Qui veut booster sa mémoire ? Qui plus est avec des astuces qui marchent VRAIMENT ? Moi, moi ! Voilà une petite vidéo pour vous y aider :
Transcription de la vidéo pour ceux qui préfèrent le texte :
Comment faire pour booster sa mémoire ? Si vous regardez beaucoup de vulgarisation sur internet, il y a des chances pour que tout ce vous entendiez entre par une oreille et ressorte immédiatement par l’autre. Qui se souvient encore de ce que racontait la vidéo vue le mois dernier, la semaine dernière, et même hier ? Très certainement pas moi. À vrai dire, moi je ne me souviens même pas de mes propres vidéos. J’en apprends toujours beaucoup en regardant mes anciennes productions, c’est très pratique je ne m’ennuie jamais.
Alors oui je sais, vous allez dire, c’est pas grave si on se rappelle de rien, l’important aujourd’hui ce n’est plus d’être capable de retenir l’information, mais de savoir aller la rechercher où elle se trouve, notre mémoire a été externalisée dans des disques durs en silicium plutôt que dans des disques mous en neurones, et je suis assez d’accord avec ça. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que c’est dommage que les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent plus la date de la bataille de Marignan. Mais il n’empêche qu’on peut parfois avoir envie de conserver à portée de neurone certaines informations qui nous tiennent à coeur, et de les garder au chaud près de soi pendant de longues années. Je pense par exemple aux grandes équations de la physique, aux comportements qui impactent le plus le réchauffement climatique, ou à la recette de la brioche pommes caramélisées. Et pour nous aider à retenir tout ça, ya quelques astuces à connaître, que je vais vous présenter tout de suite.
Avant d’attaquer le vif du sujet, je voulais vous informer que la plateforme de financement participatif uTip sur laquelle je recevais la plupart de vos dons pour soutenir mon activité a brusquement fermé il y a un mois. Cette fermeture met assez fortement en danger mon activité sur le court terme, donc si vous me souteniez là-bas, n’oubliez pas de migrer votre don vers une autre plateforme, et si vous ne me souteniez pas, n’hésitez pas à vous y mettre. Un gros merci d’avance, je vous reparle de tout ça en fin de vidéo.
Il existe des astuces pour booster sa mémoire je disais donc. En fait, le mot « astuces » n’est pas approprié, je l’utilise juste pour avoir du clic sur la vidéo. Ce dont je vais parler aujourd’hui ce n’est pas d’« astuces » ou de moyens mnémotechniques ou de trucs de grand mère, désolé mamie, mais de principes fondamentaux sur lesquels repose la mémoire. Et des principes évidemment validés par la science. Parce qu’en matière de mémoire comme de tout le reste, le plus dur c’est pas de trouver des astuces, mais de s’assurer qu’elles marchent vraiment et de distinguer celles basées sur des données sérieuses de celles qui relèvent de la simple tradition jamais remise en question. Dans mon cas, je ne vais vous présenter que des principes étayés, certains d’entre eux faisant même partie des résultats les plus robustes de toute la psychologie [1, 2].
1/ Le premier principe ultra-important lorsque vous voulez retenir une information, c’est de ne pas vous contenter de faire ce qu’on a tous fait au collège ou au lycée, de simplement la relire ou la réécouter cent fois. Il est beaucoup, beaucoup plus efficace de chercher à se rappeler de façon active d’une information que de s’y ré-exposer passivement en la relisant ou la réécoutant [3-5].
En pratique ça veut dire quoi ? En pratique vous pouvez faire principalement deux choses : d’abord réciter les informations. Essayer de réciter est un excellent moyen de faciliter la mémorisation. Par exemple, juste après avoir fini cette vidéo, essayez de vous remémorer ses points importants. Ou, si vous êtes vraiment motivé ou que vous avez la chance d’être nourri logé blan chi pour apprendre des choses toute la journée, une occupation que l’on appelle généralement l’enfance, vous pouvez créer des petits quiz ou des QCMs pour vous tester.
Le gain de mémorisation que vous pouvez avoir en faisant ça, en faisant l’effort d’aller activement récupérer de l’information en mémoire, n’est pas négligeable du tout, il peut être jusqu’à deux fois plus important. Par exemple, si à la place de relire 8 fois une liste de mots vous la relisez 4 fois et vous vous la remémorez 4 fois, en passant le même temps total dans les deux cas, vous pourriez doubler le nombre de mots retenus [6]. Plutôt pas mal non ? Donc si vous voulez consacrer le moins de temps possible aux révisions pour pouvoir retourner le plus vite possible jouer à la Play, faites ça, plutôt que de relire trente six mille fois votre cours, récitez-le, ou construisez un petit quizz pour vous tester, vous serez bien plus efficace.
C’est ce qu’on appelle en psychologie l’effet de récupération, un effet hyper robuste qui a été répliqué sur tout type de public, à tous âges, et pour retenir n’importe quel type d’information [4, 5, 7, 8]. Alors attention, j’ai pas dit qu’il s’agissait de quelque chose qui ne demande pas d’effort. Je vous connais mes abonnés, j’imagine qu’il y en a pas mal d’entre vous qui se sont dit en m’entendant parler de réciter ou de créer des quiz, « relou », « la flemme », « jamais je ferais ça ». Et c’est certain que ça demande plus d’effort de se remémorer activement d’une information que de simplement la relire. C’est bien pour ça qu’on ne le fait généralement pas. Mais c’est un effort particulièrement rentable, c’est du bon bang for your bucks comme disent les anglosaxons, c’est-à-dire que vous en aurez pour votre temps. En fait, il est même pas faux scientifiquement parlant de dire que plus vous allez avoir l’impression de fournir un effort à la mémorisation, plus celle-ci sera bonne sur le long terme. Donc faut pas tomber dans la croyance plaisante mais naïve qu’ »un apprentissage réussi est forcément un apprentissage sans effort ». Comme le disent les chercheurs Mc Daniel, Roediger et Brown dans ce livre consacré au sujet : « nous nous laissons facilement séduire par l’idée que l’apprentissage est meilleur lorsqu’il est plus facile mais la recherche nous montre le contraire : lorsque le cerveau doit travailler dur, ce qu’on apprend reste mieux. » Ça c’est un très bon livre qui récapitule toutes ces recherches sur la psychologie de l’apprentissage. C’est dommage que je ne vous le fasse pas gagner en fin de vidéo. Mais donc retenez qu’apprendre demande de l’effort. Tout du moins si voulez retenir sur le long terme. Si vous voulez simplement retenir sur le court terme, sur l’espace de quelques heures, relire une information ou la réciter a le même effet. Mais au bout de quelques jours, vous vous rendrez compte que vous aurez beaucoup mieux retenu l’information récitée que l’information relue.
2/ Deuxième principe fondamental de la mémoire, la répétition. N’imaginez pas pouvoir retenir une information sur le long terme rien qu’en l’apprenant une seule fois. La répétition est un facteur essentiel de consolidation de la mémoire [9]. Dans un sens, c’est quelque chose de trivial que l’on sait déjà tous : quand on ne se sert plus d’une information, on l’oublie. Mais d’un autre côté, quand on était à l’école par exemple, on avait tous l’habitude de regrouper nos révisions sur le moins possible de sessions de révisions. Erreur gravissime ! Mieux vaut toujours faire plusieurs petites sessions espacées qu’une seule grosse.
Mais combien de sessions exactement ? Et combien de temps laisser entre chaque ? En ce qui concerne le nombre, y’a pas de secret, le plus sera toujours le mieux. Mais comme personne n’a un temps illimité et qu’il faut bien retourner jouer à la Play à un moment, vous pouvez espacer vos révisions d’autant plus que l’information que vous cherchez à apprendre vous est familière. L’idéal serait de réviser au moment où l’information commence juste à s’effacer de votre mémoire, mais je ne peux pas être beaucoup plus précis que ça parce que ce délai est très variable d’une personne à l’autre et fonction de l’information précise que vous cherchez à retenir [10]. Mais généralement, pour donner un ordre d’idée, commencez par réviser une information nouvelle deux jours de suite, puis tous les quelques jours, puis toutes les quelques semaines, puis tous les quelques mois. C’est comme ça que vous arriverez à retenir sur le long terme, voire le très long terme. Si vous voulez retenir pendant des années les cinq astuces que je vous donne aujourd’hui dans cette vidéo, commencez par essayer de vous les remémorer ce soir, puis demain, puis dans 3 jours, puis dans 1 semaine, puis dans 1 mois. Augmentez à chaque fois la durée entre deux sessions de révisions, et augmentez-la d’autant plus que vous souhaitez vous rappeler de ces choses longtemps. C’est comme ça que votre cerveau marche. Plus vous voulez retenir une information pendant longtemps, plus vous devez laisser passer de temps entre deux révisions [11]. Donc même si on est tous d’accord pour dire que c’est trivial qu’il faut réviser une information plusieurs fois pour ne pas l’oublier, on a souvent tendance à négliger cet autre paramètre qui est l’espacement entre deux sessions de révision. Il ne suffit pas de réviser plusieurs fois, il faut réviser à des intervalles bien choisis. L’effet de six sessions de révisions sur six jours consécutifs ne sera pas du tout le même que l’effet de six sessions de révision distribuées sur plusieurs semaines [12]. Et dans les autres informations non triviales que nous apportent les sciences cognitives, on peut aussi citer le fait que se tester *avant* d’avoir appris peut aussi être bénéfique : alors comment on fait pour se tester avant d’avoir appris, bah ça concerne surtout les profs, si vous êtes prof, vous pouvez tester les connaissances de vos élèves avant même de leur faire cours sur un sujet, et tant que vous leur donnez les réponses correctes plus tard, ça devrait améliorer leurs apprentissages [2]. Enfin, il est important aussi d’alterner les sujets quand vous révisez. Ne faites pas des énormes blocs de révision sur le même sujet : diversifiez et morcelez vos apprentissages.
3/ Troisième principe important : la vérification des erreurs. Quand vous cherchez activement à vous remémorer des informations, vous devez toujours vérifier si vous avez fait des erreurs, si vous avez oublié quelque chose et quoi exactement. Notre cerveau a besoin de feedback pour pouvoir s’améliorer. C’est à nouveau quelque chose de trivial dans un sens mais ne sautez pas cette étape, les études confirment qu’elle est essentielle [13, 14].
4/ 4e principe important pour notre mémoire, et celui-là je suis sûr que vous allez l’apprécier : dormez ! Le sommeil est un allié puissant pour la consolidation des connaissances. Par exemple, imaginons que vous ayez contrôle de maths demain à 16h avec madame Doubledécimètre. Vous connaissant, je sais ce que vous allez dire : « je réviserai demain matin dans le bus à 8h, et une autre fois juste avant le contrôle à 15h, et ça sera bien suffisant, je peux maintenant retourner jouer à la Play ». Mais non mes petits humains, c’est pas comme ça que ça marche. Je vous propose plutôt de faire une révision tout de suite, et une autre demain à n’importe quel moment dans la journée. Cette façon de faire aura été bien plus efficace, parce que vous aurez laissé passer une nuit de sommeil entre les deux révisions. Mettez du sommeil dans vos apprentissages ! Les gains potentiels sont à nouveau très importants. Par exemple, dans une étude qui comparait les deux situations que je viens d’évoquer, la situation où on laisse passer une nuit de sommeil entre deux révisions et celle où on ne le fait pas, le pourcentage d’informations mémorisées passait de 69% à 94% [15]. Et l’effet s’accentue encore sur le long terme : six mois après l’expérience, les sujets ayant laissé une nuit de sommeil se rappelaient de 50% des choses qu’ils avaient apprises, contre 19% pour ceux qui avaient révisé deux fois dans la même journée. L’effet d’une nuit de sommeil se fait encore sentir des mois plus tard !
5/ enfin, dernier grand principe, utilisez un encodage riche quand vous mémorisez. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous devez chercher à mémoriser une information de différentes manières, en utilisant différentes modalités sensorielles ou en la rattachant à d’autres choses que vous savez déjà. Par exemple, si vous cherchez à apprendre une liste de mots, plutôt que de simplement les lire, faites l’effort d’imaginer l’image associée à chaque mot. En faisant ça, vous serez en train d’enrichir l’information, parce que vous serez en train d’utiliser deux capacités cognitives différentes en même temps, la lecture et la représentation visuelle. Vous pouvez aussi vocaliser les mots, c’est-à-dire les lire dans votre tête. Ça ajoutera encore une modalité sensorielle, qui est l’audition. Vous pouvez aussi enrichir une information en la contextualisant, c’est-à-dire en la mettant en lien avec d’autres choses que vous savez déjà. Et vous pouvez aussi essayer d’associer ces informations à des émotions. Plus vous créerez un stimulus riche, plus il sera facile de le retenir [1]. L’idée de base c’est que ça sera toujours plus facile de mémoriser une information si elle est riche et s’inscrit dans un contexte que si elle est pauvre et semble tomber du ciel, que vous ne pouvez la raccrocher à rien. Les exemples et les métaphores sont aussi évidemment un excellent moyen de raccrocher des savoirs à d’autres. Pour citer une nouvelle fois les auteurs de ce livre : « Plus vous pouvez construire de repères pour faire résonner vos nouveaux apprentissages avec ce qui vous est déjà familier, plus vous vous saisirez efficacement de ces nouvelles données, et plus vous construirez des connections pour vous les rappeler ultérieurement. ». C’est vraiment un bon livre, c’est franchement dommage que je ne vous le fasse pas gagner en fin de vidéo. Donc ne considérez pas les savoirs comme des bêtes suites de mots sur une feuille de papier ou un écran d’ordinateur. Considérez les savoirs non seulement comme des mots, mais aussi des images, des sons, des émotions, tous reliés dans un réseau de connaissances. Créez de la richesse cognitive lorsque vous mémorisez.
Hé ben voilà ça fait cinq. Si vous voulez mettre en pratique ce qu’on vient d’apprendre, vous pouvez faire pause sur cette vidéo et essayer de vous remémorer les 5 grands principes que l’on vient de voir, tout en sachant que ça serait normal si vous en avez déjà oublié… précisément parce que simplement regarder une vidéo ne permet pas de mettre en application ces principes ! Et pour profiter des bienfaits de la répétition, les voilà rappelés une dernière fois :
1/ premièrement, faites l’effort de vous remémorer activement les informations que vous voulez retenir plutôt que de simplement les relire, en les récitant ou en répondant à des quiz.
2/ deuxièmement, pour retenir sur le long terme, espacez vos révisions, et espacez les d’autant plus que l’information vous est familière et que vous voulez la retenir sur le long terme
3/ troisièment, donnez-vous toujours du feedback, vérifiez que vous ne faites pas d’erreur et que vous n’oubliez rien
4/ quatrièment, dormez. Mettez du sommeil dans vos apprentissages.
5/ cinquièmement, enrichissez l’information, créez de la richesse à l’encodage.
Je répète que ces astuces sont des astuces dans le sens où elles facilitent les apprentissages, mais pas dans le sens où elles ne demandent aucun effort. Mis à part pour l’astuce de dormir plus, vous devrez fournir un effort supplémentaire par rapport à ce que vous aviez sûrement l’habitude de faire. Mais sur le long terme, cet effort devrait s’avérer payant, parce que vous passerez moins de temps pour retenir la même quantité d’informations, ou que vous la retiendrez plus longtemps.
Sachez également qu’il existe des outils pour vous aider à mettre en pratique ces principes. L’un d’entre eux que j’utilise personnellement beaucoup c’est la carte à double face, la flashcard. Vous savez, ce sont ces cartes qui possèdent sur une face une question, et sur l’autre la réponse. Ça existe en version physique, mais ça existe aussi en version dématérialisée, avec des applis qui proposent de créer rapidement de telles flashcards, et qui vous les présentent ensuite à intervalles réguliers. Et ce qui est formidable avec les flashcards, c’est qu’elles utilisent tous les principes qu’on vient de voir. D’abord ce sont par essence des quiz, donc elles permettent de faire de la remémoration active. Ensuite la réponse correcte est systématiquement donnée, on a donc du feedback immédiat sur ses erreurs. Les applis sur téléphone permettent aussi généralement de présenter plus souvent les cartes sur lesquelles vous vous trompez souvent, et au contraire d’espacer les révisions sur les cartes mieux connues. Et enfin vous pouvez créer des cartes avec des images, des liens, du contexte, donc créer un environnement d’encodage riche.
Moi perso je suis un utilisateur d’Anki, une app gratuite et open-source, que j’utilise à la fois pour apprendre des cartes que j’ai créées moi-même mais aussi pour apprendre des cartes créées par d’autres, parce que y’a un côté communautaire très sympa avec cette appli. Par exemple en ce moment je suis en train de devenir incollable sur les peintres impressionnistes du 19e siècle, et non ceci n’est pas une toile de Pierre-Auguste Renoir mais de Berthe Morisot, ce que vous pouvez être sexiste alors. Et ces applis sont aussi évidemment hyper pratiques puisqu’elles permettent de réviser de n’importe où, dans le métro ou la salle d’attente du médecin, ça évite de devoir se taper le numéro d’automoto d’avril 95.
Et d’ailleurs, puisque je sais que certains d’entre vous prennent des notes sur mes vidéos, si ça vous branche vous pouvez les mettre sous forme de questions/réponses et me les envoyer. Je les vérifierai et je les mettrai ensuite à disposition de tout le monde, pour que chacun puisse apprendre de façon ludique et durable les sciences cognitives, la biologie humaine, la psychologie évolutionnaire etc.
Enfin, sachez que le contenu de cette vidéo a été volé de façon éhontée à un MOOC que j’aimerais vous présenter. Ce MOOC s’appelle « La psychologie pour les enseignants », et comme son nom l’indique, il vise à présenter quelques principes de base de psychologie qui pourraient être utiles aux enseignants. Si vous êtes comme moi, vous devez trouver ça dommage qu’on ne nous ait jamais appris à apprendre à l’école. C’est vrai quoi, on nous maintient pendant le quart du temps qu’on va passer sur Terre dans un même lieu pour apprendre des dizaines de milliers de choses, mais à aucun moment on ne nous apprend à apprendre. Pourtant, s’il y a bien une chose utile dont on pourrait se resservir toute notre vie, une chose qui ne permet plus de dire que l’école ça sert à rien, c’est bien ça, apprendre à apprendre. Mais non, on agit toujours comme si apprendre était trivial, comme si ça n’avait pas besoin d’être enseigné, et comme si les méthodes utilisées depuis toujours pour ce faire étaient déjà les meilleures. Ce qui est évidemment loin d’être le cas. Comme je vous le disais en introduction, en matière d’éducation comme de beaucoup d’autres choses, il est très difficile de faire le tri entre les méthodes qui marchent vraiment et celles qui ne relèvent que de la tradition, du marketing, du biais du survivant, etc. Et on ne peut pas non plus se fier à notre expérience, d’abord parce que ce qui marche pour nous ne marchera pas forcément pour les autres, et ensuite parce que cette expérience est court-termiste. Quand on dit « ça marche », on veut souvent dire « ça a marché pour réussir le contrôle de la semaine dernière », mais pas « ça a marché pour se rappeler de cette information que j’ai apprise il y a un an ».
Si vous pensez comme moi que c’est dommage qu’on ne nous apprenne pas à apprendre à l’école, sachez que ça veut dire que vous êtes un boomer du XXIe siècle, parce que la situation a maintenant changé. Depuis 2016 est maintenant inscrite dans le socle commun de l’enseignement la nécessité d’apprendre aux élèves à apprendre [16]. Et ça c’est bien cool. Ça veut dire que les humains du futur vont un peu moins galérer à essayer de retenir ce qu’on veut leur fourrer dans le crâne. Mais évidemment, comme d’habitude cette inscription dans le socle commun ne veut pas dire qu’on a donné aux enseignants les moyens de connaître et appliquer les pratiques qui marchent. Et c’est là qu’on en vient à ce formidable MOOC dont je vous parlais. Ce MOOC créé par Franck Ramus, Joelle Proust et Jean-François Parmentier a précisément pour but de former et informer les enseignants sur ces sujets. Je l’ai suivi l’an dernier, et la qualité de l’information qui y est présentée m’a poussé à faire cette vidéo pour vous encourager vous aussi à le suivre. C’est un MOOC bien plus complet que la vidéo que vous venez de voir, et si vous êtes enseignant vous y trouverez plein de conseils pratiques sur comment intégrer les quiz à vos cours, faut-il les noter ou pas, etc. Et moi je n’ai parlé que de mémoire, mais ce MOOC en plus de parler de mémoire il a deux volets entiers sur la psychologie de la motivation et la psychologie du comportement. Parce qu’évidemment, pour qu’un humain arrive à retenir une information, il ne suffit pas qu’il soit fort pour mémoriser. Il faut aussi qu’il soit motivé pour mémoriser, et qu’il soit dans un environnement favorisant cette mémorisation. Ce MOOC fait également un état des lieux de ce que la science dit sur ces sujets.
Je recommande donc très fortement ce MOOC à tous les enseignants, quel que soit le niveau auquel vous enseignez, mais je le recommande aussi à tous les formateurs et les éducateurs, en fait à tous ceux qui dans leur boulot doivent transmettre de l’information à d’autres humains et veulent que ceux-ci la retienne, ce qui concerne un paquet de monde. Et je le recommande aussi à ceux qui veulent tout simplement moins galérer à retenir les choses, tous ceux qui en ont marre d’oublier ce qu’ils ont appris la semaine dernière, tous ceux qui sont comme moi déçus qu’on ne leur ait jamais appris à apprendre à l’école.
Et pour achever de vous convaincre de suivre ce MOOC, sachez qu’une nouvelle session dé marre en ce moment, le 2 mai exactement. Ça ne veut pas dire que si vous ratez cette session vous ne pourrez plus la suivre ensuite, parce que les contenus restent en ligne tout au long de l’an née, mais en démarrant maintenant vous aurez accès à un environnement structuré et motivant puisque vous apprendrez en même temps que des milliers d’autres personnes. Et sachez enfin que si vous êtes prof, vous pouvez faire valider cette formation auprès de votre inspecteur. Je vous mets tous les liens pertinents dans la description (https ://www.fun-mooc.fr/fr/cours/la psychologie-pour-les-enseignants/).
Vidéo terminée, mais ne retournez pas jouer à la Play tout de suite, j’ai encore deux informations à vous faire passer. D’abord, comme je vous le disais en introduction, le mois d’avril a été porteur d’une très mauvaise nouvelle pour beaucoup de créateurs de contenu sur internet, puisque la plateforme de financement participatif uTip, par laquelle beaucoup de gens recevaient des soutiens financiers, a fermé ses portes quasiment du jour au lendemain. Pour ma part, uTip représentait 60% des dons que vous me faisiez, et je ne parle pas de 60% de dizaines de milliers d’euros, mais de 60% de tout-juste-pour-arriver-à-vivre. Autant vous dire que la survie d’Homo Fabulus est assez fortement remise en question si les personnes qui me soutenaient là-bas ne migrent pas vers une autre plateforme. Je sais que y’en a déjà plein d’entre vous qui ont migré, et je vous en remercie. Pour les autres, n’oubliez pas de le faire rapidement si possible, et si vous ne faisiez pas encore partie de mes mécènes, n’hésitez pas à profiter de l’occasion pour le devenir. Sachez que si chacun de mes abonnés donnait seulement 8 centimes par mois, ça me suffirait pour obtenir le revenu médian des Français et donc assurer la pérennité d’Homo Fabulus sur le long terme. Et oui j’ai bien dit 8 centimes par mois, pas 8€ ni 80 centimes. Ma nouvelle plateforme de financement préférée est kiss kiss bank bank, mais vous pouvez aussi donner sur paypal, tipeee et patreon, je vous mets un lien dans la description si vous voulez un comparatif de ces alternatives.
Enfin, je vous informe que je lance une newsletter pour garder le contact avec vous sur le long terme sans devoir trop dépendre de l’existence de plateformes tierces. Vous pourrez si vous le souhaitez être informé·e de la sortie des nouvelles vidéos, parce que je sais qu’il y a toujours des problèmes de ce côté-là même chez ceux qui ont « activé la cloche », mais ça c’est optionnel, je m’en servirai avant tout pour vous tenir au courant des grosses actus d’Homo Fabulus, pour faire passer des informations importantes sur la chaîne, et pour vous faire gagner des livres, parce que je vais commencer à vous parler de livres. Et on va d’ailleurs commencer tout de suite, puisque je vais faire gagner à une personne inscrite sur ma newsletter un exemplaire de ce bouquin. Ce livre a été écrit par deux experts et pionniers de la recherche sur la psychologie de l’apprentissage, Roediger et McDaniel, et vous y trouverez un résumé de toutes les recherches de ces dernières décennies en bien plus détaillé que je ne viens de le faire. Si vous êtes enseignant, offrez-vous ce livre, si vous êtes étudiant, offrez-vous ce livre, si vous connaissez des enseignants ou des étudiants, offrez-leur ce livre, et si vous faites partie des boomers à qui on a jamais appris à apprendre, c’est grâce à ce livre que vous pourrez rattraper votre retard. Je vous en lis un dernier extrait : « Gardez en tête que les élèves les plus performants sont ceux qui prennent en main leurs apprentissages et s’astreignent à des méthodes de travail simples mais régulières. Peut-être ne vous a-t-on jamais expliqué comment procéder mais c’est à la portée de tout le monde et les résultats vous étonneront. » Voilà, je le fais gagner par tirage au sort à une personne inscrite sur ma newsletter à la fin de la semaine. Vous trouverez le lien pour vous inscrire dans la description.
Une nouvelle fois un gros merci à toutes celles et ceux qui me soutiennent, merci à Neméo, Virgul, Sarah Lecomte, Julie Augustin et tous ceux qui ont déjà migré leur don, j’espère que l’aventure Homo Fabulus ne va pas s’arrêter là bêtement alors qu’on avait enfin presque terminé de couvrir les bases de la psycho évo et qu’on allait enfin pouvoir s’attaquer à des sujets plus croustillants.
À la prochaine les humains, et merci de votre soutien sans cesse renouvelé.
Références
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2. Brown, P. C., Roediger, H.-L., McDaniel, M. A., Collectif & Pasquinelli, E. Mets-toi ça dans la tête ! : Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives isbn : 978-2-940427-28-4 (Markus Haller, oct. 2016).
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