140 biologistes en colère contre un livre ! Avis sur La survie des médiocres de Daniel Milo

Qu’est-ce qui peut énerver 140 biologistes au point qu’ils prennent la plume pour s’exprimer publiquement contre un livre ? Le 20 juin 2024, une tribune cosignée par 140 spécialistes de l’évolution est publiée sur le site de la Société Française d’Écologie et Évolution1.

Partie 1 :

Partie 2 :

Transcription des deux vidéos ci-dessous pour ceux qui préfèrent le texte.

Le livre au centre de tous les débats, c’est , sous-titré « Critique du darwinisme et du capitalisme »2, sorti en France début 2024. Rien qu’en lisant le sous-titre, « critique du darwinisme et du capitalisme », . Sauf que, des critiques du darwinisme, ils en ont déjà vu passer des tonnes. Alors pourquoi ce livre-là en particulier ? En allant lire la tribune, je me suis rendu compte que ce n’était pas tant le livre qui était attaqué que le traitement médiatique qu’il avait reçu. J’ai donc contacté le coordinateur de cette tribune, Jean-Baptiste André, directeur de recherches à l’Ecole normale supérieure, pour en savoir plus sur cette histoire.

Salut !

– Hello !

– Ça va ?

La première chose que je lui ai demandé, c’est comment il en est venu à décider d’écrire cette tribune.

J’avais repéré depuis un moment, j’avais vu deux papiers qui étaient sortis dans le Monde et Le Nouvel obs je crois, sur ce bouquin, je m’étais bien dit que ça avait l’air pas terrible, comme beaucoup de monde et comme beaucoup d’évolutionnistes j’avais trouvé ça assez agaçant la manière dont il parlait de la théorie de l’évolution. Enfin dont les journalistes rapportant le livre parlaient implicitement de la théorie de l’évolution, et puis après la goutte d’eau qui a fait déborder le vase c’est l’article dans le Monde qui était titré « Et si Darwin avait tout faux »3.

Et Jean-Baptiste confirme aussi que, même si le livre en lui-même n’était pas très bon, son intention principale avec cette tribune était de dénoncer le traitement qu’il a reçu dans les médias, et de proposer quelques conseils aux journalistes pour arriver à identifier les livres peu sérieux.

L’idée, clairement, je crois qu’on était tous d’accord là-dessus, c’est que pour nous ce livre n’est pas en soi quelque chose d’intéressant, on s’en fiche d’agresser ou de critiquer ou de se moquer de l’avis de Daniel Milo sur l’évolution, c’est pas notre sujet. […] Nous des gens qui publient des mauvais livres sur l’évolution quelque part on s’en fiche. Moi je considère que c’est pas du tout prioritaire on n’a pas que ça à faire de réagir systématiquement dès qu’il y a quelque chose de faux sur l’évolution qui est écrit quelque part. […] En fait on a ici un non spécialiste qui a des idées complètement pas en ligne avec le consensus scientifique actuel, et cette personne-là se retrouve reprise massivement de façon élogieuse dans une très grande série de médias très respectés par ailleurs en France, donc on avait Le Monde, Le Figaro, Le Nouvel Obs, Libération, France Culture, là il y en a un nouveau qui vient de sortir, c’est Le Temps, en Suisse, encore pire que les autres. […] Et c’est ça qui nous paraissait être le sujet le plus important et le plus intéressant c’est d’essayer […] d’aider quoi, d’apporter quelque chose pour aider pour que les journalistes aient des outils […] On voulait essayer de la manière la plus simple possible de donner quelques pistes, quelques règles pour que les journalistes puissent éviter ce genre de problème, être plus résistant à ça3.

Une tribune sous forme de conseils aux journalistes donc. Hé bien glissons-nous deux minutes dans la peau d’un journaliste. Imaginez être un ou une journaliste dans une grande rédaction, et que , un auteur que vous ne connaissez pas, et qui traite d’un sujet scientifique que vous ne connaissez pas. Comment savoir s’il faut le prendre au sérieux ? Plaçons-nous même dans la pire situation, imaginons que vous n’avez pas fait de science depuis le lycée. Vous avez fait un peu de biologie au lycée mais depuis plus rien, vous avez fait prépa Lettres, Sciences po et intégré la rédaction du Monde derrière. La question que je vous pose, c’est, sans même ouvrir ce livre sur votre bureau, écrit par un auteur inconnu qui traite d’un sujet inconnu, est-ce que vous pouvez déjà vous faire une idée de sa qualité rien qu’à sa couverture ? Aussi surprenant que ça puisse paraître, la réponse est oui. Parfois, la couverture d’un livre permet déjà de se faire une idée de sa qualité. Voilà trois raisons pour lesquelles vous devriez vous méfier.

1. Une production scientifique doit être validée par des revues à comité de lecture

La première raison pour laquelle il faut se méfier de ce livre c’est que son auteur n’a jamais publié ses idées dans des revues scientifiques à comité de lecture. probablement, en science, quand on obtient un résultat, on ne le publie pas tout de suite comme ça en écrivant un livre ou un article que l’on met en ligne. D’abord, l’article doit être revu et évalué par des pairs, c’est-à-dire par d’autres chercheurs spécialistes du domaine. Et c’est seulement si cette évaluation est positive que l’article est accepté pour publication. Bien que cette méthode ne soit pas parfaite, elle constitue un premier bon filtre des mauvaises idées ou des mauvaises méthodologies. Et après ça, les scientifiques essaient de répliquer les travaux qui ont été publiés par d’autres. C’est un deuxième filtre, encore plus puissant que le premier. Ce n’est que lorsqu’un résultat a été publié et répliqué plusieurs fois que l’on ne commence à lui accorder une confiance importante. Or là, le livre de Milo fait tout le contraire. Il n’a jamais été évalué par des spécialistes de l’évolution et ses idées n’ont jamais été publiées dans des journaux spécialisés.

Un discours ou une production scientifique qui n’est pas publié dans une revue scientifique à comité de lecture, c’est un point négatif en termes de confiance. La science elle se passe dans les revues scientifiques à comité de lecture, elle se passe pas ailleurs. C’est comme si quelqu’un vous disait moi je suis un super grand tennisman mais il fait aucun tournoi ATP. Bah non, vous dites, bah non, c’est pas là que ça se fait le tennis pour devenir un grand champion de tennis et être reconnu c’est dans les tournois ATP. […] La science c’est pareil il y a un domaine où ça se produit c’est dans les revues scientifiques à comité de lecture, c’est là qu’on fait de la science3.

Comment faire pour vérifier si un auteur a publié dans des revues à comité de lecture quand vous êtes journaliste ? C’est assez facile, il suffit d’entrer le nom de l’auteur sur Google Scholar.

Vous allez regarder les publications de Daniel Milo sur Google Scholar il y a zéro publication dans une revue d’évolution et donc je suis journaliste je peux reconnaître ça très rapidement, très facilement3.

En l’occurrence Milo il a des publications en philo des sciences en histoire des sciences mais il a zéro publication en évolution donc premièrement on ne lui accorde pas de confiance dans le domaine de l’évolution.

– Comme il le reconnait lui-même dans son bouquin il le dit je ne suis pas spécialiste

– Totalement les journalistes auraient dû dire « on ne l’écoute pas on attend que la communauté scientifique ait tranché »3.

C’est important de comprendre ça. La confiance à accorder à un livre, même publié dans une grande maison d’édition, doit rester faible si ce livre ne repose pas sur des idées évaluées et répliquées dans des journaux à comité de lecture. la forme d’un livre ne signifie qu’une chose, c’est qu’un éditeur a estimé qu’il allait pouvoir en vendre suffisamment de copies pour se faire un petit bénéfice. Ça ne dit rien intrinsèquement sur la qualité de ces idées.

Donc, première leçon, pour évaluer la crédibilité d’une production scientifique, vérifiez qu’elle ait d’abord été publiée dans des revues à comité de lecture.

2. Les révolutions sont extrêmement rares en science

Deuxième drapeau rouge, le livre de Daniel Milo se présente ostensiblement comme révolutionnaire, puisqu’il entend remettre en question une théorie scientifique extrêmement solide, le darwinisme. En feuilletant le livre, vous trouverez des affirmations comme :

Image d’illustration de la citation : Je cherche à sauver [Darwin] de son péché originel, l’analogie de la domestication.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Je cherche à sauver [Darwin] de son péché originel, l’analogie de la domestication2.

Image d’illustration de la citation : Pourquoi donc les évolutionnistes s’accrochent-ils à la version erronée du darwinisme ?. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Pourquoi donc les évolutionnistes s’accrochent-ils à la version erronée du darwinisme2 ?

Image d’illustration de la citation : Ma modeste proposition : rebaptiser le darwinisme « théorie de la stagnation ». Nous avons été trompés, et ceux qui nous ont trompés continuent à se tromper eux-mêmes.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Ma modeste proposition : rebaptiser le darwinisme « théorie de la stagnation ». Nous avons été trompés, et ceux qui nous ont trompés continuent à se tromper eux-mêmes2.

Contrairement à ce que M. Milo dit, rebaptiser le darwinisme n’est pas une proposition modeste. Quand vous cherchez à amender une théorie sur laquelle travaillent des milliers de chercheurs depuis des dizaines voire centaines d’années, vous êtes en train de proposer une révolution. , c’est extrêmement rare. Ça n’arrive pas tous les quatre matins, et ça n’arrive pas non plus sous la forme d’un seul livre écrit par une seule personne, précisément à cause de ce que j’expliquais avant, du fait que la science avance un article à la fois, que les chercheurs publient leurs découvertes sous la forme d’une multitude de petites découvertes qui sont chacune examinées scrupuleusement.

Un discours ou une production scientifique qui se veut ostensiblement comme révolutionnaire, comme remettant en cause le consensus scientifique, alors ça doit être un drapeau rouge, ça doit être quelque chose on se dit, ouh là là, attention, attention, attention, le niveau de base de confiance doit être assez faible3.

Je vais reprendre avec le tennis, c’est comme le mec qui dit moi je suis le meilleur tennisman du monde et qui a jamais fait de tournoi ATP. Mais en fait la probabilité qu’il soit vraiment très bon elle est microscopique, donc les journalistes devraient se dire juste, on l’écoute pas ce type on arrête de l’écouter. Donc ça c’est le deuxième critère et c’est assez facile à détecter parce que les gens en général quand ils prétendent avoir fait une révolution ils le disent, parce qu’ils ont vraiment envie de se faire mousser3.

Les révolutions scientifiques sont extra-ordinaires, au sens premier du terme, au sens de très peu courantes. Et vous connaissez le dicton, les affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. Parce que le livre de M. Milo prétend remettre en question une des théories les mieux établies en science, il faut lui demander un niveau de preuve encore plus élevé qu’à n’importe quel autre ouvrage. Il faut attaquer sa lecture en étant très exigeant. Et bien sûr, cette exigence ne sera jamais assouvie avec des idées n’ayant jamais été évaluées par des pairs, on en revient au premier point.

Donc, deuxième conseil aux journalistes : lorsqu’un ouvrage inconnu atterrit sur votre bureau, s’il se présente comme une révolution ou une remise en question d’un consensus, levez un sourcil, et peut-être même les deux.

3. Attention aux livres scientifiques qui semblent brosser idéologiquement dans le sens du poil

La troisième raison de se méfier de « La survie des médiocres » avant même de l’avoir ouvert c’est parce que son auteur a jugé bon d’écrire dessus qu’il s’agissait non seulement d’une « critique du darwinisme » mais aussi d’une « critique du capitalisme ». C’est une nouvelle fois un drapeau rouge, pour deux raisons. La première c’est que ça ressemble à une façon pour l’auteur de nous amadouer avec des considérations idéologiques et non scientifiques, de nous faire relâcher notre vigilance épistémique en montrant qu’il appartient à un certain camp politique.

Il faut se méfier de ce qu’on pourrait qualifier de l’idéologie, plus généralement des biais cognitifs, qui font que à la fois en tant que journaliste et en tant qu’auteur il y a des idées qu’on préfère aux autres, pour des raisons qui ne sont pas liées à leur véracité, au fait qu’elles sont plus proches de la réalité ou qu’elles sont plus vraies ou moins vraies, mais liées au fait qu’elles nous plaisent plus d’un point de vue idéologique. Et dans le cas présent ça joue très fortement contre la théorie de l’évolution par sélection naturelle de Darwin, clairement, c’est une théorie qui est mal aimée, elle est antipathique au regard du commun des mortels, les gens trouvent qu’elle est compétitive, injuste etc. Et ça c’est des raisons qui ne sont pas des raisons liées à sa véracité mais qui sont liées à la manière dont on la perçoit comme morale ou immorale. Et ça il faut s’en méfier énormément, dans le cas de Milo ça joue un rôle très très fort3.

C’est la psychologie de tous les journalistes dans ces grands médias qui ont adoré cette idée, qui se sont dit « ah trop génial quelqu’un qui remet en cause la sélection naturelle ça me plaît ça, j’ai envie de l’entendre, j’ai envie qu’il parle parce que j’aime bien cette idée, comme ça ça va remettre en cause la compétition comme valeur morale. Et bien ça c’est une erreur3.

Et cette connexion faite entre darwinisme et capitalisme est aussi un drapeau rouge parce qu’il est bien connu en philosophie des sciences qu’on ne peut pas passer du descriptif au normatif. Des grands philosophes comme David hume4 ou John Stuart Mill5 ont notamment étudié la question. qu’on trouve de la compétition dans la nature par exemple que ça veut dire qu’il faut que nos sociétés humaines soient compétitives elles aussi. Et donc il est impossible, comme le prétend Milo, que l’étude du monde vivant puisse nous informer sur la légitimité de certaines idéologies et du capitalisme en particulier. Il est logiquement impossible de remettre en question le capitalisme en remettant en question le darwinisme. Il s’agit d’une erreur de raisonnement, qu’on appelle le sophisme ou paralogisme naturaliste.

Il veut critiquer le darwinisme pour au fond critiquer le capitalisme ce qui est quand même dingue, c’est à dire qu’il veut faire un point normatif idéologique politique contre le capitalisme ce qui est totalement légitime ce qui est un point politique totalement légitime, mais pour faire ça il veut faire un point descriptif, positif, critiquer le contenu d’une théorie scientifique qui parle de la réalité en fait. Il pense qu’il faut faire l’un pour pouvoir faire l’autre, ce qui est une erreur intellectuelle totale3.

Laissez les scientifiques travailler tranquillement et ne prenez pas leurs travaux comme des fables de La Fontaine pour faire un point moral. Ce n’est pas possible, on ne peut pas faire ça et ça c’est une énorme nuisance à la communication fiable des informations scientifiques3.

Donc, attention, journalistes, restez vigilants face à vos propres biais idéologiques, concentrez-vous sur la véracité des faits sans laisser vos préférences politiques personnelles influencer votre jugement. Et dès que quelqu’un pense pouvoir tirer des leçons politiques de ce qui se passe dans la nature, drapeau rouge. C’est vrai pour tout le monde, pas que les journalistes bien sûr, mais eux ont ont tout de même une responsabilité supplémentaire à cause de leur audience. C’est pour ça que la tribune des 140 biologistes leur est adressée. Face à un tel livre, vérifiez que ses idées ont été préalablement publiées dans des revues à comité de lecture, demandez-leur un niveau de preuve bien plus élevé si elles se prétendent révolutionnaires, et méfiez-vous de toutes les théories scientifiques qui semblent vous brosser idéologiquement dans le sens du poil, ou qui souhaitent tirer des leçons politiques à partir de l’observation de la nature.

4. Résumé du livre

Bon, même si la tribune des chercheurs ne portait pas là-dessus, j’imagine que vous ne seriez pas satisfaits si je m’arrêtais là et ne vous disais pas pourquoi le livre n’est pas convainquant d’un point de vue purement scientifique. Pour ça, on ne peut évidemment plus s’arrêter à la couverture du livre et il faut le lire attentivement. Commençons donc par un petit résumé.

L’idée générale du livre est dire que la nature n’est pas le royaume du tout-optimisé et du tout-compétitif comme on le croit souvent. Selon M. Milo, dans la nature on ne trouve pas d’êtres vivants parfaits et parfaitement optimisés, mais simplement des êtres vivants « assez bon », « good enough » comme le dit le titre de son livre en anglais, ou « médiocres » comme le dit le titre de son livre en français. Il utilise notamment l’exemple de la girafe pour illustrer cette idée, qui, bien qu’un exemple classique d’explication darwinienne, ne serait pas adaptée selon lui :

Image d’illustration de la citation : La girafe est un mauvais exemple de la théorie de la sélection naturelle. On n’a pas pu trouver d’excuses adaptationnistes à son cou, à ses jambes, à sa manière d’accoucher, ou à sa visibilité criante, et ce n’est pas faute d’avoir cherché. Tout en elle est un outrage à l’ingénierie. [...] Moralité de la fable : la girafe est un élève modèle de la théorie du good enough. Mieux, elle est son icône.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

La girafe est un mauvais exemple de la théorie de la sélection naturelle. On n’a pas pu trouver d’excuses adaptationnistes à son cou, à ses jambes, à sa manière d’accoucher, ou à sa visibilité criante, et ce n’est pas faute d’avoir cherché. Tout en elle est un outrage à l’ingénierie. […] Moralité de la fable : la girafe est un élève modèle de la théorie du good enough. Mieux, elle est son icône2.

M. Milo reproche aussi à Darwin son analogie avec la sélection artificielle. Selon lui, la sélection naturelle ne pouvait pas être comparée à la sélection artificielle, parce que si , la sélection naturelle, elle, n’a pas de telles intentions :

Image d’illustration de la citation : Darwin a créé la sélection naturelle à l’image de la sélection artificielle, et la première ne cesse depuis d’imiter la seconde.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Darwin a créé la sélection naturelle à l’image de la sélection artificielle, et la première ne cesse depuis d’imiter la seconde2.

Au contraire, beaucoup de choses dans la nature sont inutiles pour lui :

Image d’illustration de la citation : La majorité des différences dans la nature ne changent pas grand-chose, voire rien. Cette idée est aux antipodes de la doxa darwinienne, selon laquelle la sélection naturelle <em>scrute chaque jour et chaque heure, dans le monde entier, les moindres variations</em> […].. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).’ /></a></p>
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<p>La majorité des différences dans la nature ne changent pas grand-chose, voire rien. Cette idée est aux antipodes de la doxa darwinienne, selon laquelle la sélection naturelle <em>scrute chaque jour et chaque heure, dans le monde entier, les moindres variations</em> […]<sup><a id="cite-2" href="#2">2</a></sup>.</p>
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<p>Il reprend à son compte l’accusation de Gould et Lewontin<sup><a id="cite-6" href="#6">6</a></sup> selon laquelle les biologistes seraient des gens qui voient de l’utilité partout, et pensent que tout ce qui existe dans la nature existe pour une bonne raison :</p>
<p><a href=Image d’illustration de la citation : Chaque exemple d’inutilité rencontrera le même réflexe panglossien : « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. » [...] En biologie de l’évolution, c’est la présomption du sens qui préside : tout est sélectionné jusqu’à preuve du contraire.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Chaque exemple d’inutilité rencontrera le même réflexe panglossien : « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. » […] En biologie de l’évolution, c’est la présomption du sens qui préside : tout est sélectionné jusqu’à preuve du contraire2.

Pour Milo, la nature ne fonctionne pas selon le principe « innove ou meurs », mais plutôt « on ne change pas une équipe qui gagne ». Il pense que la survie dans la nature est assurée par la stagnation, et non par l’innovation constante :

Image d’illustration de la citation : Qu’est-ce qui est gagnant dans la nature ? Avoir une progéniture, point final. Il n’y a pas de meilleure tactique pour y arriver que d’imiter ses propres géniteurs, vu qu’ils ont déjà fait leurs preuves dans l’art de la reproduction.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Qu’est-ce qui est gagnant dans la nature ? Avoir une progéniture, point final. Il n’y a pas de meilleure tactique pour y arriver que d’imiter ses propres géniteurs, vu qu’ils ont déjà fait leurs preuves dans l’art de la reproduction2.

Il critique également l’idée que la sélection naturelle serait une force dominante dans l’évolution. Selon lui, elle n’est qu’une force parmi d’autres et pas la plus importante :

Image d’illustration de la citation : Oui, les Galápagos confirment que la sélection naturelle existe ; mais elle n’est qu’une <em>force</em> parmi d’autres, et pas la plus dominante, il s’en faut de beaucoup.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).’ /></a></p>
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<p>Oui, les Galápagos confirment que la sélection naturelle existe ; mais elle n’est qu’une <em>force</em> parmi d’autres, et pas la plus dominante, il s’en faut de beaucoup<sup><a id="cite-2" href="#2">2</a></sup>.</p>
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<p>D’un autre côté, et de façon quelque peu confuse et contradictoire, il lui arrive aussi de rejeter également l’existence de lois tout court dans la nature. Il écrit par exemple que :</p>
<p><a href=Image d’illustration de la citation : Ce qui est moins pardonnable, et bien plus grave, c’est le refus d’accepter la nature telle qu’elle est vraiment : sans lois. [...] Aucune règle n’explique toutes les variations.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Ce qui est moins pardonnable, et bien plus grave, c’est le refus d’accepter la nature telle qu’elle est vraiment : sans lois. […] Aucune règle n’explique toutes les variations2.

Il fait remarquer que si les êtres vivants étaient si bien optimisés, alors, pour un trait spécifique, on ne devrait trouver qu’une seule valeur. Or on trouve dans la nature de nombreuses valeurs pour un même trait, ce qu’il appelle des « gammes quantitatives » :

Image d’illustration de la citation : Confronté à une gamme fortement biaisée vers l’excès, le biologiste doit se demander comment les organismes peuvent se permettre une telle libéralité. Après tout, la sélection naturelle est censée être « un comptable avare » (Dawkins).. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Confronté à une gamme fortement biaisée vers l’excès, le biologiste doit se demander comment les organismes peuvent se permettre une telle libéralité. Après tout, la sélection naturelle est censée être « un comptable avare » (Dawkins)2.

De même, il observe que la nature n’est souvent pas économe mais se caractérise au contraire par un énorme gaspillage, ce qu’il appelle la « tropéité » : trop d’ADN poubelle, trop de spermatozoïdes, trop d’un peu de tout. Il en conclut que la théorie de Darwin est à revoir.

Il s’attarde ensuite sur le cas de l’humain, qui avec son énorme cerveau qui force les bébés à naître immatures, représenterait un cas particulièrement frappant de sélection naturelle qui n’optimise pas :

Image d’illustration de la citation : La sélection naturelle n’a pas obéi à ses propres lois avec la girafe et la tortue géante ; elle les a ignorées dans notre cas aussi. [...]  La thèse que la sélection naturelle ait eu raison de lancer au monde un nouveau-né avec un cerveau embryonnaire, est contraire au bon sens et aux fondements de l’anatomie.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

La sélection naturelle n’a pas obéi à ses propres lois avec la girafe et la tortue géante ; elle les a ignorées dans notre cas aussi. […]

La thèse que la sélection naturelle ait eu raison de lancer au monde un nouveau-né avec un cerveau embryonnaire, est contraire au bon sens et aux fondements de l’anatomie2.

Milo propose enfin une théorie personnelle sur la raison du succès de l’espèce humaine, malgré cet encombrant cerveau. Selon lui, ce succès serait dû en partie à une capacité à se projeter dans le futur. Je ne m’étends pas sur cette théorie, puisqu’elle ne critique pas le darwinisme à proprement parler. Je me contente juste de noter que c’est une théorie qui n’est pas prouvée et qui est couchée dans des termes parfois assez obscurs.

La dernière chose intéressante à mentionner dans ce livre c’est la connexion que l’auteur établit entre darwinisme et capitalisme. Comme il le dit lui-même :

Image d’illustration de la citation : Des principes sélectionnistes tels l’optimisation, l’innovation à tout prix, changer ou crever, l’efficacité, [...] se sont transmués en valeurs, voire en impératifs catégoriques. Grâce à cette alchimie étrange, Progrès, Croissance, Capitalisme et Néolibéralisme ont trouvé une assise scientifique... Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Des principes sélectionnistes tels l’optimisation, l’innovation à tout prix, changer ou crever, l’efficacité, […] se sont transmués en valeurs, voire en impératifs catégoriques. Grâce à cette alchimie étrange, Progrès, Croissance, Capitalisme et Néolibéralisme ont trouvé une assise scientifique.2.

Autre citation sur le même sujet :

Image d’illustration de la citation : Il est un axiome admis dans toutes les civilisations : la Nature est la sagesse incarnée. [...] De ce consensus s’ensuit une cascade de syllogismes. Si la nature est une arène où se joue une lutte permanente, la société doit elle aussi être régie par la loi de la jungle. Si, pour survivre et se reproduire, les non-humains sont condamnés à innover, exceller, optimiser, bref, évoluer, les humains n’ont pas non plus le droit de s’endormir sur leurs lauriers.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Il est un axiome admis dans toutes les civilisations : la Nature est la sagesse incarnée. […] De ce consensus s’ensuit une cascade de syllogismes. Si la nature est une arène où se joue une lutte permanente, la société doit elle aussi être régie par la loi de la jungle. Si, pour survivre et se reproduire, les non-humains sont condamnés à innover, exceller, optimiser, bref, évoluer, les humains n’ont pas non plus le droit de s’endormir sur leurs lauriers2.

Daniel Milo est très clair que les biologistes ont une responsabilité forte dans le succès actuel du capitalisme, et les accuse même de trahison :

Image d’illustration de la citation : C’est [aux biologistes], précisément, que nous devons la vision complètement de la nature comme un mélange de jungle, de ferme et de marché. Ce sont eux qui ont créé l’image « capitaliste », « néolibérale » de la nature ; et quand ils ne la promeuvent pas, ils la tolèrent, et leur silence vaut approbation. Ce faisant, les hommes et les femmes qui sont payés par le contribuable pour dire le vrai en matière de vivant trahissent le contrat social.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

C’est [aux biologistes], précisément, que nous devons la vision complètement de la nature comme un mélange de jungle, de ferme et de marché. Ce sont eux qui ont créé l’image « capitaliste », « néolibérale » de la nature ; et quand ils ne la promeuvent pas, ils la tolèrent, et leur silence vaut approbation. Ce faisant, les hommes et les femmes qui sont payés par le contribuable pour dire le vrai en matière de vivant trahissent le contrat social2.

Il en profite également pour s’attaquer violemment à Darwin :

Image d’illustration de la citation : En créant la sélection naturelle à l’image de la sélection artificielle, Darwin a non seulement commis une erreur catégorique grave, mais il a également préparé le terrain pour les horreurs de l’eugénisme.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

En créant la sélection naturelle à l’image de la sélection artificielle, Darwin a non seulement commis une erreur catégorique grave, mais il a également préparé le terrain pour les horreurs de l’eugénisme2.

En résumé, Daniel Milo écrit un livre pour expliquer que la nature n’est pas si optimisée et compétitive qu’on le croit, que cette image fausse est en grande partie due à Darwin et aux biologistes incapables de se remettre en question, et qu’elle est à l’origine du succès du capitalisme aujourd’hui.

5. Problèmes scientifiques

Bon, par où commencer ? Si vous connaissez un peu la biologie de l’évolution, ya pas mal de choses dans ce que je viens de vous présenter qui ont dû vous hérisser le poil.

Déjà, ya plein de petites erreurs factuelles par-ci par-là, comme quand M. Milo postule que la girafe subit des taux de mortalité très élevés à cause de ses longues jambes7. Ça lui arrive aussi souvent de faire du cherry-picking, c’est-à-dire, pour illustrer un phénomène, de ne sélectionner que les études qui l’arrange. Par exemple, pour montrer que la nature n’est pas optimisée, c’est très facile de sélectionner quelques études qui montrent que certains traits ne sont pas optimisés en passant sous silence tous les autres. Mais à la limite, tout ça c’est du détail.

Le problème principal du livre, c’est qu’il se bat contre un . M. Milo ne se bat pas contre le darwinisme mais contre une caricature du darwinisme qu’il a lui-même créé de toutes pièces. C’est-à-dire que tous les reproches qu’il fait aux biologistes, tous les amendements qu’il propose au darwinisme sont en réalité déjà pris en compte, et souvent depuis longtemps.

Par exemple, sur l’existence d’inutilité dans la nature, elle est parfaitement connue depuis longtemps. Nos muscles inutiles, nos os inutiles, nos organes inutiles sont expliqués comme des héritages de nos ancêtres chez qui ils servaient à quelque chose. Ces traits ne sont peut-être plus utiles aujourd’hui mais ils l’étaient autrefois, et donc parfaitement explicables par la sélection naturelle. Et il n’y a pas de mystère à ce qu’ils n’aient pas encore disparu aujourd’hui parce que, par exemple, ils peuvent être liés à d’autres traits toujours utiles. M. Milo aime beaucoup analyser les traits isolément, indépendamment les uns des autres, et il en conclut donc souvent qu’isolément ils ne sont pas optimisés. Mais en prenant du recul, on se rend compte que parfois l’optimisation n’existe pas au niveau d’un seul trait mais au niveau de plusieurs traits indissociables, et qu’améliorer l’un ne pourrait pas se faire sans détériorer l’autre. C’est ce qu’on appelle des compromis, des « trade-offs », et ces compromis entre différents traits sont une des façons pour le darwinisme moderne de rendre compte de la persistance de traits « inutiles », mais en réalité, ce compromis est lui-même souvent optimisé. Ya d’autres façons d’expliquer l’inutilité ou la sous-optimisation, mais celle-là est assez facile à comprendre je pense.

La célèbre queue du est un parfait exemple de compromis. M. Milo dirait sûrement que cette queue est une aberration, qu’elle est inutile, qu’elle n’est pas optimisée. Mais l’explication classique du darwinisme, c’est que ce trait non optimal du point de vue de la survie pure est conservé car il apporte des bénéfices du point de vue de la reproduction. En d’autres termes, ce que M. Milo appelle de la médiocrité, c’est bien souvent avant tout du compromis. Son livre aurait tout aussi bien pu s’appeler « la survie du compromis » plutôt que « la survie des médiocres », mais alors on se serait rendu compte que cette idée est très banale et prise en compte en biologie depuis longtemps.

M. Milo accuse les évolutionnistes modernes d’être pan-sélectionnistes, c’est-à-dire de voir de la sélection naturelle partout, et d’en faire souvent l’explication par défaut pour un trait. Pourtant, il reconnaît ailleurs lui-même qu’il existe des recherches sur le neutralisme en biologie. Mais il les met de côté comme limitées au niveau génétique :

Image d’illustration de la citation : Reconnaître l’existence de la neutralité au niveau génotypique est facile, mais reconnaître la neutralité phénotypique, qui va de la cellule au comportement, relève de l’hérésie paradigmatique.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Reconnaître l’existence de la neutralité au niveau génotypique est facile, mais reconnaître la neutralité phénotypique, qui va de la cellule au comportement, relève de l’hérésie paradigmatique2.

Pourtant, même au niveau phénotypique, ça fait longtemps que les biologistes ont conscience des dangers de voir des adaptations partout. On cite souvent le papier « spandrels » de Gould et Lewontin sur ce sujet6, qui pour moi était aussi un très mauvais papier basé sur une caricature du darwinisme, mais qui a le mérite de prouver qu’on discute de ces sujets en biologie depuis au moins les années 706. Alors après, M. Milo pourra toujours dire que même si ça a été discuté, ça n’est toujours pas assez pris en compte dans les faits, que les biologistes sont encore trop adaptationnistes. Mais à ce moment-là, il faudrait qu’il nous explique quel est le bon niveau d’adaptationnisme. Et c’est là un des gros points faibles de sa critique. Quand vous avancez qu’il y a « trop » de quelque chose dans la nature, ou trop de quelque chose dans un champ scientifique, vous devez indiquer ce que serait la bonne quantité. M. Milo reconnaît même avoir été confronté à ce problème lors de l’écriture de son livre :

Image d’illustration de la citation : Quand mon collègue Y. m’a entendu psalmodier les premières lignes de ce livre : « Il y a trop dans ce monde, trop de tout : trop de races de chiens, trop de façons de dire “très”, trop d’illusions, trop de Picasso ???… », il a rétorqué : « Et moi, je trouve qu’il n’y en a pas assez. ». Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Quand mon collègue Y. m’a entendu psalmodier les premières lignes de ce livre : « Il y a trop dans ce monde, trop de tout : trop de races de chiens, trop de façons de dire “très”, trop d’illusions, trop de Picasso ???… », il a rétorqué : « Et moi, je trouve qu’il n’y en a pas assez. »2

Par contre, il n’a jamais pris la peine de proposer une réponse. Pourtant, il existe dans la recherche actuelle en biologie des méthodes empiriques qui permettent d’y répondre partiellement, en évaluant par exemple la force de la sélection naturelle face à la force de la dérive génétique. Mais M. Milo ne les cite pas et ne nous indique jamais quels critères permettent de reconnaître qu’un trait est sous-optimisé, ou qu’un trait n’est plus soumis à la sélection naturelle. M. Milo ne met jamais les mains dans le cambouis pour ainsi dire.

Pareil pour le fait de voir des adaptations partout. Si vous avez suivi ma série sur la psychologie évolutionnaire (), vous savez que postuler des adaptations a un gros avantage, c’est que ça permet de générer des hypothèses qui peuvent être testées. Postuler qu’une protéine, un organe ou un comportement a une certaine fonction a ce qu’on appelle un pouvoir heuristique important, ça permet de découvrir des propriétés de ces systèmes, parce que la fonction et les propriétés d’un système sont souvent liés.

[Schéma 1]

Schéma d’illustration du texte précédant.

Schéma 1

Au contraire, postuler qu’un certain phénotype est arrivé par hasard, ça fait très peu, voire pas de prédictions qui peuvent être testées. Donc une nouvelle fois, c’est pas pour rien que beaucoup de chercheurs font passer les hypothèses adaptatives en premier : c’est parce qu’elles permettent de générer des prédictions qui peuvent être testées. Mais pour le savoir, il faut une fois de plus avoir mis les mains dans le cambouis, avoir essayé soi-même de séparer les hypothèses adaptatives des hypothèses basées sur le hasard.

Enfin, penser que le darwinisme voit la nature comme le domaine de la loi du plus fort, là où « tout est compétition », c’est faire une nouvelle fois preuve d’une formidable méconnaissance du domaine. Darwin lui-même avait étudié la vie en groupe et la coopération dans le monde vivant. Au début du XXe siècle Kropotkine écrit un livre qui s’appelle littéralement « »8. Et tout au long du XX et XXIe siècle, les biologistes n’ont pas cessé de redorer le blason coopératif du monde vivant, non seulement dans les revues scientifiques mais aussi dans des livres grand public, avec des auteurs comme 9, ou 10. Bref, les biologistes savent et vulgarisent depuis longtemps l’idée que la sélection naturelle ne favorise pas que les individus les plus compétitifs, mais aussi ceux qui coopèrent et s’entraident. Et ça ne remet pas du tout en question le darwinisme puisqu’on peut reformuler ça en disant que coopérer est un excellent moyen d’être compétitif. Dit autrement, c’est toujours la loi du plus fort qui règne dans la nature, mais très souvent, l’union fait la force.

M. Milo ne peut pas l’ignorer complètement puisqu’il écrit

Image d’illustration de la citation : J’ai interrogé [les biologistes] sur ces questions pendant une quinzaine d’années et voici ce que j’ai appris.  Peu de biologistes nient que la lutte permanente de tous contre tous soit une exagération.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

J’ai interrogé [les biologistes] sur ces questions pendant une quinzaine d’années et voici ce que j’ai appris.

Peu de biologistes nient que la lutte permanente de tous contre tous soit une exagération2.

Mais bizarrement, ça ne l’empêche pas d’écrire quand même tout un livre pour descendre en flammes ces mêmes biologistes.

En résumé, d’un point de vue scientifique, le livre de Milo présente des approximations factuelles et du cherry-picking, mais son problème principal est d’avoir créé de toutes pièces une version caricaturale du darwinisme pour ensuite le descendre facilement. La théorie moderne de l’évolution est bien plus complexe et nuancée que ce qu’il décrit. À la limite, je veux bien reconnaître que dans le grand public, la sélection naturelle soit encore vue comme la loi du plus fort, la loi de la jungle, un espace où la compétition et l’optimisation sont la règle. Mais ce n’est plus la vision des biologistes depuis longtemps. Il aurait été plus approprié de sous-titrer son livre « critique du darwinisme du grand public », « critique du darwinisme de comptoir », ou « critique du darwinisme auquel j’adhérais avant ». Parce que comme M. Milo le reconnaît lui-même, jusqu’à récemment il n’avait jamais ouvert un livre de biologie. Mais ce n’est pas parce que lui avait mal compris la théorie de l’évolution qu’il doit supposer que tous les biologistes en avaient fait de même.

6. Erreurs de raisonnement et paralogisme naturaliste

Le deuxième gros problème de ce livre, c’est le mélange des genres scientifiques et politiques, qui a été bien remarqué par les signataires de la tribune, on en a déjà parlé, mais sur lequel j’aimerais revenir. Ce n’est pas spéculer que d’affirmer que M. Milo avait une autre idée en tête que l’amélioration des théories scientifiques en écrivant son livre. Dès l’introduction, il écrit en effet :

Image d’illustration de la citation : Pourquoi un historien/philosophe/écrivain se mêlerait-il d’affaires dont il ignore presque tout ? Parce que la théorie de l’évolution, et en particulier la sélection naturelle, nous imprègne à un point tel qu’il est presque impossible de se libérer de son emprise. [...].. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Pourquoi un historien/philosophe/écrivain se mêlerait-il d’affaires dont il ignore presque tout ? Parce que la théorie de l’évolution, et en particulier la sélection naturelle, nous imprègne à un point tel qu’il est presque impossible de se libérer de son emprise. […]2.

Quelques lignes plus bas, il précise encore sa pensée de façon on ne peut plus claire :

Image d’illustration de la citation : Je soutiens qu’il existe une alliance objective entre le néodarwinisme [...] et le néocapitalisme, et que les deux paradigmes se renforcent l’un l’autre.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Je soutiens qu’il existe une alliance objective entre le néodarwinisme […] et le néocapitalisme, et que les deux paradigmes se renforcent l’un l’autre2.

Image d’illustration de la citation : Il existe comme un air de famille entre la sélection naturelle de Darwin et la main invisible d’Adam Smith. Grâce à ces deux forces, la nature et le marché se voient attribuer une sagesse proverbiale : la nature sait ce qu’elle fait ; nous faisons confiance aux marchés.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Il existe comme un air de famille entre la sélection naturelle de Darwin et la main invisible d’Adam Smith. Grâce à ces deux forces, la nature et le marché se voient attribuer une sagesse proverbiale : la nature sait ce qu’elle fait ; nous faisons confiance aux marchés2.

Autrement dit, M. Milo fonce tête baissée dans ce que l’on appelle le paralogisme naturaliste, la croyance que ce qui se passe dans la nature peut ou doit nous informer sur la façon dont on devrait construire nos sociétés. Il s’agit d’une erreur de raisonnement, ou d’un biais cognitif, mais comme je vous en ai parlé dans ma vidéo « Peut-on être de gauche et aimer la biologie du comportement humain ? » (), c’est une des raisons principales pour lesquelles la biologie de l’évolution est si souvent mal aimée et attaquée. Comme beaucoup de personnes pensent que tout ce qui se trouve dans la nature doit être conservé, imité et adoré, le darwinisme compris comme la loi du plus fort est vu comme l’ennemi à abattre. Comme nous le rappelait Jean-Baptiste :

C’est une théorie qui est mal aimée, elle est antipathique au regard du commun des mortels, les gens trouvent qu’elle est compétitive, injuste etc3.

Là où ça devient cocasse, c’est que M. Milo reconnaît à un moment que le paralogisme naturaliste est une erreur de raisonnement :

Image d’illustration de la citation : Quand bien même la nature serait darwinienne à 100%, et adhérerait religieusement au sélectionnisme sur terre, dans la mer et dans les airs, cela constituerait-il une raison pour fonder notre société sur elle ? Non, deux fois non. Même si la sélection naturelle était une loi de la nature [...], ce serait une erreur autant ontologique qu’éthique de s’en inspirer. Le saut du « c’est naturel » au « c’est juste » est indéfendable.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Quand bien même la nature serait darwinienne à 100%, et adhérerait religieusement au sélectionnisme sur terre, dans la mer et dans les airs, cela constituerait-il une raison pour fonder notre société sur elle ? Non, deux fois non. Même si la sélection naturelle était une loi de la nature […], ce serait une erreur autant ontologique qu’éthique de s’en inspirer. Le saut du « c’est naturel » au « c’est juste » est indéfendable2.

Mais ça ne l’empêche pas de faire tout un livre pour dézinguer le darwinisme comme si ça allait faire reculer le capitalisme. À tel point qu’on se demande s’il est vraiment lui-même convaincu qu’il s’agisse d’une erreur de raisonnement. Il parle même à deux reprises d’une alliance objective entre le néodarwinisme et le néolibéralisme !

Image d’illustration de la citation : Ce livre ambitionne aussi de rompre l’alliance objective entre (néo)darwinisme et (néo)capitalisme.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Ce livre ambitionne aussi de rompre l’alliance objective entre (néo)darwinisme et (néo)capitalisme2.

Image d’illustration de la citation : Le néodarwinisme et le néolibéralisme promeuvent l’image tragique d’organismes égoïstes, toujours sur le qui-vive. [...] Je soutiens que l’alliance objective de ces paradigmes accouche de deux effets pervers : l’intolérance des biologistes à la médiocrité dans la nature et l’intolérance des capitalistes à la médiocrité dans la société.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Le néodarwinisme et le néolibéralisme promeuvent l’image tragique d’organismes égoïstes, toujours sur le qui-vive. […] Je soutiens que l’alliance objective de ces paradigmes accouche de deux effets pervers : l’intolérance des biologistes à la médiocrité dans la nature et l’intolérance des capitalistes à la médiocrité dans la société2.

Alliance objective, il me semble que c’est une expression non ambigue. Si on voulait être charitables, on pourrait supposer qu’il parle d’une alliance objective dans la tête des gens. Peut-être que M. Milo est lui-même réellement convaincu que le paralogisme naturaliste est une erreur de raisonnement, mais qu’il pense que la majorité des gens n’arrivera pas à s’en extraire. Bon moi j’appellerais plutôt ça une alliance subjective mais admettons que ce soit ce qu’il veut dire.

Déjà, même si c’est dur de s’en extraire, ça ne veut pas dire que ce soit impossible, que le paralogisme naturaliste soit, comme il l’écrit lui-même à un moment, une « idole impossible à déloger ». Par exemple, insister sur le fait qu’on trouve plein d’, ou qu’on se bat contre « le naturel » chaque fois qu’on prend un , c’est-à-dire chaque fois qu’on lutte contre les maladies qui sont elles-mêmes naturelles, c’est un bon moyen de montrer que c’est stupide de vénérer béatement la nature11 .

Achetez mon livre !
Achetez mon livre !

Mais même s’il était vraiment impossible de faire comprendre aux gens que la nature ne doit pas forcément être imitée, à quel moment ça justifierait qu’on modifie les découvertes scientifiques juste pour éviter que les gens ne se mettent à raconter n’importe quoi ? Je ne connais aucun scientifique qui oserait encore se regarder dans une après avoir modifié ses découvertes simplement par peur qu’une erreur de raisonnement les rende dangereux. En fait, à partir du moment où vous devenez capable de faire ça, de trafiquer vos résultats par peur de leurs conséquences, vous avez changé de métier. Vous avez cessé de faire de la science pour faire, peut-être, de la politique.

Alors attention, je ne dis pas qu’en pratique les chercheurs ne sont jamais influencés par des considérations politiques, et que leurs résultats sont libres de toute influence idéologique. Mais lorsqu’ils le sont, ça se fait généralement inconsciemment, et il s’agit d’une chose contre laquelle ils essaient de lutter, pas de promouvoir.

Et enfin, dernière raison pour laquelle c’est extrêmement dangereux de baser des recommandations politiques sur ce qui se passe dans la nature, c’est qu’on est jamais sûrs de ce que la science nous réservera demain. Là M. Milo a eu de la chance, parce qu’il se trouve que le monde vivant est effectivement moins compétitif et optimisé que le grand public ne le croit. Mais imaginez que montre le contraire. Ou imaginez que ça dépende fortement des espèces. Que dans certaines espèces, les médiocres survivent, mais dans d’autres, seuls ceux qui excellent survivent. Ce jour-là, les gens comme M. Milo qui auront martelé qu’il faut lutter contre le capitalisme parce que les médiocres survivent dans la nature l’auront dans l’os.

Le problème est peut-être encore plus frappant avec les différences de cerveau hommes-femmes, dont je vous parle dans mon dernier livre11 . Il existe un certain nombre d’intellectuels qui croient que la lutte pour l’égalité hommes-femmes doit passer par la négation des . La crainte étant que ces différences servent de justification à du sexisme ensuite. Mais une fois de plus, faire ça c’est s’attaquer aux données sur lesquelles repose une erreur de raisonnement plutôt qu’à l’erreur de raisonnement elle-même. Et imaginez la catastrophe le jour où on ne pourra plus nier ces différences de cerveau – et en réalité, pour beaucoup de chercheurs, on ne peut déjà plus les nier12, 13, 14. À force d’avoir martelé que les hommes et les femmes méritent les mêmes droits parce que leurs cerveaux sont identiques, on en sera venu à justifier l’attribution de droits différents le jour où on trouvera des différences. Une stratégie plus robuste semble être de rappeler que quoi que l’on trouve dans la nature, peu importe ce que la biologie montre, ça ne suffit pas pour justifier l’attribution de droits différents ni la mise en place de systèmes politiques particuliers. Il n’y a aucune obligation, aucune raison logique de vouloir toujours copier la nature. Les leçons de David Hume et John Stuart Mill sont toujours valables au XXIe siècle.

Vous ne le regretterez pas !
Vous ne le regretterez pas !

Je redonne donc une dernière fois la parole à Jean-Baptiste, et cette affirmation de la plus haute importance :

Arrêtez de prendre l’évolution et la biologie et plus particulièrement l’évolution comme une fable de La Fontaine. La théorie de l’évolution ce n’est pas une fable de La Fontaine. On ne va pas utiliser les petits exemples « regardez les girafes comme elles sont gentilles » ou quoi que ce soit pour dire comme il faut être gentil. Arrêtez, laissez les scientifiques travailler tranquillement et ne prenez pas leurs travaux comme des fables de La Fontaine pour faire un point moral. Ce n’est pas possible, on ne peut pas faire ça et ça c’est une énorme nuisance à la communication fiable des informations scientifiques3.

L’ironie de toute cette histoire, c’est que le livre de M. Milo est lui-même un très bon exemple de la façon dont les médiocres peuvent survivre, non pas dans la nature, mais dans la presse. Ce livre est en effet, selon les 140 signataires de la tribune, médiocre sur le plan scientifique et politique. Pourtant, ça ne l’empêche pas de survivre dans la presse, parce que cette médiocrité est compensée par une excellence sur deux autres dimensions, la dimension du « je remets en cause une des théories scientifiques les plus solides qu’il soit », et la dimension du « je brosse dans le sens du poil une certaine idéologie politique ». Et remarquez que ces trois dimensions sont liées. Ça aurait été très dur pour M. Milo d’écrire un livre qui soit à la fois meilleur sur la dimension scientifique et toujours aussi bon sur la dimension révolutionnaire, parce qu’être bon scientifiquement veut souvent dire être prudent et avancer à pas de fourmis, et donc ne pas être révolutionnaire. De même, un travail intellectuel sérieux aurait aussi dû conduire M. Milo à rejeter le paralogisme naturaliste et donc à ne pas essayer de se servir d’une description de la nature pour faire passer des idées politiques. Mais cette critique du darwinisme non accompagnée d’une critique du capitalisme, ou cette critique du capitalisme non accompagnée de critique du darwinisme, aurait évidemment eu moins de succès dans les médias. Le livre de M. Milo est donc un très bon exemple de pourquoi la survie des médiocres est possible, dans les médias comme dans la nature.

J’ai conscience que qualifier un livre de médiocre peut donner l’air méprisant, mais ne vous y trompez pas, le mépris se trouve bien du côté de M. Milo. C’est lui qui prétend révolutionner le darwinisme avec un seul livre, sans même s’être assuré qu’il avait bien compris ce darwinisme en premier lieu. C’est lui qui prétend donner des leçons à des biologistes ayant consacré leur vie à ces sujets. C’est lui qui attribue aux biologistes, je cite, « la vision complètement erronée de la nature », les traite d’ « hommes et de femmes payés par le contribuable pour dire le vrai en matière de vivant mais qui trahissent le contrat social », et parle de « trahison des généticiens », ayant « trompé » le grand public et se trompant eux-mêmes au passage. C’est lui encore qui pense que les biologistes ne sont pas réellement motivés par la recherche de la vérité mais juste incapables de se sortir d’une vision « romantique » du vivant, lorsqu’il écrit :

Image d’illustration de la citation : Mais pourquoi donc les évolutionnistes s’accrochent-ils à la version erronée du darwinisme, qui en fait une théorie du changement à tout prix ? Par romantisme. C’est aux romantiques allemands [...] que l’on doit le mythe du génie, celui qui bouscule toutes les conventions.. Citation de 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).

Mais pourquoi donc les évolutionnistes s’accrochent-ils à la version erronée du darwinisme, qui en fait une théorie du changement à tout prix ? Par romantisme. C’est aux romantiques allemands […] que l’on doit le mythe du génie, celui qui bouscule toutes les conventions2.

7. Conclusion

La girafe elle est gentille. Alors nous les humains on va être aussi gentils.

Mais si la girafe elle était pas gentille. Alors nous les humains on serait pas gentils.

Huum, bon, désolé pour l’interlude musical , mais c’est vraiment ça le niveau de ce que nous proposent tous ces intellectuels apeurés par les recherches en biologie, et il n’y a guère que dans le texte d’une chanson pour les moins de cinq ans que ce genre de couplet peut trouver sa place. Mais venons-en à la conclusion.

En conclusion de cette vidéo, s’il y a un seul truc que j’aimerais que vous reteniez, ce n’est pas pourquoi le livre de M. Milo est mauvais, ni pourquoi les médias sont tombés dans le panneau, ni comment faire pour que ça ne se reproduise plus. Au contraire, je voudrais que vous reteniez que ça va encore se reproduire. Tout au long de votre vie, ou tout au long de votre carrière si vous choisissez de faire de la recherche en évolution, vous allez être confrontés à des ouvrages qui prétendent révolutionner le darwinisme d’une part et en tirer des leçons pour la politique d’autre part. Jean-Baptiste l’a évoqué dans notre entretien :

il y a des tas de gens qui disent n’importe quoi sur la science il y en a plein, il y en aura tout le temps ça va tout le temps arriver3.

mais plus frappant encore, regardez un peu ce que racontait John Maynard-Smith, un des plus grands biologistes de l’évolution du XXe siècle :

Image d’illustration de la citation : Il y a toujours eu des écoles de pensée critiques de Darwin, en partie parce qu’en sciences il y a de la célébrité à gagner à détrôner le roi, et en partie pour des raisons idéologiques.. Citation de 15. Maynard Smith, John. Did Darwin Get It Right? (1981).

Il y a toujours eu des écoles de pensée critiques de Darwin, en partie parce qu’en sciences il y a de la célébrité à gagner à détrôner le roi, et en partie pour des raisons idéologiques15.

Cette citation décrit parfaitement le livre de Daniel Milo, qui cherche à dégommer Darwin pour la célébrité mais aussi pour avancer des idées politiques. Et devinez quand Maynard-Smith a prononcé cette phrase ? Non pas il y a cinq, dix ou quinze ans, mais il y a 40 ans… 40 ans plus tard, elle est toujours d’actualité. Voilà pourquoi je vous dis qu’il faut vous attendre à ce que ce genre de livre ressurgisse régulièrement. Tous les cinq, dix ou quinze ans, il y aura un type qui découvrira que la théorie de l’évolution c’est un peu plus compliqué que ce qu’il en avait compris au CM2, et qui, en faisant tourner ses biais cognitifs à plein régime, pensera que ces illuminations sont sources de leçons pour la politique. Et de temps en temps, il y en aura un qui trouvera un éditeur pour le publier. Si j’applaudis la tribune des 140 chercheurs, et si j’adorerais que les chercheurs prennent la parole plus souvent, j’ai peu d’espoir que les médias entendent leur message et je comprends que du point de vue des chercheurs, ça s’apparente un peu à du temps perdu. J’ai essayé, à travers la vidéo d’aujourd’hui, de faire en sorte que ça soit un peu moins le cas. Mais c’est la même chose de mon côté, je n’ai pas que ça à faire que de courir derrière tous les malentendus scientifiques et paralogismes naturalistes qui sortent chaque jour.

Et c’est d’ailleurs précisément pour ça que j’ai écrit ce petit livre11 . Ça s’appelle À qui profite (vraiment) la génétique ?, mais ça aurait très bien pu aussi s’appeler À qui profite le darwinisme ?. Dedans, je donne la parole à ceux qui connaissent le mieux ces sujets, les évolutionnistes, les féministes darwiniennes, les généticiens du comportement, les psychologues évolutionnaires, pour qu’ils nous donnent leur point de vue sur cette question. La réponse étant plus ou moins qu’elles ne profitent à personne, non seulement parce qu’on trouve de tout dans la nature, de la compétition comme de la coopération, de l’injustice comme de l’égalitarisme, et donc bon courage pour créer des politiques inspirées de la nature, mais qu’en plus, les politiques qu’on met en place dans nos sociétés sont toujours le résultat d’informations scientifiques additionnées de valeurs morales, pas d’informations scientifiques seules. Il y a toujours des valeurs morales dans les choix politiques qu’on fait, or les valeurs morales n’existent pas dans la nature, ce ne sont pas des choses qu’un scientifique peut découvrir. Donc on aura toujours notre mot à dire sur la façon d’utiliser les résultats scientifiques. Voilà, si ça vous intéresse, c’est commandable dans toutes les librairies, et M. Milo, si vous regardez cette vidéo, je vous l’envoie avec plaisir.

Allez, je retente encore une fois !
Allez, je retente encore une fois !

Merci à toutes celles et ceux qui me soutiennent financièrement, rendez-vous sur homofabulus.com/soutien si vous souhaitez faire de même.

Retrouvez la vidéo complète de mon entretien avec Jean-Baptiste André sur ma deuxième chaîne, Homo Fabulus 2, tenez encore un petit extrait pour vous donner envie et enfoncer le clou.

Je discutais il y a pas longtemps avec une collègue qui travaille sur les conflits de sexe entre mâles et femelles chez les primates non-humains, et en fait, elle a plein de problèmes ! Parce que les gens sont tout le temps en train de lui demander quelles sont les conséquences politiques de ses résultats. Et en fait dès que ses résultats ne sont pas – ne donnent pas l’impression d’être en faveur du droit des femmes, on a pas envie de les écouter, on a pas envie de l’aider à les produire etc. C’est un énorme problème, on peut pas être en train de travailler en étant tout le temps en train de se demander quelles vont être les conséquences morales de nos résultats. C’est pas une bonne manière de produire de la science et de la connaissance.

Enfin je signale que cette vidéo était la dernière avant d’entamer une série massive de plus de 4h sur les critiques de la biologie du comportement. En réalité, la vidéo d’aujourd’hui constitue une très bonne introduction à cette série, puisqu’on y retrouvera beaucoup de thèmes communs. Par exemple, les défenseurs de la biologie du comportement se sont souvent plaints d’être critiqués par des philosophes qui ne comprenaient pas grand-chose à leur travaux et qui avaient d’autres motivations que scientifiques. Nous y verrons aussi que certains des articles les plus célèbres critiquant la biologie du comportement, comme celui de Gould et Lewontin sur les spandrels, ressemblent comme deux gouttes d’eau au livre de M. Milo, tant sur le fond scientifique que les arrière-pensées politiques. Le soleil, la plage et les cocktails c’est surfait, moi je vous propose une série de l’été à base de biologie, de politique, et d’épistémologie. Abonnez-vous pour être sûr de ne pas la manquer !

Références

  • 1. SFEE. RO24 : Biologie évolutive : défaillances médiatiques dans la diffusion scientifique (2024). https://sfecologie.org/regard/ro24-juin-2024-jb-andre-et-al-evolution-et-medias/
  • 2. Milo, Daniel S. La survie des médiocres: Critique du darwinisme et du capitalisme (2024).
  • 3. Homo Fabulus. « Arrêtez de prendre l’évolution pour des fables de La Fontaine ! » – entretien avec Jean-Baptiste André (2024). https://youtu.be/VojH0IoDJoI
  • 4. Hume, David. Traité de la nature humaine (1739).
  • 5. Mill, John Stuart. On Nature (1874). https://www.lancaster.ac.uk/users/philosophy/texts/mill_on.htm
  • 6. Gould, S. J. & Lewontin, R. C.. The Spandrels of San Marco and the Panglossian Paradigm: A Critique of the Adaptationist Programme. Proceedings of the Royal Society of London. Series B. Biological Sciences (1979). https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.1979.0086
  • 7. Owen-Smith, Norman & Mason, Darryl R.. Comparative Changes in Adult vs. Juvenile Survival Affecting Population Trends of African Ungulates. Journal of Animal Ecology (2005). https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2656.2005.00973.x
  • 8. Kropotkine, Pierre. L’entr’aide, Un Facteur de l’évolution (1906).
  • 9. Waal, F. B. M. de (Frans B. M.). The Age of Empathy : Nature’s Lessons for a Kinder Society (2009).
  • 10. Selosse, Marc-André & Hallé, Francis. Jamais seul: Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations (2017).
  • 11. Debove, Stéphane. À qui profite (vraiment) la génétique ? (2024).
  • 12. Ryali, Srikanth et al. Deep Learning Models Reveal Replicable, Generalizable, and Behaviorally Relevant Sex Differences in Human Functional Brain Organization. Proceedings of the National Academy of Sciences (2024). https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2310012121
  • 13. Archer, John. The Reality and Evolutionary Significance of Human Psychological Sex Differences. Biological Reviews (2019). https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/brv.12507
  • 14. Williams, Camille Michèle et al. Neuroanatomical Norms in the UK Biobank: The Impact of Allometric Scaling, Sex, and Age. Human Brain Mapping (2021). https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hbm.25572
  • 15. Maynard Smith, John. Did Darwin Get It Right? (1981). https://link.springer.com/book/10.1007/978-1-4684-7862-4
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    7 réponses à “140 biologistes en colère contre un livre ! Avis sur La survie des médiocres de Daniel Milo”

    1. Tout d’abord merci pour cet article qui met la lumière sur plusieurs sujets importants à partir de cette tribune.

      J’aimerais cependant interroger l’un des postulats sur lequel vous vous appuyez dans l’article : “il est bien connu en philosophie des sciences qu’on ne peut pas passer du descriptif au normatif”. Ce postulat revient à considérer que la loi de Hume fait l’unanimité au sein de la communauté des philosophes, ce qui me semble inexacte, d’une part parce que plusieurs philosophes contemporains reconnus continuent de publier en s’opposant aux arguments de Hume (Sam Harris, Alasdair MacIntyre, Bernard Baertschi, etc). Par ailleurs, j’ai cherché si il existait un sondage de philosophes contemporains sur cette question, et il en ressort que plus de 30% des sondés se retrouvent dans une conception naturaliste de la morale, c’est à dire (à mon sens) en opposition avec la “loi” de Hume (https://survey2020.philpeople.org/survey/results/5078). Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’il s’agit de la conception de la morale la plus répandue parmi les sondés, devant le “non-naturalisme” avec 27%, ou le “constructivisme” avec 21%.

      Me reconnaissant personnellement plutôt dans le constructivisme moral, la “loi” de Hume me semble également correct, et je n’aurais sans doute pas relever la présentation, selon moi, un peu exagérée que vous en faites, si vous ne l’utilisiez pas pour dénoncer un sophisme de l’auteur.

      Bien que je sois entièrement d’accord avec les critiques que vous faites ou reprenez à l’égard du livre et du lien que l’auteur tire entre capitalisme et darwinisme, s’appuyer sur loi de Hume en la présentant comme unanimement acceptée, pour argumenter me semble également relever du sophisme.

      2 typos au cas où utile :
      – Sommaire : il n’y a pas de 6ème chapitre dans l’article (Erreurs de raisonnement et paralogisme naturaliste)
      – Chapitre 4 : manque le mot girafe dans la phrase “Il utilise notamment l’exemple de la pour illustrer cette idée…”

      1. Bonjour Eric,

        typos corrigées, merci.

        Pour Sam Harris et les autres, il faudrait discuter sur des affirmations précises. Je les ai lus et n’ai pas repéré d’oppositions frontales à Hume, ils disent généralement que la science peut aider à nous comporter moralement, ce qui est bien plus faible et banal que de dire que des valeurs peuvent être directement dérivées d’observations, de faits naturels (par exemple, la science pourrait juste faire des sondages pour demander aux gens leur avis sur un sujet, ou aider, dans une perspective utilitariste, à calculer quelles politiques procurent le plus de bonheur – sans jamais pour autant pouvoir prouver que l’utilitarisme est la meilleure doctrine).

        C’est un peu la même chose pour le sondage des philosophes : le « réalisme naturaliste » auquel adhérent 30% des philosophes peut signifier un grand nombre de choses, et notamment l’affirmation (faible) que la morale est au moins en partie indépendante des individus (ce qui ne veut pas dire néanmoins qu’on peut la découvrir en étudiant la nature, et donc ce qui ne rejette pas de fait Hume).

        Par ailleurs, toutes les autres catégories du sondage me semblent être compatibles avec la loi de Hume, donc même si les réalistes naturalistes étaient anti-Humiens, cela voudrait dire qu’une écrasante majorité des philosophes (70%) continue d’adhérer à la loi de Hume.

        Donc je ne pense pas que ma présentation de cette loi comme « triviale » et très communément acceptée soit trompeuse.

        Cela dit, si vous trouvez un jour un philosophe (ou un chercheur en général) qui rejette explicitement la loi de Hume, ça m’intéresse !

        Pour ma part, je discute un peu de ma position sur le réalisme moral dans cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=ot1rKCnhZKM

    2. Avatar de Eric de Vulpillières
      Eric de Vulpillières

      Merci pour cette réponse argumentée. J’avoue que je ne pensais pas la question du sophisme naturaliste aussi compliquée lorsque j’ai écrit mon 1er commentaire. Mais, creuser le sujet m’a persuadé qu’il est important de clarifier cette notion dans le cadre des sujets que vous traitez sur ce blog et votre chaîne YouTube, d’où cette réponse un peu longue.

      Concernant des philosophes ou chercheurs rejetant explicitement la loi de Hume, en voici quelques exemples :
      – Alasdair MacIntyre dans son article Hume on « Is » and « ought » (https://philpapers.org/rec/MACHOI) montre, entre autre, que Hume lui même utilise à plusieurs reprises des raisonnements qui contreviennent à sa propre loi, telle qu’elle est communément interprétée : « What I want to suggest next is that if Hume does affirm the impossibility of deriving an « ought » from an « is » then he is the first to perform this particular impossibility ». Plus loin : « Hume makes it clear that he believes that factual considerations can justify or fail to justify moral rules. Such considerations are largely appealed to by Hume in his arguments in the « Essay On Suicide » that suicide is morally permissible »
      – Sam Harris, dans son livre The Moral Landscape: How Science Can Determine Human Values (2010) écrit : « The eighteenth-century Scottish philosopher David Hume famously argued that no description of the way the world is (facts) can tell us how we ought to behave (morality). […] Despite the reticence of most scientists on the subject of good and evil, the scientific study of morality and human happiness is well underway. This research is bound to bring science into conflict with religious orthodoxy and popular opinion – just as our growing understanding of evolution has – because the divide between facts and values is illusory … ». On peut également retrouver un résumé de sa position dans une publication de blog écrite à la même époque (https://web.archive.org/web/20100629004907/http://www.project-reason.org/newsfeed/item/moral_confusion_in_the_name_of_science3) dans laquelle il rejette plus explicitement la « loi de Hume » : « Many of my critics piously cite Hume’s is/ought distinction as though it were well known to be the last word on the subject of morality until the end of time », et propose quelques arguments pour appuyer sa position.
      – Daniel Dennet, dans son livre Darwin’s Dangerous Idea (1995), formule la critique suivante : « If « ought » cannot be derived from « is, » just what can « ought » be derived from? Is ethics an entirely « autonomous » field of inquiry? Does it float, untethered to facts from any other discipline or tradition? Do our moral intuitions arise from some inexplicable ethics
      module implanted in our brains (or our « hearts, » to speak with tradition)? » (p467)
      – J. Tullberg et B. S. Tullberg dans leur article A Critique of the Naturalistic Fallacy Thesis (https://doi.org/10.1017/S0730938400005451)
      – Hilary Putnam dans son livre The Collapse of the Fact/Value Dichotomy and Other Essays (https://altexploit.wordpress.com/wp-content/uploads/2017/07/hilary-putnam-the-collapse-of-the-fact-value-dichotomy-and-other-essays-harvard-university-press-2004.pdf)

      Plutôt que de continuer cette liste, je me suis dit en écoutant votre dernière vidéo, qu’une référence à une encyclopédie bien connue et exempte de tout biais (notamment vis-à-vis de la psycho évo … ok, j’avoue, je trolle ) pourrait également éclairer la question. Ainsi dans l’article sur la méta-éthique de l’encyclopédie de philosophie de Stanford (https://plato.stanford.edu/entries/metaethics/#IsOOpeQueArg), l’auteur décrit ainsi la loi de Hume : « David Hume […] observed that an ‘ought’ cannot be derived from an ‘is.’ There is substantial debate about just what Hume meant, and similarly substantial debate as well about whether he was right. »

      Un autre concept souvent lié à celui de la loi de Hume est celui du paralogisme (ou sophisme ) naturaliste introduit par Moore au début du 20ème siècle dans son livre Principia Ethica (https://standardebooks.org/ebooks/g-e-moore/principia-ethica/text/single-page). Il consiste à désigner comme une faute de logique, le fait de définir de façon réductrice la notion de “bon” : « “Good,” then, if we mean by it that quality which we assert to belong to a thing, when we say that the thing is good, is incapable of any definition, in the most important sense of that word. The most important sense of “definition” is that in which a definition states what are the parts which invariably compose a certain whole; and in this sense “good” has no definition because it is simple and has no parts. […] It may be true that all things which are good are also something else, just as it is true that all things which are yellow produce a certain kind of vibration in the light. […] But far too many philosophers have thought that when they named those other properties they were actually defining good; that these properties, in fact, were simply not “other,” but absolutely and entirely the same with goodness. This view I propose to call the “naturalistic fallacy”… »

      Les liens et différences entre les thèses de Hume et de Moore ont été décortiqués par le philosophe W. Frankena dans son article The Naturalistic Fallacy (https://doi.org/10.1093/mind/XLVIII.192.464). Dans celui ci, l’auteur montre comment ces 2 thèses, bien que proches, ne sont pas équivalentes et qu’aucune ne peut prétendre décrire, par elle même, des erreurs de logiques (voir également cet article https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/13348/Litalien_hutter.pdf) pour une explication que j’ai trouvée plus compréhensible du raisonnement de Frankena). On notera également la pique qu’envoie Frankena vis-à-vis de l’utilisation abusive du terme “Fallacy” en introduction de son article : « The future historian of « thought and expression » in the twentieth century will no doubt record with some amusement the ingenious trick, which some of the philosophical controversialists of the first quarter of our century had, of labelling their opponents’ views  » fallacies ». »

      Pour une vue un peu plus global des débats autour du “paralogisme naturaliste”, on peut également se référer à l’article Moore and the naturalistic fallacy (https://www.britannica.com/topic/ethics-philosophy/Moore-and-the-naturalistic-fallacy) de l’encyclopédie Britannica.

      Bien que la loi de Hume et le paralogisme naturaliste tel qu’introduit par Moore me semblent faire encore l’objet de trop de débats pour être utilisés comme fondement solide d’un “debunking”, il n’en reste pas moins que D. S. Milo semble bien faire une erreur lorsqu’il donne du crédit à l’idée que les modes d’organisations observés dans la nature devrait directement inspirer la manière dont nous organisons nos sociétés. Vous définissez cette erreur au chapitre 6 en l’associant au concept de paralogisme naturaliste : « M. Milo fonce tête baissée dans ce que l’on appelle le paralogisme naturaliste, la croyance que ce qui se passe dans la nature peut ou doit nous informer sur la façon dont on devrait construire nos sociétés ».

      Par ailleurs vous mentionnez, au chapitre 3, J. S. Mill comme l’un des inspirateurs de la notion de paralogisme naturaliste. Et j’avoue que j’ai été surpris. En effet, dans son livre Principia Ethica, Moore utilise Mill comme son premier exemple de philosophe commettant un paralogisme naturaliste pour justifier sa théorie de la morale : « Mill, then, has nothing better to say for himself than this. His two fundamental propositions are, in his own words, that to think of an object as desirable (unless for the sake of its consequences), and to think of it as pleasant, are one and the same thing; and that desire anything except in proportion as the idea of it is pleasant, is a physical and metaphysical impossibility. Both of these statements are, we have seen, merely supported by fallacies. The first seems to rest on the naturalistic fallacy; the second rests partly on this, partly on the fallacy of confusing ends and means, and partly on the fallacy of confusing a pleasant thought with the thought of a pleasure. »

      En réalité, on trouve dans les écrits de Mill à la fois un exemple du paralogisme naturaliste tel que définit par Moore (dans l’ouvrage Utilitarianism écrit en 1871) et la dénonciation du paralogisme naturaliste tel que vous le définissez, dans son ouvrage On Nature (1874) : « The word « nature » has two principal meanings: it either denotes the entire system of things, with the aggregates of all their properties, or it denotes things as they would be, apart from human intervention.

      In the first of these senses, the doctrine that man ought to follow nature is unmeaning; since man has no power to do anything else than follow nature; all his actions are done through, and in obedience to, some one or many of nature’s physical or mental laws.

      In the other sense of the term, the doctrine that man ought to follow nature, or, in other words, ought to make the spontaneous course of things the model of his voluntary actions, is equally irrational and immoral… »

      Il me semble que c’est le 2ème sens de mot “nature” que vous visez lorsque vous dénoncez la « croyance que ce qui se passe dans la nature peut ou doit nous informer sur la façon dont on devrait construire nos sociétés », et c’est bien là que se situe la véritable critique de Mills, puisque selon lui l’idée de suivre la “nature”, selon le 1er sens du terme ne veut rien dire.

      Je ne vais pas m’aventurer à essayer de retraduire précisément les thèses de Hume et Moore, étant donné les débats que soulèvent les différentes interprétations de celles-ci, mais pour bien souligner la différence entre ce qu’ils dénoncent et ce que dénonce Mill dans son ouvrage On Nature : Hume et Moore ne s’intéressent ni à la notion de “nature” telle qu’utilisée par Mill dans sa 2ème définition, ni au principe que l’homme devrait directement “suivre” cette nature (au moins dans les passages traitant de la loi de Hume et du paralogisme naturaliste que j’ai lus).

      Mon dernier point sera de chercher à comprendre d’où vient cette confusion entre l’idée dénoncée par Mill et les types de raisonnements dénoncés par Hume et Moore. L’article de wikipedia sur le paralogisme naturaliste (https://fr.wikipedia.org/wiki/Paralogisme_naturaliste) est à ce titre éclairant. Il mentionne en effet l’origine du concept introduit par Moore et sa fréquente confusion avec la loi de Hume, mais indique que « l’expression est aussi utilisée dans le sens d’appel à la nature, en particulier en psychologie évolutionniste. »

      L’article de wikipedia consacré à l’Appel à la nature ([https://fr.wikipedia.org/wiki/Appel_à_la_nature](https://fr.wikipedia.org/wiki/Appel_%C3%A0_la_nature)) identifie clairement Mill comme l’un des penseurs à l’origine du concept, et c’est bien ce concept qui me semble être désigné par les chercheurs en psychologie évolutionniste, lorsqu’ils parlent de paralogisme naturaliste.

      Il est intéressant de noté que ce concept fait également l’objet de débat en philosophie, ce qui me semble inévitable (pour l’instant), dès lors que l’on parle de morale ou d’éthique. Néanmoins, ce concept présente l’intérêt d’être beaucoup plus spécifique que ceux de Hume et Moore. En effet, tout argument s’appuyant sur l’appel à la nature est également réfuté par la loi de Hume ou le paralogisme naturaliste de Hume, ce qui est loin d’être le cas dans l’autre sens. La notion d’Appel à la nature telle que dénoncée par Mill a donc moins de chance d’être remise en cause que celles de Hume et Moore, en particulier par des éventuels lecteurs ou auditeurs ayant étudiés la philosophie de la morale.

      Pour conclure, l’utilisation de la notion de paralogisme naturaliste pour désigner le type de raisonnement dénoncé par Mill, semble communément admise dans le milieu de la psychologie évolutionniste. Cela ne poserait pas de problème si ce domaine restait séparé de la philosophie.

      Malheureusement (ou peut-être heureusement), ce n’est pas le cas, comme l’illustre votre série de billets et vidéos en cours, l’article de l’encyclopédie de philosophie de Stanford que vous y citez, ou encore l’article des philosophes D. S. Wilson, E. Dietrich et A. B. Clark intitulé On the inappropriate use of the naturalistic fallacy in evolutionary psychology (https://web.archive.org/web/20150415084544/http://evolution.binghamton.edu/dswilson/wp-content/uploads/2010/01/DSW14.pdf).

      De ce fait, il me semble qu’une clarification des notions philosophiques utilisées dans le cadre de la psychologie évolutionniste serait utile pour éviter les incompréhension, même si on peut regretter que Moore est “gâché” le terme de paralogisme naturaliste en l’associant à une notion trop générale et polémique pour mériter le qualificatif de paralogisme.

      Je précise que je travaille en tant qu’ingénieure depuis 15 ans et que je commence en ce moment des études de philosophie, ce qui semble me placer relativement bas dans votre échelle des métiers. Mon avis est donc à lire avec esprit critique :)

      Sur ce, je retourne à la lecture de l’excellent ouvrage A qui profite (vraiment) la génétique (comme quoi l’humour de répétition, ça marche).

      1. Hello ! Quelle réponse ! Je vais essayer de faire plus court.

        Alors sur la distinction paralogisme naturaliste / appel à la nature. En effet je m’inscris dans la tradition de l’article de wikipédia, et je ne fais pas de distinction entre les deux. Je me fais taper dessus par les philosophes à chaque fois que j’en parle du coup (jme souviens d’un fil sur twitter notamment, mais je le retrouve plus), mais pour moi la distinction n’intéresse que eux… et elle est très discutable en fait. Si tu considères qu’un jugement tel que « ceci est plaisant » peut en fait être réduit à des faits à la Hume (une configuration neuronale particulière), alors dire que ce qui est bon est ce qui est plaisant (le paralogisme naturaliste) revient (je pense) à faire un appel à la nature à la Hume. D’ailleurs dans l’article wiki https://fr.wikipedia.org/wiki/Paralogisme_naturaliste je trouve que les exemples ne correspondent pas du tout à la définition.

        Et « paralogisme naturaliste » est plus clair parce que ça montre qu’il y a une erreur, ce qu’il n’y a pas dans « appel à la nature ». L’usage prime, avant les philosophes :)

        Concernant les exemples de gens qui renient Hume. Bravo déjà, belle compil ! Néanmoins, je pense qu’il faut distinguer plusieurs trucs :

        – ceux qui font remarquer que jugements moraux = des faits traités par un cerveau humain. Or comme le cerveau humain est aussi un sujet d’étude scientifique, alors ça veut dire que la science peut expliquer la morale. Ça ça serait Sam Harris et Wright. Et je suis d’accord, mais eux décrivent ça comme un rejet de Hume (enfin surtout Harris), mais moi non. La science explique comment notre cerveau fonctionne, quelle est notre morale « naturelle » en quelque sorte, mais ça ne nous oblige aucunement à obéir à cette morale naturelle (ie différence descriptif / normatif). Donc bien sûr qu’on dérive nos jugements moraux uniquement que de trucs qui peuvent s’étudier scientifiquement, mais ça ne dit rien sur à quel point ces jugements moraux sont « légitimes », « absolus », «universels», etc. Donc Hume a toujours raison dans ce sens.

        – ceux qui comme MacIntyre font remarquer que « factual considerations can justify or fail to justify moral rules. ». Ça aussi je pense que c’est trivial mais que ça ne remet pas en question Hume. Jugements moraux = faits + cerveau, on peut donc discuter comme Hume de comment des faits affectent nos jugements, mais ça ne nous oblige pas à penser que nos jugements sont normatifs.

        – les autres pas lus mais je suspecte fortement que leur condamnation de Hume ne repose que sur ce genre de distinctions. Vous avez raison, on ne peut pas dire que l’appel à la nature ne soit plus un sujet discuté en philo, mais pour moi, ceux qui le rejettent le font pour les raisons vues plus haut.

        Comme vous le dites dans votre autre commentaire, pour moi il n’y a aucune contradiction à dire d’un côté “David [Hume] a fait remarquer qu’il n’est logiquement pas possible d’inférer un « doit » à partir d’un « est »” puis plus loin “Ce qui nous fait passer de ce qui est à ce qui doit être, c’est l’évolution qui a façonné nos cerveaux pour ressentir certaines émotions face à certaines situations.”.

        Même si l’évolution nous pousse à certains jugements, et qu’on peut donc comprendre nos jugements moraux par la science, cela ne veut pas dire que ces jugements soient normatifs. C’est en ce sens que Hume n’a jamais été remis en question selon moi. On ne trouvera jamais d’expérience scientifique qui montre qu’un jugement est LE jugement moral que tout le monde DEVRAIT avoir. Simplement des expériences qui montrent qu’un jugement est le jugement que tout le monde a (au mieux).

        Bonne chance pour vos études de philo ! Comme je vais le dire à la fin de ma série actuelle, l’avenir est beau pour les philosophes qui ne dénigreront pas la psycho évo !

    3. Avatar de Eric de Vulpillières
      Eric de Vulpillières

      C’est marrant qu’un bouquin aussi médiocre suscite un échange si intéressant. Je vais également essayer de faire plus court, et comme tu as démarré ta réponse avec du « tu », je switch.

      Concernant ton 1er point, il n’y a effectivement qu’un pas entre le « paralogisme naturaliste » (à la Moore) consistant à dire « ce qui est bon est ce qui est plaisant » et contrevenir à la loi de Hume en disant « X est l’action qui produit le plus de plaisir, donc nous devrions faire X » (ce que remarque bien Frankena, même si l’une des notions est plus large que l’autre). En revanche l’appel à la nature (version Mill) consistant à dire « X est naturel , donc nous devrions faire X », avec par exemple X = hétérosexualité, est une forme beaucoup plus spécifique du « paralogisme naturaliste  » qui mérite un concept dédié, puisqu’il s’agit de définir ce qui est moral comme ce qui est naturel, non pas via une construction logique s’appuyant sur le réel, mais juste en copiant ou en s’inspirant de la manière dont fonctionne la nature, et donc sans essayer de justifier pourquoi copier la nature serait morale.

      Il me semble nécessaire de distinguer ce dernier type de justification de la morale – l’appel à la nature – des 2 premiers car c’est celui que dénonce Mill (que tu cites dans ton article) dans son essai Nature (https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uc2.ark:/13960/t9086611q&seq=31), alors que le même Mill construit, dans Utilitarianism (http://fair-use.org/john-stuart-mill/utilitarianism/chapter-iv#ch4p10), une théorie de la morale qui se fonde sur l’idée que « ce qui est bon est ce qui est plaisant », ce qui répond parfaitement à la définition du « paralogisme naturaliste » de Moore.

      On peut dire que cette distinction n’intéresse que les philosophes, mais dans ce cas, je ne comprends pas bien pourquoi tu passes autant de temps à parler de philosophie, et à utiliser des concepts de philosophes pour debunker des auteurs qui parlent de politique ou d’économie.

      Concernant le fait que Sam Harris n’est pas réellement en désaccord avec la loi de Hume telle que tu l’interprètes, je ne suis pas d’accord. En effet, il ne se contente pas de dire que « la science peut expliquer la morale ». Dans son billet de blog que j’ai déjà cité, il écrit : « I was not suggesting that science can give us an evolutionary or neurobiological account of what people do in the name of “morality.” Nor was I merely saying that science can help us get what we want out of life. […] Rather I was suggesting that science can, in principle, help us understand what we *should* do and *should* want—and, perforce, what *other people* should do and want in order to live the best lives possible ». Cette vision de la moral correspond au courant utilitariste, dont Mill est un des représentants les plus connus, au même titre que Jeremy Bentham, ou plus récemment Peter Singer. Comme je l’ai déjà expliqué, même si on peut être en désaccord avec ces penseurs, les accuser de paralogisme me semble illégitime, alors qu’il est pourtant évident qu’ils contreviennent à loi de Hume et s’appuient tous sur un (soit disant) « paralogisme naturaliste » de Moore. Ce qu’aucun de ces penseurs ne fait, en revanche, est d’appel à la nature, comme le fait Daniel Milo.

      Enfin, vouloir utiliser le terme de paralogisme naturaliste, que ce soit pour dénoncer les raisonnements moraux idéalisant la nature comme Mill, ou plus généralement tout ce qui tente de définir ce qui est bon ou moral à partir du réel comme Hume ou Moore, « parce que ça montre qu’il y a une erreur », est peut-être pertinent si la discussion concerne la psycho evo, puisque celle-ci s’inscrit dans un cadre scientifique et conceptuel bien défini et partagé par l’ensemble des professionnels du domaine. Mais ce n’est pas le cas de la philosophie. Et vouloir qualifier d’erreur de logique tout ce qui tenterait de fonder une morale sur le réel, comme le fait Moore (et Hume si on le prend au pied de la lettre), revient à disqualifier des pans entiers de la philosophie morale sans avoir de cadre logique communément accepté pour le faire. Donc ok pour considérer que « l’usage prime, avant les philosophes » vis-à-vis du concept de « paralogisme naturaliste », lorsque la discussion concerne la psycho evo, mais il me semble que le livre de Daniel Milo dépasse largement ce cadre.

      1. Je pense que j’ai les idées beaucoup moins claires que toi sur les différentes visions des uns et des autres et que je n’ai pas le temps (ni l’envie :/ ) de me les rafraîchir ! Je suis désavantagé ! Mais il est possible en effet que ça aurait été utile de mieux dissocier les termes au moins pour cette vidéo… qui va être regardée par pas mal de philosophes.

        Au-delà des questions de terminologie, je pense que notre plus gros point de désaccord concerne ce qu’on peut reprocher aux utilitaristes. Apparemment pour toi on ne peut les accuser d’erreur de logique, et ce serait justifié dans Frankena (que je n’ai pas lu, désolé). J’ai néanmoins du mal à voir comment on pourrait faire autre chose que les accuser de ça. Comment justifier le postulat de base que ce qui est bon est ce qui est plaisant ? Comment justifier que l’acte moral est celui qui maximise le bonheur du plus grand nombre ? Toute théorie morale contient forcément une « brique arbitraire » n’étant jamais raccordée à des faits.

        Prenons Harris, qui rejette explicitement Hume et pense que la science peut nous dire ce que nous *devrions* faire. Ok, mais comment justifie-t-il cela ensuite ? Hé bien je suis allé lire son post de blog (pour une fois), et voilà le passage important :

        « In fact, I believe that we can know, through reason alone, that consciousness is the only intelligible domain of value. What’s the alternative? Imagine some genius comes forward and says, “I have found a source of value/morality that has absolutely nothing to do with the (actual or potential) experience of conscious beings.” Take a moment to think about what this claim actually means. Here’s the problem: whatever this person has found cannot, by definition, be of interest to anyone (in this life or in any other). Put this thing in a box, and what you have in that box is—again, by definition—the least interesting thing in the universe.

        So how much time should we spend worrying about such a transcendent source of value? I think the time I will spend typing this sentence is already far too much. All other notions of value will bear some relationship to the actual or potential experience of conscious beings. So my claim that consciousness is the basis of values does not appear to me to be an arbitrary starting point.

        Now that we have consciousness on the table, my further claim is that wellbeing is what we can intelligibly value—and “morality” (whatever people’s associations with this term happen to be) really relates to the intentions and behaviors that affect the wellbeing of conscious creatures. « 

        Donc en fait sa justification c’est : « trust me bro ». Une expérience de pensée avec un génie.

        Et quand bien même on accepterait que la morale a un lien avec les êtres conscients (ce que beaucoup de scientifiques formés aux approches évolutionnaires trouveront trivial bien sûr), il pose ensuite le « well-being » comme base de sa morale sans justifier à aucun moment pourquoi. Il aurait pu la baser sur la maximisation de la colère, de la peur, de la joie, de 100 000 expériences conscientes encore, mais non, il a choisi le well-being… arbitrairement (enfin il dit que ça correspond à ce que les religions et les gens pensent en général, mais ça n’est que du descriptif bien sûr, et ça ne justifie en rien qu’on s’en serve pour faire du normatif).

        Et donc on retombe sur ce que je disais avant : Harris, comme tant d’autres utilitaristes, pense peut-être éviter l’écueil de Hume, mais il est en plein dedans : il pose toujours des façons de se comporter comme supérieures à d’autres sans jamais justifier pourquoi, il saute des faits aux valeurs sans même s’en rendre compte. Et c’est pour ça que dans ma vidéo je présente Hume comme toujours pas dépassé, malgré ce que certains disent.

    4. Avatar de Eric de Vulpillières
      Eric de Vulpillières

      Merci pour cette clarification. Je partage complètement ta critique des approches utilitaristes de la morale, basée sur le principe posé par Hume, et ce d’autant plus facilement qu’elle s’accorde avec la vision de la meta éthique qui me semble la plus convaincante : la théorie du sens moral, qui s’inscrit dans le courant du sentimentalisme moral dont Hume est l’un des initiateurs avec Adam Smith.

      Cette vision de la morale permet d’expliquer facilement pourquoi différents individus ne partagent pas toujours les mêmes appréciations morales. Pourtant, si les jugements moraux individuels n’avaient aucun dénominateurs communs, ils ne seraient pas très utiles, car ne contribueraient pas à permettre la vie en société. Ce sont ces dénominateurs communs que cherchent les utilitaristes, et même si je suis convaincu que leur approche est insuffisante pour fonder une théorie de la morale, que ce soit au niveau individuel ou collectif, il n’en reste pas moins utile de chercher à comprendre sur quoi s’appuie cette (ou ces) morales, par exemple pour mieux sous-tendre les droits universels, ou pour faciliter l’identification de principes pouvant mener aux progrès sociaux dont tu parles dans ton dernier livre. C’est, entre autres, cette question qui m’a amené à reprendre des études en philo, et c’est également pour cette raison que j’ai mis un peu de temps à te répondre cette fois-ci : tu t’es embêté à écrire un livre évoquant ce sujet, donc le moins que je pouvais faire était de te lire :)

      L’impression générale que je tire de ton livre est que tu évites de préciser ce que désigne la « morale », « le bien et le mal », ou encore le « progrès social » afin de te concentrer sur l’idée, en théorie moins polémique, que la psycho évo (ou la biologie du comportement) est – et devrait être vue comme – agnostique vis-à-vis des orientations politiques ou morales. Ou plus précisément qu’elle peut-être utilisée pour défendre des idées progressistes, et non pas seulement des idées conservatrices, comme beaucoup de militants progressistes ont tendance à le croire.

      Ce propos, si je comprends bien, est écrit en réaction à des décennies de critiques de la part de scientifiques (ou philosophes) progressistes envers le domaine de la biologie du comportement humain, par méconnaissance de cette dernière et par crainte des conséquences politiques ou morales qu’on pourrait en tirer.

      Étant pour ma part déjà convaincu de la pertinence de la biologie du comportement humain, et par ailleurs assez sûr de mes convictions « progressistes », je suis plus intéressé par les conclusions des résultats scientifiques dans ce domaine, et les conséquences que devraient en tirés les philosophes de la morale, ainsi que les militants qui cherchent à défendre des causes morales. Mon impression est que les idées que tu exposes dans tes livres et sur ta chaîne ont, en réalité, d’énormes conséquences sur la philosophie de la morale et que ce sont ces conséquences qui génèrent des commentaires légèrement désobligeants (et peu fondés) de la part de certains philosophes.

      J’ai besoin d’y réfléchir plus longuement, mais je partagerai sans doute quelques idées sur ce sujet en commentaire de ta série en cours (psycho évo #10). Dans tous les cas, merci pour le temps pris à me répondre.

      … J’ai hésité, mais je ne résiste pas à la tentation d’extraire une citation de ton livre pour illustrer en quoi l’anathème du paralogisme naturaliste (ou de l’appel à la nature) est à manier avec précaution (même si j’ai bien conscience que ton objectif, en présentant ces raisonnements, est d’exposer une diversité d’argumentaires, et non juste ceux que te semblent les plus bétons) : « … la biologie peut voler à notre secours en réaffirmant qu’il est dans la nature humaine de ne pas aimer se faire oppresser, agresser ou charcuter les parties génitales. La nature humaine permet d’assoir les droits humains sur des bases non arbitraires, en tout cas beaucoup moins arbitraires que ne permettra jamais de le faire la culture. » (p96)

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