Voici ma réponse au billet du blog Cen’estqu’unetheorie qui critique la psychologie évolutionnaire.
Pour bien comprendre ma réponse, il est bien sûr recommandé d’avoir lu cette critique avant (https://cenestquunetheorie.com/2019/08/16/debats-3-levopsy-un-cas-decole-de-lecueil-adaptationniste/), mais je la citerai également abondamment dans ma réponse.
Comme cette critique s’appuyait sur une critique de l’adaptationnisme en général (et pas qu’en psychologie évolutionnaire), je vous conseille de lire aussi ma réponse à cette critique de l’adaptationnisme, sur laquelle je ne vais pas revenir. Ici je vais me concentrer sur les nouvelles critiques qui concernent spécifiquement la psychologie évolutionnaire. Nous allons voir que beaucoup de ces critiques reposent sur une méconnaissance du champ, et que les critiques pertinentes sont déjà intégrées et prises en compte depuis longtemps par les chercheurs du domaine. Cen’estqu’unethéorie, si on s’en tient à ce que vous dites, vous êtes déjà en grande partie psychologue évolutionnaire : sur bien des points, la discipline travaille déjà comme vous aimeriez qu’elle travaille.
[Edit: depuis l’écriture de cet article, j’ai publié une série de vidéos qui approfondit la plupart des aspects évoqués ci-dessous. Quand c’est approprié, je rajouterai un lien vers ces vidéos (en bleu)]
En italique sont les citations du billet de Cen’estqu’unetheorie. C’est parti :
si les psychologues évolutionnistes se défendent de négliger les explications évolutives de type dérive ou by-product (Confer et col. 2010), la nature des données dont ils disposent, et le flou immense qui règne sur les déterminismes génétiques sous-jacents aux comportements, oblige la discipline à n’utiliser ce type d’explications qu’en dernier recours.
Pas du tout. Comme expliqué dans ma réponse à votre critique sur l’adaptationnisme, les hypothèses adaptatives sont souvent évoquées en premier parce que ce sont les seules (ou tout du moins les plus à mêmes) de nous faire découvrir du design sur notre psychologie. Exactement comme en écologie comportementale. Postuler des fonctions permet de découvrir du design, c’est là tout l’intérêt du programme de recherche adaptationniste (Mayr 1983, Williams 1966). [Edit : je montre ce que ça veut dire en pratique « découvrir du design » dans ma vidéo sur le dégoût https://youtu.be/xR3L2Q8YGYw]
Étrangement, il y a une hypothèse alternative aux adaptations directes que l’evopsy utilise beaucoup, et c’est l’explication par le fait que certains comportements sont des reliquats, qu’ils résultent de pressions de sélection ayant eu lieu au pléistocène
Cela ne paraîtra « étrange » qu’à quelqu’un qui connaît mal le champ. La psychologie évolutionnaire est en effet connue pour insister sur le fait qu’une partie de nos comportements est maladaptée. Elle est ainsi beaucoup moins adaptationniste que d’autres disciplines évolutionnaires comme la sociobiologie ou l’écologie comportementale. Vous auriez pu choisir de vous en réjouir, étant donné votre méfiance dans le programme de recherche adaptationniste, mais vous préférez qualifier ça d’« étrange ». Étrange.
il est légitime de se demander si des modèles plus parcimonieux en hypothèses ne seraient pas plus plausibles. Par exemple, on pourrait supposer que le cerveau n’est pas toujours parfaitement optimal et ne trouve pas des solutions parfaites à tout parce que la sélection naturelle ne fait pas tout : le cerveau n’est « que » le produit d’un bricolage évolutif,
C’est exactement ce que disaient les fondateurs du champ il y a trente ans déjà (Tooby et Cosmides, the psychological foundations of culture, 1992) :
“Individual organisms are best thought of as adaptation-executers rather than as fitness-maximizers”. (les organismes doivent plutôt être envisagés comme des exécuteurs d’adaptation que comme des maximisateurs de fitness)
Ils reconnaissent ainsi très bien que « la sélection naturelle ne fait pas tout », et qu’effectivement, comme l’a très bien fait remarquer Jacob (1977), elle fait parfois du bricolage :
“the computational mechanisms that generate maternal love, grammar acquisition, mate selection, kindirected assistance, or reciprocation can be expected to parallel Ramachadran ’s characterization of perception as, essentially a « bag of tricks; » that through millions of years of trial and error, the visual system evolved numerous short-cuts, rules-of-thumb and heuristics […] (Tooby et Cosmides, the psychological foundations of culture)
Quant aux « modèles plus parcimonieux » que vous mentionnez, il faudrait discuter sur des exemples précis. Mais la psycho évo n’a pas de mal à considérer des explications non adaptationnistes quand c’est nécessaire. Elle fait par exemple appel à l’hypothèse du sous-produit pour expliquer des choses aussi importantes que que la religion, l’art, l’écriture ou le racisme (Boyer 2001, Pinker 1997a, Pinker 1994, Kurzban 2001).
ou encore qu’un cerveau plastique -qui n’aurait de codé en dur que la capacité à intégrer un fonctionnement déterminé par la culture serait à même de répondre à une plus grande diversité de problèmes avec pour coût le fait de répondre moins bien à chaque problème pris individuellement
Toujours dans le même texte, Tooby et Cosmides, tout en mentionnant des limites importantes à la plasticité, reconnaissent toute son importance :
“The ability to adjust behavior flexibly and appropriately to meet the shifting demands of immediate circumstances would, of course, be favored by selection, other things being equal. What organism would not be better off if it could solve a broader array of problems? ”.
Ils reconnaissent aussi absolument la possibilité d’algorithmes généralistes (je rappelle que ce texte date d’il y a 30 ans) :
“The debate about language acquisition brings this issue into sharp focus: Do general purpose cognitive programs cause children to learn language, or is language learning caused by programs that are specialized for performing this task? This cannot be answered a priori. It is an empirical question”.
Ils font également exactement les mêmes remarques que vous sur le coût d’être domain-general (Cosmides 1997) :
“A basic engineering principle is that the same machine is rarely capable of solving two different problems equally well. We have both screw drivers and saws because each solves a particular problem better than the other. Just imagine trying to cut planks of wood with a screw driver or to turn screws with a saw.”
Toutes ces questions étaient donc discutées par les psychologues évolutionnaires quand nous mettions encore des couches. De plus, en pratique, nombre d’adaptations postulées en psycho évo revêtent un caractère « plastique ». La « plasticité phénotypique » est aussi importante en psycho évo qu’en biologie de l’évolution. Par contre, les explications basées sur la plasticité telles que vous les décrivez (cerveau vu comme un simple support dont le fonctionnement / contenu est entièrement déterminé par la culture) souffrent d’un certain nombre de défauts (ce sont d’ailleurs les explications classiques des sciences sociales qui étaient historiquement là en premier, et la psycho évo est venue apporter une nouvelle vision des choses et s’opposer à cette vision « tabula rasa » de l’esprit).
On peut encore supposer que ces ‘biais cognitifs’, ces comportements vus comme irrationnels, sont en fait parfaitement fonctionnels la plupart du temps
Vos propos sont à nouveau tellement proches de ceux des psychologues évolutionnaires que ça en devient presque comique. Ils écrivaient un article entier là-dessus il y a trente ans :
« As it turns out, although it is true that people are bad at calculating the probability of a single event, when probabilities are expressed as frequencies, the standard « fallacies » and « biases » seem to disappear, and statistically naive subjects behave like good Bayesians. From an evolutionary perspective, this is not surprising. » (Cosmides, 1994)
Vous pouvez lire tout l’article qui est très court, intitulé « Better than rational ». Vous y verrez que l’existence de “biais cognitifs irrationnels” a surtout été avancée par l’économie comportementale et la psychologie traditionnelle, alors que la psychologie évolutionnaire essaie plutôt de leur donner du sens (et c’est à ce moment qu’on lui reproche de penser que tout est adaptation ! La boucle est bouclée, vous arrivez donc à reprocher à la psycho évo d’être à la fois trop et pas assez adaptationniste dans le même article.). Pour ne donner qu’un exemple, la théorie argumentative du raisonnement dont j’ai déjà parlé sur mon blog fait exactement ça : montrer comment des biais sont en fait fonctionnels. À nouveau, la psycho évo fait donc déjà exactement ce que vous lui demandez de faire !
[Sur l’étude des préférences de jouets des singes:]
L’étude présente de nombreuses limites qui ne sont pas données dans les articles qui la vulgarisent pour parler des possibles implications de ces résultats pour l’humain
Oui, tout comme tous les détails ne sont jamais donnés dans *tous* les articles de vulgarisation de *n’importe quelle* discipline. Votre critique, en partie justifiée (en partie seulement car ce n’est jamais facile d’adopter la bonne balance explication / simplification quand on vulgarise) n’est pas spécifique à la psycho évo.
D’autre part, et ça c’est lié à un défaut de la psychologie en général, l’evopsy va tirer des conclusions sur l’humanité entière à partir d’expériences portant sur des échantillons humains pourtant très peu représentatifs de l’ensemble de l’humanité, en particulier les WEIRD.
Encore une remarque pertinente mais déjà prise en compte par la psychologie évolutionnaire. Cette critique a été publiée par Henrich en 2010 mais était depuis longtemps connue dans le champ. Et c’est précisément parce que la psycho évo postulait l’existence de mécanismes cognitifs *universels* qu’elle a fait partie des premiers à aller tester ses hypothèses dans de nombreuses cultures. Dès les années 80 ! : https://psycnet.apa.org/record/1989-32627-001. S’il est exact que les hypothèses sont en général d’abord testées sur des populations WEIRD, les chercheurs essaient dès que c’est possible (ie dès qu’on a du temps et de l’argent, parce que c’est ça le nerf de la guerre, pas un quelconque problème méthodo) de les tester dans d’autres cultures. La psycho évo a donc toujours été plus en avance que le reste de la psychologie sur ce point.
des psycho-biologistes s’attachent encore, au présent, à chercher l’innéité de la préférence du bleu chez les garçons et du rose chez les filles en regardant la labilité du trait (voir par exemple Wong et Hines 2015 et la littérature qu’ils citent), alors qu’il est déjà absolument évident pour les sociologues et les historiens que c’est un comportement extrêmement contemporain, et localisé dans l’espace.
En premier, attention à la façon dont des études nouvelles, parfois de faible qualité et peu représentatives du champ sont montées en épingle et présentées comme des travaux majeurs par des opposants au domaine. L’étude de Wong et Hines que vous citez par exemple c’est 31 citations à l’heure où j’écris ces lignes. D’autres comme celle donnée plus haut effectuée dans les années 80 c’est plus de 4000 citations. Les critiques de la psycho évo s’acharnent souvent sur des études mineures et non représentatives du champ, que ce soit au niveau du sujet traité (le bleu/rose) ou de leur qualité / niveau de preuve.
De plus, ce n’est pas parce que quelque chose est « absolument évident » pour les sociologues et historiens que cela ne peut pas être remis en question. Ainsi, un nombre conséquent de sociologues et historiens sont « absolument convaincus » que la morale est quelque chose de culturel, localisé dans le temps et l’espace. Et pourtant, dans le même temps, un nombre conséquent de psychologues et biologistes sont « absolument convaincus » que la morale a des bases biologiques et est une probable adaptation universelle à la coopération. J’évoque les raisons pour lesquelles on pense cela ici :
De façon plus importante, contrairement à ce qu’on a tendance à penser, cette hypothèse d’universalité n’entre pas en contradiction avec la variabilité de la morale observée par les SHS, à partir du moment où on n’a pas une vision naïve de la façon dont fonctionne un cerveau, comme je l’explique ici :
Ainsi, la psycho évo et les SHS peuvent être complémentaires et éclairer des facettes différentes du comportement humain. Mais pour faire cela, encore faut-il que les disciplines se parlent, et qu’elles ne considèrent pas, comme vous semblez le faire, que leurs résultats sont indiscutables et ne peuvent être remis en question par ceux d’autres disciplines. C’est précisément à la nouvelle génération de chercheurs en sciences sociales / du comportement de montrer comment les résultats des deux « blocs » traditionnels (sciences sociales et sciences naturelles) peuvent être articulés et rendus compatibles dans une approche moderne.
Autre exemple : les evopsy avancent comme un évidence que l’appétit sexuel des hommes est supérieur de manière innée à celui des femmes, et se satisfont de patterns relationnels contemporains comme base de travail sur ces sujets (sans même vérifier l’innéité du tout, tellement « c’est évident »). En réalité, cette ‘évidence’ n’est qu’une croyance moderne, et c’est la croyance inverse qui prévalait en Europe à le Renaissance: les femmes étaient censées être sexuellement insatiables, et les hommes bien d’avantage capables de contrôler leur « désirs primaires » grâce à leur rationalité naturellement plus grande (Jordan-Young, 2016)
Trois remarques :
1/ “les femmes étaient censées être sexuellement insatiables” : ce que les femmes étaient censées être ne nous informe pas sur ce qu’elles préféraient être effectivement. En Chine on trouvait jusqu’à peu des femmes qui étaient “censées” aimer avoir les pieds bandés pour avoir des petits pieds, et ce n’est pas pour autant qu’elles aimaient cela. Comme le savent tous les historiens, les sources officielles divergent souvent des avis réels de la population.
2/ Même si c’était vrai qu’à la Renaissance les femmes avaient un appétit sexuel plus fort que celui des hommes, comment justifiez-vous de faire passer ce contre-exemple devant les centaines d’études en psychologie (souvent non évolutionnaire) et écologie comportementale sur le sujet, et devant les nombreux modèles qui nous ont déjà permis de comprendre tant de choses chez l’animal ? (par exemple, là, là et là. En psycho évo la publi historique de référence est là mais pour un aperçu plus récent, tout bouquin sur la psycho évo consacre généralement un chapitre entier à ces questions, voir ma liste de ressources conseillées ici ). En terme de niveau de preuve, c’est vous qui êtes dans la situation la plus intenable.
3/ Surtout, il existe de nombreux moyens de rendre compatibles l’hypothèse d’une adaptation innée avec l’anecdote que vous citez. Par exemple, tout simplement par plasticité phénotypique : il est possible que dans certaines conditions environnementales particulières, les préférences sexuelles changent. Pour vous, cela ne peut pas être qualifié d’« inné », car, comme vous l’indiquez dans votre article sur l’adaptationnisme, votre définition d’inné est « pas appris, pas acquis, peu labile au cours de la vie de l’individu ». Malheureusement ce n’est pas la définition des psychologues évolutionnaires. Pour eux (et la plupart des éthologues et cogniticiens que je connais), « inné » ne veut pas dire inflexible et invariable tout au long de la vie [Edit : voir cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=3CX6bj0qVkM ]. La capacité de bronzer par exemple est innée, mais va produire des phénotypes différents en fonction des environnements dans lesquels elle est placée. Et comme je le rappelais plus haut, la psychologie évolutionnaire n’a aucun mal à supposer que nombre de nos capacités cognitives sont plastiques. Votre anecdote historique ne vient donc pas forcément contredire l’hypothèse d’une différence « pré-câblée » (à nouveau, cela ne veut pas dire inflexible, inchangeable et présent à la naissance) d’appétit sexuel entre hommes et femmes.
Il suffirait aux chercheurs en evopsy de tendre le bras, pour trouver des données qui remettent en cause leurs hypothèses de travail… dans les autres disciplines. Comme je le disais en première partie : il faut être proactif dans la vérification des hypothèses de travail, et pas seulement attendre qu’elles tombent du ciel, sous prétexte que « c’est ainsi que la fonctionne la science, on teste ce qu’on peut et ce sera démenti si ça doit l’être ».
Vous avez raison, le dialogue entre les disciplines n’est pas facile, mais ce n’est pas une critique spécifique à la psycho évo. Elle a peut-être encore des progrès à faire sur ce point, d’autant plus que ce n’est pas facile de se tenir informé de tout ce qui se fait sur des sujets si interdisciplinaires. Néanmoins, si certains résultats ne sont pas pris en compte, ce n’est souvent pas par ignorance mais tout simplement parce qu’ils ne sont pas considérés comme incompatibles avec les propres résultats du domaine. Comme je l’explique juste avant, la variabilité des comportements en particulier n’est pas un obstacle aux explications évolutives du comportement. Les explications ne sont pas un jeu à somme nul. De plus, tout est à nouveau question de niveau de preuve : les autres disciplines peuvent être ignorées non pas par méconnaissance mais parce que les chercheurs jugent que leurs propres hypothèses sont mieux supportées.
[Sur la FAQ qui propose d’abandonner le terme “plasticité”]:
Oui; cesser de chercher les optimums évolutifs seulement, c’est moins simple, ça fait qu’on n’explique plus tout par la biologie aussi facilement… c’est en fait ce qu’on se tue à leur dire. Mais on n’en tire pas les mêmes conclusion : eux, c’est sur la base de cet ‘argument’ de pouvoir explicatif limité (qui n’en est pas un, on ne choisi pas une méthode plutôt qu’une autre juste pour pouvoir expliquer, ça n’a aucun sens, sinon la théologie explique déjà tout elle aussi, en fait) qu’ils disent qu’il faut ‘balancer’ le concept. Pas mieux l’intégrer, le balancer
Je pense que vous n’avez pas compris ce que l’auteur voulait dire ici. L’auteur (qui au passage est un chercheur en biologie reconnu et qui connaît très bien la recherche sur la plasticité) dit noir sur blanc, 1ere ligne : “the real question is how and why behavior can change”. En d’autres termes, il ne rejette pas la plasticité, il dit simplement qu’on ne peut pas coller l’étiquette “plasticité” à tous les comportements et s’arrêter là en pensant avoir tout expliqué. La plasticité étant toujours permise par des structures évoluées, la théorie de l’évolution est toujours nécessaire pour les expliquer. De plus, cette plasticité n’est pas gratuite : elle n’évolue que si ses bénéfices surpassent ses coûts, ce qui nécessite toujours une analyse évolutionnaire, comme vous le rappelez vous-même dans votre article sur l’adaptationnisme (Holcomb 1996, Al-Shawaf 2019). Enfin, la flexibilité ne sert à rien en soi si elle n’est pas accompagnée d’un système pour la guider. Pour un être vivant, ce n’est pas le fait de varier tout court qui est intéressant, mais le fait de varier de façon adaptative, ce qui réintroduit l’importance de la pensée adaptationniste (Tooby 2015). Dire qu’un comportement est « plastique » n’est donc pas une *explication* mais une simple *redescription* du fait qu’il varie dans le temps et/ou l’espace. C’est pourquoi, comme le dit l’auteur, il est grand temps de dépasser ce terme de « plasticité ». [Edit : développé ici https://youtu.be/3CX6bj0qVkM?t=2147 ]
En effet, la plasticité cérébrale permet des comportements totalement ex-nihilo, c’est-à-dire dont il est absolument certain qu’ils n’ont pas été pré-façonnés par la sélection naturelle.
Attention à ce que votre méconnaissance de la psychologie évolutionnaire ne se transforme pas en mépris. Ce genre de phrase donne vraiment l’impression que vous attribuez aux psychologues évolutionnaires un niveau de stupidité élevé pour n’avoir jamais pensé à ça. La plasticité est connue et prise en compte depuis longtemps en psycho évo. L’exemple classique est celui de la lecture : vu la date d’apparition récente de cette activité dans l’histoire humaine, il est évident que nous n’avons pas de programmes cognitifs évolués spécifiquement pour ça. C’est la plasticité du cerveau qui permet la lecture. Mais, et c’est là que c’est intéressant, les zones cérébrales qui sont recrutées pour lire sont des zones habituellement utilisées pour le langage, qui exercent donc une activité similaire et sont des produits de l’évolution. C’est ce qui explique que vous n’arriverez jamais à apprendre à un singe non-humain à lire, alors que son cerveau à lui aussi possède une plasticité incroyable. Ainsi, parler de « plasticité » n’explique pas tout, et il faut toujours faire référence à l’évolution pour comprendre un truc aussi plastique et culturel que la lecture. Les neuroscientifiques ne disent pas autre chose, ce qui montre la bonne intégration de la psycho évo au reste de la science (Dehaene, 2018) :
« C’est pour résoudre ce paradoxe que j’ai proposé l’hypothèse du recyclage neuronal. L’idée est simple : même si la plasticité synaptique est importante, surtout dans l’espèce humaine où l’enfance se prolonge pendant près de quinze ans, le cerveau humain reste soumis à des contraintes anatomiques fortes, héritées de son évolution. Dès lors, chaque nouvel objet culturel que nous inventons, tel que l’alphabet ou les chiffres arabes, doit trouver sa niche neuronale dans le cerveau : un circuit dont la fonction initiale est suffisamment similaire pour s’adapter à la nouvelle invention, et dont la flexibilité est suffisante pour être reconverti à ce nouvel usage. Toute acquisition culturelle nouvelle n’est possible que dans la mesure où elle s’appuie sur une architecture neuronale préexistante, qu’elle recycle. L’éducation doit composer avec nos limites neuronales, en s’aidant de la diversité de nos circuits innés et des longues années d’immaturité cérébrale caractéristiques de notre espèce. »
Vraiment, il faut cesser de penser que la plasticité n’est pas prise en compte en psycho évo, tout comme la culture, ou l’apprentissage social. Ce sont des sujets très étudiés, exactement comme ils le sont en éthologie. Vous pouvez regarder n’importe quel programme de conférence de psycho évo, vous verrez qu’il y a toujours une session entière consacrée à la culture ou l’apprentissage social : https://www.tse-fr.eu/sites/default/files/TSE/images/conference/booklet_ehbea_2019_web.pdf Je conseille aussi cet excellent article qui démonte toutes ces idées reçues : https://areomagazine.com/2019/08/20/seven-key-misconceptions-about-evolutionary-psychology/
Et ce en mesurant la force de la sélection sur les traits, pour voir si elle est conservatrice ou directionnelle, ce qui implique de d’abord connaitre les déterminismes génétiques fins pour éclaircir les mécanismes précis déterminant les traits
Si nous avions besoin de connaître les déterminismes génétiques pour identifier des adaptations, Darwin n’aurait jamais pu formuler sa théorie de l’évolution. Personne n’a besoin de connaître les gènes qui codent pour le coeur pour affirmer que le coeur est une adaptation. Puisque vous avez été formée en biologie de l’évolution, vous devez également avoir connaissance du principe de « phenotypic gambit », qui justifie pour de nombreux chercheurs qu’on ne s’attarde pas sur les mécanismes génétiques pour étudier les adaptations (Grafen 1984). Vous avez le droit d’être en désaccord avec cette idée, mais il me semble qu’il est important de mentionner au grand public que c’est une hypothèse de travail tout à fait sensée pour un grand nombre de chercheurs, et pas que en psycho évo.
chercher une explication à un pattern sans avoir auparavant démontré qu’il y a un pattern à expliquer (ici, de la sélection), c’est équivalent à chercher une explication à l’efficacité de l’homéopathie sans préalablement avoir cherché à démontrer si l’homéopathie est plus efficace qu’un placebo
À nouveau, comme je l’explique dans mon billet précédent, il y a un pattern à expliquer, c’est la fonctionnalité, l’adaptation, le “design”. C’est ce design qui étonne dans la nature depuis toujours, et qui conduisait souvent à conclure à l’existence de Dieu (Paley 1802) jusqu’à ce que Darwin débarque.
Certains auteurs répondent encore à ces critiques par le fait que l’evopsy aurait permis de faire (et vérifier) des prédictions qui n’avaient jamais été faite auparavant en psychologie (Confer et col. 2010). On peut répondre à cela que c’est l’éclairage de la biologie évolutive, et non spécifiquement de l’évopsy (avec les hypothèses de travail très spécifiques mentionnées ci-avant, en particulier l’innéisme)
Comme nous l’avons vu précédemment, vous n’avez pas la même définition d’“innéisme” que les personnes travaillant dans le champ, pour qui « inné » est parfaitement compatible avec “plastique / changeant / influencé par l’environnement / etc”. [Edit : en vidéo et plus complet ici : https://www.youtube.com/watch?v=3CX6bj0qVkM]
Ensuite, la psycho évo, C’EST la biologie de l’évolution appliquée à la psychologie, il n’y a pas de distinction. La psycho évo ce sont des gens qui essayent d’appliquer le programme adaptationniste de la biologie de l’évolution à la psychologie humaine. Il existe d’autres approches (écologie comportementale, co-évolution gènes/cultures, mémétique…) mais elles sont toutes adaptationnistes en grande partie. J’espère que mes citations des textes fondateurs plus haut vous auront convaincue que la psycho évo prend *déjà* en compte la plasticité, l’environnement, le bricolage évolutif, la non-optimalité, bref tout ce que la biologie de l’évolution nous a appris ces 50 dernières années.
Que seule une discipline nouvelle, avec des prémisses entièrement différentes, pourra concilier les apports de la biologie évolutive et des sciences humaines et sociales.
Tel était le but des fondateurs de la psychologie évolutionnaire, il y a 30 ans. Des chercheurs brillants issus de différentes disciplines se sont réunis pour concevoir un tel programme de recherche qui ferait la jonction entre biologie et SHS. De cette réunion et réflexion de longue haleine, nourrie des échecs précédents de la sociobiologie humaine, est née la psychologie évolutionnaire et son paradigme, qui prend en compte l’environnement, la plasticité, la non-optimalité, la dérive, bref tous les apports de la biologie de l’évolution classique, et qui malgré tous les défauts que vous lui attribuez, ne cesse depuis 30 ans d’accumuler les publications, y compris dans les meilleurs journaux scientifiques.
Je vous invite à lire ce billet que j’ai un peu écrit en pensant à vous : https://homofabulus.com/la-psychologie-evolutionnaire-une-pseudoscience-verolee-en-marge-de-la-science-qui-peine-a-produire-des-resultats/). Ce n’est pas un billet sur le fond de la psycho évo, mais un billet sur son acceptation et son intégration dans l’édifice de la science moderne. Peut-être que savoir ce que pense une grande partie de la communauté scientifique sur la psychologie évolutionnaire vous aidera à changer d’avis. [Edit : sur le succès empirique, voir aussi ici : https://youtu.be/xfhtewl2iSE?t=6192]
[Sur les récupérations politiques de la psycho évo:]
Ces discours se réclament de l’evopsy, et, de fait, prennent leur source, à des degrés variables, dans les travaux de la discipline, et on ne trouve pas de tribunes ou de démentis de la part des chercheurs de la discipline pour les contrer (alors qu’on trouve facilement, par exemple, des tribunes d’épidémiologistes contre les discours antivax qui déforment le contenu des études épidémiologiques). Ces discours sont tolérés, en fait, pour la bonne raison qu’ils sont considérés comme des approximations à peu près acceptables de ces travaux.
Je suis d’accord que les retombées sociales de la science, et la façon dont elle peut nourrir des discours anti-humanistes, sont un sujet très important. Mais vous vous trompez sur la façon dont les chercheurs y répondent. Les chercheurs en psycho évo alertent depuis longtemps sur le paralogisme naturaliste (par exemple ici en 2006 http://evostudies.org/wp-content/uploads/2012/02/geher-2006.pdf , Pinker dans The blank slate le fait aussi, et moi je le fais aussi :
Faux, faux et faux :
– la 1ere formation de psychologie évolutionnaire en ligne est sur @HomoFabulus https://t.co/VG0KkSeehm , et elle est gratuite
– la psycho évo n’est certainement pas l’ennemie du féminisme
— Stéphane Debove (@stdebove) July 23, 2019
En fait, dès les années 80, quand la sociobiologie a commencé à être récupérée à des fins politiques, les chercheurs du domaine s’y sont opposés. Voir par exemple ce petit extrait de Segerstrale (2000) :
Votre affirmation est donc une nouvelle fois fausse et infondée et ne montre plus seulement votre méconnaissance de la discipline mais celle de son histoire.
Si c’est important pour vous, sachez que la plupart des chercheurs en psycho évo sont de gauche , (comme tous les chercheurs), et qu’on trouve parmi les fondateurs de la sociobiologie un paquet de marxistes et communistes engagés, ce qui en a fait dire certains que la sociobiologie était une conspiration de communistes (Segerstrale 2000) ! :
Par ailleurs, votre comparaison avec les antivax n’est pas valide car les chercheurs en psycho évo sont bien moins nombreux que les chercheurs en épidémiologie. Et ils se font taper dessus par des gens comme vous dès qu’ils sortent en public, donc ils préfèrent se cacher.
Par exemple, on pourrait croire que l’homosexualité est un trait comportemental assez clair, aux contours bien définis. Pourtant, l’homosexualité, ça peut être le fait d’avoir des pratiques sexuelles (avoir des rapports avec des personnes du même sexe) indépendamment d’attirances, juste pour le plaisir (comme par exemple le fait de se masturber est une sexualité indépendante de toute attirance), le fait d’avoir une attirance pour les personnes du même sexe, le fait de ressentir un dégoût à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec des personnes du sexe opposé, etc. (on peut encore imaginer d’autres définitions). On voit très vite, quand on y réfléchi, que l’homosexualité n’est pas un simple trait, pas du tout.
Tout bon article sur l’homosexualité prendra soin de dire en introduction la définition qu’il utilise. Toutes ces “nuances d’homosexualité” dont vous parlez sont bien connues des chercheurs. D’autre part, je ne comprends pas votre remarque sur la simplicité. Qui a dit que l’homosexualité était simple ? Vous laissez entendre que les psychologues évolutionnaires ont dit ça, ce qui n’est pas vrai.
on peut prendre l’exemple d’un généticien en recherche d’un déterminisme génétique de l’homosexualité
Un détail mais important pour moi : “Déterminisme génétique de l’homosexualité” est typiquement une expression que les chercheurs qui bossent sur le sujet éviteront d’utiliser. Ils diront soit “déterminisme génétique partiel” soit “influence génétique”, précisément pour éviter de véhiculer des malentendus.
[Un chercheur] pourra par exemple définir l’homosexualité comme étant une attirance plus forte pour les personnes du même genre que pour les personnes du genre opposé. La limite de cette définition, on le voit bien est qu’on s’écarte de ce qu’est l’homosexualité dans l’entendement commun… et de fait, on n’explique plus réellement ce qu’on prétendait expliquer au départ.
Je ne comprends pas comment il est possible, dans le même paragraphe, que vous fassiez une critique du fait qu’un mot puisse avoir plusieurs définitions, et une critique du fait qu’un chercheur choisisse une définition précise. Définition qui, pour moi, n’est pas vraiment écartée de l’entendement commun. Si vous pensez le contraire, libre à vous de nous dire sur la base de quelles données.
c’est ce que fait Jacques Balthazart, qui n’est pas psychologue évolutionniste mais dont les travaux pourraient facilement être repris dans un argumentaire evopsy s’intéressant aux causes évolutives de l’homosexualité
Ceci est à nouveau un “détail” mais un détail important pour moi : beaucoup de vos critiques peuvent être redirigées contre l’ensemble des approches biologiques du comportement. À titrer votre billet sur “L’évopsy”, vous laissez entendre que tous les torts dont vous parlez seraient spécifiques à cette discipline, alors qu’elle s’inscrit dans la continuité de toutes les sciences du comportement humain. Comme le montre votre remarque sur Balthazart, vous avez un problème avec un grand nombre d’approches biologiques du comportement, ce qui diminue la force de vos critiques sur la psycho évo spécifiquement. Qu’ont en commun ces approches ? D’être récupérées par des conservateurs.
C’est pour le moins présomptueux quand on prend conscience du faible niveau de preuve auquel l’evopsy a accès.
Voilà une autre question que je trouve réellement intéressante. Quel est le niveau de preuve que l’on peut atteindre en psycho évo ? Personnellement, j’accepte qu’il puisse être plus bas que dans d’autres disciplines. Plus exactement, je pense qu’il est plus dur d’atteindre le même niveau de preuves en psycho évo que, par exemple, en physique. Par contre, je ne pense pas qu’il soit vraiment plus dur d’atteindre un certain niveau de preuves en psycho évo qu’en biologie de l’évolution ou cosmologie ou science sociale en général, et c’est pourquoi je trouve ces attaques injustes.
Je rappelle également que quelques lignes plus haut vous étiez prête à remettre en question des dizaines d’études théoriques et empiriques sur les préférences sexuelles sur la base d’une simple anecdote historique. Et puisque vous semblez être si préoccupée par les niveaux de preuve, j’imagine que vous écrirez bientôt un billet pour évoquer le niveau de preuve atteint en SHS sur tous ces sujets.
Venons-en à ce qui me semble être le point de crispation central : comme l’indiquent les derniers paragraphes de votre article, vous êtes préoccupée par les récupérations politiques de toutes ces recherches. Cela fait aussi partie des problèmes que je trouve importants à discuter et à ne pas mettre sous le tapis. Mais j’aimerais suggérer que ces problèmes sont complètement déconnectés des problèmes “scientifiques” sur lesquels vous avez axé vos billets. Vous trouvez la psychologie évolutionnaire dangereuse ? Très bien, discutons-en ! Mais pas besoin d’essayer de la discréditer sur le plan scientifique pour ça.
Ce billet est déjà assez long donc je vais seulement évoquer quelques aspects qui ne sont pas abordés dans votre article. 1/ Peu importe le niveau de preuves atteint en psycho évo, la discipline sera toujours récupérée. En fait, on peut s’attendre à ce que plus son niveau de preuve augmente, plus elle soit récupérée. Demander à ce qu’elle augmente son niveau de preuve avant de communiquer ses résultats paraît donc très peu efficace pour lutter contre les récupérations ; au mieux, cela permet de les retarder. 2/ Vu autrement, imaginons que la psycho évo ait tort à 99%. Il restera quand même 1% d’hypothèses vraies. Que fera-t-on de ces hypothèses ? Sera-t-on obligés de reconnaître que parce qu’une capacité est « évoluée », on ne peut rien y faire et qu’elle peut justifier certaines politiques sociales conservatrices ? 3/ Évidemment que non. On pourra, comme l’a déjà fait remarquer Hume il y a fort longtemps, rappeler que des différences de comportements, même si elles sont « naturelles », ne justifieront jamais des différences de traitement 4/ Les personnes qui promeuvent des politiques conservatrices n’ont pas attendu la sociobiologie ni la psycho évo pour promouvoir ces politiques. En fait, elles se servent de n’importe quelle théorie ou résultat à leur disposition. Les personnes qui veulent haïr trouveront toujours des excuses pour haïr. Faire disparaître la psycho évo ne fera pas disparaître ces personnes ou ces idéologies. 5/ Cela fait maintenant près de 50 ans que la sociobiologie existe et est récupérée. Cela n’a pas empêché le progrès social de continuer. Nous avons donc un peu de recul pour évaluer à quel point ces théories sont réellement dangereuses. 6/ Les sujets politiquement sensibles (différences hommes-femmes, racisme, etc) ne constituent qu’une petite partie des travaux en psycho évo, qui s’intéresse à la psychologie dans son ensemble (mémoire, perception, morale, religion, etc). Rien que pour cette raison, il n’y a pas de raison de s’en prendre à « l’évopsy » dans son ensemble. 7/ vous mentionnez en passant que la psycho évo est aussi reprise par des féministes. C’est un point important, car effectivement les recherches en psycho évo n’ont pas que des conséquences politiques négatives. Vous pouvez ne pas aimer les écrits de Peggy Sastre, mais d’autres féministes militent depuis longtemps pour que les travaux de la psycho évo soient mieux pris en compte (par exemple Vandermassen, 2005) :
Ou comme le dit la sociobiologiste et féministe Sarah Hrdy (1999) :
« Les réactions passionnées […] repoussent un dialogue entre les évolutionnistes et les féministes qui doit avoir lieu si nous voulons construire l’expérimentation actuelle en matière de droits des femmes sur des bases plus solides […] »
Il y a plein d’autres conséquences positives à la psycho évo : par exemple, son insistance sur l’universalité des programmes cognitifs est très positive, presque naïve. Ou ses publis qui montrent que le racisme n’a rien d’une fatalité (Kurzban 2001). Etc.
J’aurais aimé voir toutes ces choses discutées dans votre article. Il est très facile de se dire préoccupé des conséquences politiques de certaines recherches de mauvaise qualité. Il est beaucoup plus difficile de justifier pourquoi s’attarder sur certaines conséquences et pas d’autres, comment mesurer la qualité d’une science, pourquoi la psycho évo serait la seule dangereuse, s’il faut laisser les récupérations décider de ce qu’on a le droit d’étudier, etc.
En résumé, vos critiques de la psycho évo montrent que vous en avez une très mauvaise connaissance. Je n’ai pas eu à chercher loin pour trouver des citations contredisant vos propos. Pire, vous lui conseillez parfois de faire des choses qu’elle fait déjà, ce qui fait que vous êtes sur le fond scientifique déjà pas mal en accord avec elle. Il est regrettable que vous ne vous soyez pas mieux renseignée avant d’écrire votre article qui ne manquera pas d’induire en erreur de nombreuses personnes. Malheureusement, ces critiques non pertinentes sont très courantes (d’où le titre de ce billet, « Une critique classique »). Voilà ce que racontait déjà le psychologue évolutionnaire Robert Kurzban il y a vingt ans (Kurzban 2002), alors que nous étions encore vous et moi sur les bancs du collège :
Vingt ans après, vous êtes toujours en train de faire la même chose : vous méprendre sur ce qu’est vraiment la discipline et en donner une fausse image au grand public. D’un côté, ceci est très désolant, on a l’impression de ne jamais avancer, et le sentiment d’injustice et de gâchis est grand pour moi comme pour Kurzban :
D’un autre côté, vous me fournissez sur un plateau un article illustrant à quel point la psychologie évolutionnaire reste encore caricaturée et mal comprise aujourd’hui, y compris par des personnes très diplômées et formées en biologie de l’évolution comme vous.
En conclusion, je vous invite une nouvelle fois à lire de la psychologie évolutionnaire dans le texte, et pas ce que des personnes racontent dessus, et vous vous rendrez compte que scientifiquement parlant, elle est bien moins aberrante que ce que vous pensez. Et si tout ce que vous voulez c’est qu’elle cesse d’être utilisée à des fins politiques, j’aimerais suggérer que l’attaquer sur ses qualités scientifiques n’est pas l’angle le plus fécond. Vous n’avez pas besoin de jouer le jeu de l’extrême droite et d’accepter leurs sophismes d’appel à la nature et de loi de Hume pour défendre les causes humanistes qui vous tiennent à coeur. Il me semble plus pertinent de défendre l’idée selon laquelle, quelles que soient les différences “naturelles” qui puissent exister entre humains et que l’on découvrira dans le futur, elles ne pourront jamais justifier aucune différence en droits, comme Hume l’avait fait remarquer il y a quelques siècles.
PS : Vous avez précisé plus tard que vos critiques s’adressaient plus à la façon dont les chercheurs travaillent en pratique qu’aux textes de référence de la psychologie évolutionnaire. Je ne considère pas cette explication crédible, étant donné que 1/ vous ne dites pas quels éléments vous permettent d’exercer cette distinction 2/ vu vos imprécisions sur les aspects théoriques de la discipline je vois mal comment vous pourriez mieux connaître les aspects pratiques 3/ vous n’avez jamais indiqué cette distinction en écrivant votre billet et surtout 4/ si c’était vrai, vous n’auriez jamais conclu que « seule une discipline nouvelle, avec des prémisses entièrement différentes, pourra concilier les apports de la biologie évolutive et des sciences humaines et sociales », mais simplement que « la psychologie évolutionnaire doit revenir à ses textes fondateurs ».
Références :
Laisser un commentaire