Et hop, encore un article dans la catégorie « Titre racoleur ».
Un titre inspiré de la lecture d’un article de Markey et Markey, publié dans Evolution and Human Behavior il y a deux ans. L’étude, intitulée « Changements dans les comportements de recherche de pornographie à la suite d’élections politiques : examen de l’hypothèse du challenge » (accès à l’étude payant normalement, mais gratuit en fouillant un peu), est de celles qui n’ont pas besoin de vous motiver plus que ça pour écrire un article dessus.
Dans cette étude, les chercheurs ont examiné le nombre de requêtes Google faites pour de la pornographie (en langage plus clair, le nombre de mots-clés comme « porno » tapés dans Google) la semaine suivant les élections états-uniennes de 2004 et 2008. Plus exactement, ils ont comparé le nombre de telles requêtes faites dans les états ayant voté à droite (républicains), et dans les états ayant voté à gauche (démocrates). Résultats : en 2004, lors de la victoire de Bush (un républicain) à la présidentielle, les états ayant voté majoritairement pour lui ont consommé plus de pornographie que les états ayant voté majoritairement démocrate ! Et inversement, lors de la victoire d’Obama en 2008, les états ayant voté démocrate ont consommé plus de porno que leurs voisins républicains dans la semaine suivant l’élection.
Qu’est-ce que signifie tout ça ? En réalité, en faisant ce travail, les chercheurs ont une petite idée derrière la tête : la démarche scientifique consiste avant tout à émettre une hypothèse que l’on va chercher à tester ensuite, plutôt que de balancer des expériences en espérant obtenir un résultat intéressant à la fin. Dans cette publi, les chercheurs veulent tester chez l’humain ce que l’on appelle l’« hypothèse du challenge » en écologie.
L’hypothèse du challenge a d’abord été proposée pour tenter d’expliquer le comportement des oiseaux, qui deviennent fortement agressifs lorsque leur taux de testostérone augmente. L’idée avancée, c’est qu’en présence d’un « challenge » (un rival à faire fuir par exemple), ou après avoir remporté un de ces challenges, les comportements agressifs des mâles sont bénéfiques pour leur reproduction (pour faire fuir le rival, surveiller les femelles, résoudre des disputes de dominance, etc…)
Ce lien entre compétition gagnée et augmentation du taux de testostérone a déjà été mis en évidence chez l’humain. Par exemple, on sait maintenant que les individus venant de gagner une compétition (de catch, de basket, ou simplement de… pile ou face) ont des taux de testostérone plus élevés que les individus perdants. Même pas besoin d’être acteur d’ailleurs ! Les spectateurs de ces compétitions sont aussi sujets à ces variations.
On sait également déjà que les compétitions politiques produisent le même effet : après les élections présidentielles de 2008 aux Etats-Unis, les électeurs ayant voté Obama (le gagnant) avaient un taux de testostérone plus élevé que celui des électeurs ayant voté pour le perdant. L’idée des chercheurs, ce fut donc de tester si cette augmentation de testostérone fut traduite par des comportements sexuels différents, ayant potentiellement un impact sur le succès reproducteur des individus. La pornographie étant traditionnellement associée aux fantasmes sexuels de l’homme de partenaires multiples et relations sans lendemains (voir mon billet sur la polygamie chez l’humain à ce sujet), la question des auteurs était toute trouvée :
« La recherche de pornographie sur internet augmentera-t-elle chez les individus ayant voté pour le candidat gagnant lors des élections présidentielles américaines ? »
Les résultats semblent montrer que oui (au niveau des états néanmoins et non pas des individus), et vont donc en faveur de l’hypothèse du challenge applicable à l’humain.
Le deuxième point intéressant de cette étude, c’est son utilisation des données de Google. Cette méthodologie permet d’avoir accès à des échantillons énormes (le mot « échantillon » est-il toujours adapté d’ailleurs ?) et des données très précises (le volume de recherche des mots-clés est disponible pour chaque jour depuis 2004 !). Google s’en est déjà servi pour son projet de suivi de la grippe dans le monde par exemple (en analysant les mots-clés liés à la grippe entrés dans leur moteur de recherche).
Ce genre d’analyse est également similaire au projet Culturomics dont je vous ai déjà parlé dans le billet sur l’obésité humaine. Ou encore, certains chercheurs ont montré qu’il existait une corrélation entre le suicide et la recherche d’informations sur « suicide » et « dépression » dans Google, ce qui leur fait penser que Google pourrait être utilisé pour faire de la prévention contre ce fléau.
Il s’agit donc d’une nouvelle manière d’obtenir des données qui présente de nombreux avantages. Citons-en encore deux : d’une part les coûts d’une telle recherche sont quasi-nuls, et d’autre part vous pouvez effectuer le même genre de recherche chez vous ! D’ailleurs, sans avoir creusé la question, je pense qu’il est tout à fait possible d’essayer de répliquer l’expérience présentée dans cet article avec nos élections du mois de mai ! Tout ce qu’il vous faut, c’est :
- Les données sur la recherche Google du mot « porno » en France avant et après le 6 mai 2012
- La répartition de ces données en fonction des régions (la carte géographique en bas à gauche de cette page permet cela).
- Les résultats du second tour département par département.
Avis aux amateurs !
NB1 : une autre hypothèse pourrait expliquer les résultats, c’est que l’augmentation de la recherche de pornographie chez les gagnants est due à leur bonne humeur, plutôt qu’à une augmentation du taux de testostérone. Les liens entre bonne humeur et comportement sexuel sont néanmoins peu clairs, et l’hypothèse du challenge reste l’hypothèse la plus couramment proposée.
NB2: sur simple demande par email, les auteurs de l’article peuvent vous fournir la liste de dix mots-clés utilisés pour suivre l’évolution de la demande en pornographie sur internet.
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