Vous est-il déjà arrivé de vous demander pourquoi vous vous mettez en colère ? Pas dans le sens de « est-ce que ça en vaut la peine ? », mais dans le sens de « quelles sont les situations qui entraînent chez moi un sentiment de colère ? ».
C’est ce qu’ont fait certains chercheurs en psychologie évolutionniste, qui cherchent à déterminer pourquoi cette émotion est apparue dans l’espèce humaine. Une des hypothèses avancées est résumée sous la forme de la théorie recalibratrice de la colère.
[Edit : cet article mériterait d’être développé]
« La colère est une courte folie. » Horace.
Cette théorie se base sur l’idée que dans un groupe social, chaque individu a des intérêts qui ne correspondent pas forcément à ceux de ses partenaires : ils veulent se reproduire plus, ils veulent que plus de coopération ait lieu, ou ils veulent que leurs partenaires les estiment plus.
Dans ce dernier cas, la colère serait particulièrement efficace : lorsque vous estimez que vos partenaires ne vous accordent pas assez d’importance, votre colère permet de faire remonter le niveau de leur estime.
Comment tester cette hypothèse ? En ajoutant l’idée que l’expression de la colère devrait en théorie fonctionner beaucoup mieux chez des personnes étant capables de mettre leurs menaces à exécution, c’est à dire d’infliger des coûts importants aux autres, ou chez des personnes qui pensent faire partie du « haut du panier », comme les personnes physiquement attractives.
La prédiction est donc la suivante : on devrait trouver une plus grande propension à la colère chez les hommes forts physiquement et chez les hommes et femmes attractifs.
De la théorie à la pratique
Sell a testé cette prédiction en mesurant la force du haut du corps (indicateur classique pour estimer la force générale d’un individu) de sujets ainsi que leur attractivité physique (auto-évaluée, avec la phrase « je pense être plus attractif que __ % des individus de même sexe que moi »).
Les résultats confortent largement les prédictions : les hommes les plus forts (mais pas les femmes) reportent une facilité plus grande à se laisser emporter par la colère, reportent plus de combats dans le passé, plus de succès dans des conflits sociaux antérieurs, et plus de confiance dans la capacité de la colère à régler les conflits.
Les mêmes résultats s’appliquent également grosso modo chez les femmes et les hommes attractifs, avec une tendance plus marquée chez les femmes. Les femmes les plus attractives ont plus tendance à se mettre en colère et à croire aux vertus de la colère comme remède aux problèmes.
Etre beau et fort ne fait pas tout
Évidemment, ce ne sont que des études préliminaires et il y aurait plein d’autres choses à faire pour continuer de renforcer cette théorie de la recalibration. Notamment, on pourrait tester d’autres paramètres que la force physique et l’attractivité. On pourrait aussi vérifier que la valeur que nous attribuons à un partenaire augmente effectivement après un épisode colérique de celui-ci.
Mais ces expériences montrent que les hypothèses évolutionnaires peuvent être testées en étudiant l’adéquation du design d’une émotion (ou un comportement) à la réalisation d’une fonction (en l’occurrence, la fonction de faire remonter l’estime des autres en nous).
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