commentaires

3 réponses à “Votre chien est-il un animal moral ? – feat Noké & Cie”

  1. Avatar de Jonathan Chiron
    Jonathan Chiron

    J’ai gardé une petite et un petit de mon chien et ils ont 6 mois actuellement et le père continue de leurs faire de les lecher mêmes au bout de 6 mois si un des deux pleurent il accoure, s’interpose devant la moindre menace comme ce fut le cas face à un chat menaçant

  2. Avatar de Michel
    Michel

    Voilà assez d’exemples qui prouvent le sens moral des animaux pour réfuter ce que vous avez dit :
    1) L’autruche en dépit de son apparence stupide, a assez de cœur, dit Romanes, pour mourir d’amour, comme le prouve la mort d’un mâle du Jardin des Plantes qui avait perdu sa femelle. « Ces cas s’expliquent par une fusion de représentations mutuelles assez complète pour que l’idée d’un compagnon fasse partie intégrante de la conscience qu’un autre compagnon a de lui-même : c’est un moi à deux, et le second moi devient plus essentiel au premier qu’un des membres de son corps : l’un ne peut donc vivre sans l’autre ».

    2) Selon les naturalistes, dans un grand nombre d’espèces animales, l’indépendance de la conduite individuelle est limitée par la nécessité de faire concorder sa conduite avec celle des autres membres de la société. Il semble bien que les divers membres ont la conscience plus ou moins vague de cette limitation nécessaire en vue du groupe, de celle subordination du moi individuel à un moi collectif qui en est chez eux inséparable. L’intérêt personnel accepte un « retard » dans la compensation qui lui est due par autrui. Quand la compensation du service rendu subit un retard indéfini ou même devient irréalisable, il y a sacrifice, parfois de la vie, pour aider un autre. Les naturalistes citent des cas de ce genre chez les animaux. M. Houssay, qui a choisi les canards pour sujets de nombreuses expériences, jette de petites pierres à des canards prenant leurs ébats sur une pièce d’eau, jusqu’à ce qu’il en atteigne un derrière la tête. Complètement étourdi par le coup, le canard perd l’équilibre et bascule, de façon à flotter sur le dos, la tête sous l’eau et les deux pattes en l’air. Les autres, qui jusqu’à ce moment n’avaient songé qu’à fuir de tous côtés en évitant les projectiles, ne s’en soucient plus maintenant ; on peut continuer à faire pleuvoir les pierres autour d’eux et sur eux sans qu’ils s’en émeuvent. Chacun à tour de rôle approche de la victime, la pousse de la patte, la pousse de l’aile, plonge en dessous et la soulève jusqu’à ce qu’elle ait retrouvé son aplomb, « et cette résurrection est accueillie avec une satisfaction manifeste et manifestée. » Alors ?

    3) Les membres d’une même bande de canards ont toujours beaucoup d’affection les uns pour les autres et ne s’abandonnent jamais dans les cas critiques. M. Houssay raconte que, si l’on sépare l’un d’entre eux et qu’on lui enveloppe la tête d’un sac en papier ou en toile, ses amis, dispersés par le premier émoi, l’aperçoivent dans son embarras et, malgré la peur que cause la présence du mauvais plaisant, tirent, lacèrent papier ou toile, jusqu’à ce qu’ils aient délivré leur camarade. Au contraire, le même tour joué à un chat devant ses commensaux fera simplement détaler ceux-ci, préoccupés uniquement de leur danger personnel. « On voit des oiseaux, dit M. G. Leroy, lorsque leurs petits sont menacés de périr par le froid et la pluie, les couvrir constamment de leurs ailes au point qu’ils en oublient le besoin de se nourrir et meurent souvent sur eux. »

    4) Le chien a certainement un certain empire sur lui-même, et cette qualité ne paraît pas provenir entièrement de la crainte. Le chien, comme le fait remarquer Braubach s’abstient de voler des aliments en l’absence de son maître. Depuis très longtemps, on regarde les chiens comme le type de la fidélité et de l’obéissance.

    5) L’éléphant est aussi très fidèle à son gardien qu’il regarde probablement comme le chef de la troupe.

    6) Les fourmis n’hésitent pas à risquer et à sacrifier leur vie pour défendre des camarades, ou pour sauvegarder l’intérêt de la communauté. On les voit souvent se jeter à l’eau et se noyer volontairement afin de faire de leur corps un pont pour leurs compagnes. L’assistance mutuelle est la règle dans les fourmilières. Une fourmi s’épuise-t-elle à traîner un trop lourd fardeau, une compagne qui était légèrement chargée s’arrête, dépose son propre fardeau, saisit une des extrémités de la charge trop lourde, aide au transport, puis revient à sa propre charge. Des ouvriers travaillant ensemble ne feraient pas autrement. On connaît aussi tous les exemples de secours aux fourmis blessées ou infirmes. Un jour, Belt observait une colonie de fourmis (Eceton humata) et plaça une petite pierre sur l’une d’elles. Dès que la fourmi la plus voisine s’en fut aperçue, elle retourna en arrière, très excitée, et avertit les autres fourmis. Toutes vinrent à la rescousse et finirent, en unissant leurs efforts, par délivrer la prisonnière. Franklin rapporte que deux éléphans indiens, poursuivis par des chasseurs, étant tombés dans une de ces fosses couvertes de branches que l’on creuse pour leur capture, l’un des animaux parvint à se hisser hors du trou et ne songea pourtant pas à fuir avant d’avoir porté secours à son compagnon, qu’il aida à sortir en lui tendant sa trompe. On connaît le cas d’une mère abeille qui, ayant failli se noyer, fut ranimée grâce aux soins empressés que lui prodiguèrent les ouvrières accourues à son aide.

    1. Avatar de Stéphane
      Stéphane

      Bonjour,

      j’ai consacré un long passage de cet article à expliquer pourquoi tous les comportements d’entraide / affection / empathie qu’on observe dans la nature ne sont pas forcément synonymes de morale (voir ci-dessus à partir de « Alors maintenant que j’ai dit tout ça, je vous vois venir, vous allez dire ce Stéphane, il cherche à défendre ses privilèges d’humain et veut se conserver le monopole du coeur. »).

      Je ne suis pas le seul à penser cela, des éthologues fin connaisseurs du monde animal pensent la même chose.

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