Un livre de sociologie sur les opposants à la psycho évo !

Vous avez sûrement remarqué qu’il existe sur Twitter et divers réseaux sociaux des gens ultra-réfractaires à toute étude génétique ou évolutionnaire du comportement humain, qu’ils critiquent avec plus ou moins de politesse et d’arguments informés. Figurez-vous qu’une sociologue a publié un livre sur eux.

En fait c’est un livre sur les débats sur la sociobiologie des années 70-80 (livre publié il y a 20 ans déjà). Mais les critiques que vous croisez sur twitter aujourd’hui sont un copier-coller de ces débats d’il y a 50 ans. Le livre s’appelle « Defenders of the truth, the battle for science in the sociobiology debate and beyond ». Soit, en français, « Défenseurs de la vérité : la bataille pour la science dans le débat sur la sociobiologie et au-delà ».

L’autrice Ullica Segerstrale détaille :

* la « lecture morale » permanente des travaux scientifiques : impossible pour les critiques de penser qu’on puisse faire de telles recherches sans avoir un agenda caché.

* leur double standard quand on parle de niveaux de preuve

* leur « anything goes » (tout est bon à prendre) quand il s’agit de démonter l’autre camp, même si cela veut dire lui faire tenir des propos qu’il n’a pas tenu sur le plan scientifique (« déterminisme biologique ») ou moral (« racisme »).

* le besoin pour les critiques de se sentir moralement supérieurs, et de s’afficher dans le camp des gentils en faisant ce qu’on appelle du « virtue signalling », dans une surenchère permanente.


* la dimension sociale de ces critiques, n’importe qui critiquant ces disciplines étant certain de se faire plein de copains (ça c’est exacerbé aujourd’hui sur Twitter, avec son système de likes et de retweets. Si vous avez pas d’abonnés critiquez l’evopsy, succès garanti).

* le recours permanent à l’homme de paille :

* les réponses des sociobiologistes qui ne sont jamais lues ou prises en compte :

Bref, toute cette violence verbale, cette diffamation, ces accusations de « mauvaise science », ce virtue signalling, ces hommes de paille, ce mélange science/politique dont vous êtes témoins aujourd’hui sur Twitter étaient déjà là il y a 50 ans. Pire, ces comportements étaient déjà là *parmi les universitaires* (le livre ne parle que des universitaires), et c’est pourquoi j’attire aujourd’hui souvent votre attention sur le fait que c’est pas parce qu’une critique vient d’un universitaire qu’elle est forcément sensée.

Ceux d’entre vous qui me suivent et voient à quel point mes propos sont régulièrement déformés, à quel point on m’insulte et m’attaque sur ma crédibilité scientifique, vous comprendrez pourquoi cette violence en lisant ce livre. (ou plutôt, vous comprendrez que ce n’est pas un phénomène récent. Comprendre pourquoi est un autre problème…). Et merci de me défendre au passage, pas sûr que ça ne soit pas du temps perdu mais merci. N’oubliez pas que la science ne se fait pas sur Twitter et qu’en dehors de Twitter, les choses progressent dans le bon sens. Il faut garder en tête la « big picture ».

L’autrice du livre notait en l’an 2000 qu’avec le recul, les sociobiologistes avaient largement gagné sur le plan moral : aucune des accusations d’agenda caché sur les protagonistes du champ ne s’est révélée être autre chose que de la diffamation gratuite. Ça ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a pas de récupérations, mais les récupérations sont dans l’écrasante majorité le fait de non-universitaires. Sans compter que toutes les sciences sociales sont récupérées, etc. bref. autre sujet.

Les programmes de recherche adaptationnistes ont aussi largement gagné sur le plan scientifique, révolutionnant notre compréhension du comportement animal et humain ces 50 dernières années, même si l’idée reçue inverse traîne souvent. Voir par exemple :

Mais Segerstrale avertissait aussi en l’an 2000 que les critiques morales pouvaient revenir à tout instant, ce qui s’est produit dans les années 2010 avec les réseaux sociaux et le contexte socio-culturel que vous connaissez.

À noter que c’est pas un livre partisan défendant la sociobiologie. L’autrice décortique les incohérences des deux côtés. Elle essaie de rester dans la posture « neutre » de la sociologue, et je la trouve d’ailleurs parfois très magnanime dans ses interprétations. Par exemple, je ne suis pas d’accord du tout que les préoccupations politiques ont amené plus de bien que de mal au final : elles ont au contraire contribué à ce que les approches évolutionnaires soient rejetées dans une grande partie du monde universitaire, problème dont on commence seulement à se remettre.

Mais c’est un point de détail, et cette posture neutre, et le fait que ce soit écrit par une sociologue, constituera peut-être une motivation pour certain·e·s d’entre vous à lire ce livre pour démêler le vrai du faux sur ces sujets.

En résumé, livre chaudement recommandé si vous voulez avoir un peu de contexte et de compréhension de toutes ces réactions épidermiques. Et livre incontournable si vous faites de la philosophie / sociologie des sciences, ou des approches biologiques du comportement.

Ha oui et je reprécise au cas où que bien sûr il y a aussi des questions méthodologiques et épistémologiques intéressantes posées par les critiques. Elles sont évoquées dans le livre, et j’en parle dans mes vidéos ici et : ). Mais je me concentre ici sur la question du « pourquoi toutes ces réactions épidermiques » qu’on n’observe pas pour d’autres sciences.

Fil publié sur Twitter ici :

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