Nombre de Dunbar : ce que notre cerveau de primate implique pour Facebook et la politique

Haa, la bonne époque où, se connectant à son compte hotmail, on apercevait un message non lu dans sa boîte de réception ! Quelqu’un pense à moi ? Au point de m’écrire un email ? Chouette, je vais tout de suite le remercier sur MSN ! Aujourd’hui, les piles d’emails non lus peuvent s’amasser, ils ne procurent plus la même excitation qu’avant. Et ce n’est pas uniquement la faute aux spams, les emails de certains amis n’étant pas plus ouverts que le dernier courriel pour des “produits pharmaceutiques”.

Alors que certains pronostiquent déjà la mort de l’email pour dans quelques années, les jeunes, qui ne sont plus que 11% à consulter leurs mails chaque jour, préférent se reporter sur les réseaux sociaux. Beaucoup de critiques sont faites à Facebook, notamment sur l’hypocrisie des rapports sociaux qu’on peut y entretenir. Mais que sait-on vraiment de la qualité des relations sociales qu’on y entretient ? La facilité d’accès et d’utilisation des réseaux sociaux n’a-t-elle pas permis de lever les limites sociales auxquelles l’humain était confronté, en augmentant la qualité et/ou la quantité des relations ? De façon presque surprenante sur ce sujet moderne, une perspective évolutionniste apporte des éléments de réponse. Remontons en 1992 pour un début de réponse.

Et si, la taille compte parfois

En 1992, l’anthropologue Robin Dunbar cherche à savoir si la taille régulière des groupes de primates que l’on peut observer dans la nature est déterminée plutôt par des facteurs environnementaux (notamment l’abondance ou l’absence de nourriture) ou par des facteurs biologiques et génétiques. Les primates étant, comparés à d’autres taxons, des animaux très sociaux, des chercheurs ont rapidement émis l’hypothèse qu’une de leur principale particularité anatomique en tant que primates, à savoir la taille importante de leur néocortex, pouvait déterminer certains aspects de leur vie sociale.

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Le néocortex et le système limbique

Le néocortex donc, désigne une partie de notre cerveau (voir le schéma ci-contre). De toutes les parties du cerveau, c’est celle qui est apparue en dernier au cours de l’évolution. On ne trouve ainsi pas de néocortex chez les poissons et les amphibiens, on le trouve légèrement développé chez certains reptiles, et développé de façon plus ou moins importante chez les animaux supérieurs. Le rat par exemple en possède un peu développé mais les primates affichent une taille beaucoup plus importante.

Dunbar définit le rapport du néocortex comme le rapport entre la taille du néocortex et le reste du cerveau. En regroupant des données écologiques issues de différentes études, il peut regrouper sur un même graphe la taille du groupe de différents genres de primates et la taille de leurs néocortex respectifs. Et voici le graphe qu’il obtient :

nombre dunbar

Si vous ne voyez qu’un nuage de points aléatoires, vous avez raté quelque chose : ce nuage de points semble aussi s’aligner sur une droite qui irait d’en bas à gauche à en haut à droite. En d’autres termes, une corrélation positive existe entre la taille du néocortex des primates et la taille des groupes sociaux qu’ils forment : plus leur rapport du néocortex est grand, plus les primates vivent dans de grands groupes. Une bonne corrélation permettant à Dunbar de conclure que

“bien que la taille du groupe dans lequel vivent les animaux est une fonction des coûts et bénéfices déterminés écologiquement dans un habitat donné, il existe une taille limite de groupe spécifique à chaque espèce qui est déterminée par des contraintes purement cognitives : les animaux ne peuvent pas maintenir de cohésion et d’intégrité de groupe dans un groupe plus grand que la taille maximale autorisée par les capacités de traitement de l’information de leurs cerveaux.”

Mais qu’en est-il de l’humain ?

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L’étape suivante sur la route de Dunbar, anthropologue avant tout, est de mesurer le rapport du néocortex de l’humain et de le reporter sur son graphe. Le rapport du néocortex de l’humain est d’environ 4/1.  En le reportant sur son graphe, Dunbar trouve une “taille de groupe humaine moyenne” qui serait de 148, et que l’histoire a arrondi à 150, pour donner ce qui est maintenant connu comme le nombre de Dunbar.

Le nombre de Dunbar, appelé aussi parfois le nombre magique 150, est donc la limite cognitive théorique contraignant le nombre de personnes avec qui vous pouvez maintenir des relations sociales stables. Il serait tout de même plus rigoureux de citer la fourchette de taille de groupe allant de 100 à 230, qui représente l’intervalle de confiance à 95 % trouvé par Dunbar.

A la recherche d’exemples concrets

Déterminer la taille “naturelle” des populations humaines serait un challenge présentant autant de réponses que d’anthropologues différents. Pour étayer sa théorie, Dunbar se contente donc de chercher dans la littérature anthropologique des données concernant la taille des groupes de chasseurs-cueilleurs modernes, et de regarder si certains vérifient le nombre de Dunbar. Il trouve alors trois grandes tailles de groupes : des petits groupes de 30 à 50 individus (par exemple de chasseurs-cueilleurs formant des campements pour la nuit), des groupes moyens de 100 à 200 individus (comme des villages permanents), et des groupes plus grands de 500 à 2500 individus (tribus ou sous-tribus).

Il est intéressant de noter que la catégorie moyenne correspond presque parfaitement à l’intervalle de confiance de 95% de Dunbar. En faisant la moyenne sur cette catégorie, on trouve même une taille de population de 148,4, soit… exactement le nombre de Dunbar.

Par ailleurs, l’anthropologue recense un ensemble de données allant dans le même sens :

  • Les villages d’horticulteurs en Indonésie, aux Philippines et en Amérique du Sud approchent typiquement les 150 habitants.
  • Les Hutterites, un peuple au style de vie fondamental chrétien, forment des communautés d’environ 100 personnes car dès qu’une communauté dépasse 150 personnes, elle se divise en deux. La raison que les Hutterites fournissent pour expliquer ce comportement est que “quand le nombre de personnes devient plus grand que cela, il devient difficile de contrôler le comportement des individus par la pression des pairs uniquement.” Plutôt que de créer une police, les Hutterites préfèrent diviser leur communauté.
  • dès l’époque des Romains, et après des années d’évolution militaire, la taille de la plus petite unité militaire de fonctionnement semble s’être fixée autour de 170 membres, taille d’une compagnie au cours de la seconde guerre mondiale.
  • en entreprise, une règle informelle semble fixer 150 comme la limite critique pour la coordination efficace de tâches et le flux d’informations à travers des liens directs de personne à personne.
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Les maniples, unités tactiques de l’armée romaine de 120 hommes (capture d’écran du jeu vidéo “Rome, Total War”)

Dunbar ajoute que ce nombre de 150 n’est généralement atteint que par des groupes ayant des intérêts forts à rester ensemble. C’est bien le cas pour les villages éloignés, les tribus nomades, les unités militaires, tous orientés vers la survie.

Les membres de ces groupes vivent également physiquement proches les uns des autres : en fait, plus les membres d’un groupe vivent physiquement proche, plus on pourrait s’attendre à ce que leur groupe atteigne cette limite de 150. Pour qu’un groupe de taille plus grande puisse conserver sa cohésion, il faudrait adopter un ensemble de règles ou de lois plus ou moins restrictives, faites respectées par une force indépendante.

Aux origines du langage

Comment passer de ce que nous venons de voir à une explication des origines du langage chez l’homme ? Pas évident à première vue, mais c’est néanmoins ce que réalise Dunbar.

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Les primates non-humains passent une très grande partie de leur temps à s’épouiller

L’anthropologue sait que chez les primates non-humains, le toilettage (ou l’épouillage) constitue la principale cause d’interaction sociale et est considérée comme la raison pour laquelle la cohésion du groupe est assurée. Sans épouillage, pas d’interactions sociales et donc le groupe s’effondre. Connaissant les temps de toilettage de différentes espèces de primates et leur taille de groupe moyenne, Dunbar extrapole ces données à l’homme et calcule que tout groupe humain doit consacrer 42% de son temps à faire du “toilettage social” pour pouvoir conserver sa cohésion.

Ce “toilettage social” ne prend évidemment pas la forme d’un épouillage dans le cas de l’humain. Alors qui fournir comme remplaçant ? Mais oui bien sûr, le langage ! Pour Dunbar, le langage aurait été favorisé par la sélection naturelle et serait apparu chez l’humain car il aurait permis de continuer à assurer efficacement la cohésion des groupes d’humains de plus ou moins 150 individus en se substituant au toilettage physique des primates non-humains !

Cette hypothèse est étayée par un certain nombre d’autres données et mériterait d’être traitée dans un article à part entière, ce qui sera sûrement fait un jour prochain (des hypothèses alternatives existent aussi sur l’origine évolutive du langage). Pour l’instant, je préfère revenir à la recherche de manifestations concrètes du nombre de Dunbar en m’intéressant aux études ayant cherché le nombre de Dunbar sur internet, et notamment dans les réseaux sociaux.

Vous avez 150 demandes d’amis en attente

A priori, on pourrait  se dire que les réseaux sociaux, facilitant la mise en relation et l’échange sans certains des coûts associés aux relations “réelles”, permettent d’agrandir le nombre de personnes dans son réseau social. Une sociologue de Facebook, Cameron Marlow, nous fournit quelques chiffres intéressants sur ce réseau social. On apprend que le nombre moyen de personnes dans le cercle social d’un utilisateur de Facebook est de 120, ce qui est parfaitement compatible avec le nombre de Dunbar.

Par contre, le nombre de personnes avec qui l’utilisateur de Facebook interagit quotidiennement est beaucoup plus faible. Ainsi,

“un homme moyen – avec 120 amis – répond généralement aux publications de seulement sept de ses amis en laissant des commentaires sur les photos, le statut ou le “mur”. Une femme moyenne est légèrement plus sociable, répondant à 10 personnes en moyenne. Concernant la communication bidirectionnelle comme les emails ou le chat, l’homme moyen interagit avec seulement quatre personnes et la femme moyenne avec six. Les utilisateurs de Facebook possédant plus de 500 amis communiquent plus, mais pas énormément plus. Les hommes laissent des commentaires à 17 amis en moyenne, et les femmes à 26. Les hommes communiquent avec dix personnes, les femmes avec 16.”

 

 

 

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Même si Dunbar se sert déjà de ces chiffres pour étayer sa théorie, ils ne permettent pas réellement de se faire une idée de la réalité du nombre de Dunbar. Tout d’abord car les “amis” Facebook ne correspondent pas forcément à la définition de Dunbar de “personnes avec qui l’on peut maintenir des relations sociales stables”. Il est généralement accepté que pour qu’une personne puisse faire partie de votre “réseau de relations stables” dont parle Dunbar, vous devez savoir qui cette personne est, savoir quelles sont ses relations avec chacune des autres personnes de votre réseau social (en gros, savoir à quel endroit elle s’inscrit dans votre bulle de relations), et interagir avec elle régulièrement, au moins une fois par an.

Or la qualité d’une relation sur Facebook est très certainement inférieure à la qualité d’une relation réelle, notamment parce qu’elle manque de face à face, mais également peut-être parce qu’elle manque de “toucher” qui, dans la vie courante, convie beaucoup de sens que les mots ne sont pas capables de porter.

C’est une hypothèse avancée par Dunbar dans la vidéo ci-dessous (en anglais), qui ne vous en apprendra pas forcément plus que cet article, mais ça fait toujours du bien de personnaliser les chercheurs quand c’est possible je trouve :

Enfin, on pourrait rajouter que la “motivation forte à rester en groupe” dont parle Dunbar comme condition nécessaire à l’atteinte d’une taille de groupe de 150 n’est pas du tout présente sur les réseaux sociaux.

Le contre-exemple des tweets

Malgré cela, une étude sortie très récemment s’intéressant à la pertinence du nombre de Dunbar sur Twitter semble avoir eu des résultats positifs. Analysant 380 millions de tweets émis sur quatre ans dans plus de 25 millions de conversations différentes, les auteurs ont attribué à chaque paire utilisateur-utilisateur un “poids”, décrivant la qualité de leur relation.

twitter-logo

Ce poids est calculé en fonction du nombre de réponses effectuées à un tweet émis par un des deux utilisateurs : plus un utilisateur répond souvent aux tweets d’un autre utilisateur, plus la qualité de sa relation avec cet utilisateur sera bonne. De cette façon il est possible d’identifier les relations sociales stables (et se passer de celles n’étant qu’occasionnelles et n’entrant pas dans la définition de Dunbar), qui sont celles ayant le plus de poids.

Les auteurs montrent ensuite que lors de son inscription à Twitter, l’utilisateur novice n’a que peu de relations, mais généralement de bonne qualité. Au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles relations, la qualité totale de ses relations augmente, signifiant qu’il peut continuer à avoir de nouvelles relations de qualité sans pour autant négliger ses anciennes relations. Seulement, au bout d’un certain nombre de relations, ceci n’est plus vrai : la qualité totale des relations n’augmente plus, signifiant que l’utilisateur a “atteint son seuil maximal d’activité sociale”. Et plus précisément, ce seuil maximal est atteint lorsque l’utilisateur possède… entre 150 et 200 amis.

Les no-life sont-ils bien nommés ?

Continuons notre exploration du monde de l’internet avec un autre domaine qui s’intéresse beaucoup au nombre de Dunbar, les jeux multijoueurs en ligne. Dans ces jeux en lignes, la formation de communautés, de “guildes” est souvent primordiale pour pouvoir évoluer. Si l’on peut toujours discuter du fait que ces communautés ne possèdent pas les mêmes caractéristiques que celles des communautées orientées vers la survie qu’a étudiées Dunbar (groupes nomades, armées), on est certainement plus proches des conditions de “motivation forte à rester ensemble” que dans le cas des réseaux sociaux. Echappées du site de Raph Koster, des statistiques intéressantes nous parviennent sur le jeu multijoueur en ligne Ultima Online, un des premiers jeux en ligne à avoir été créé et lancé.

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Distribution des tailles de guildes dans le jeu en ligne Ultima Online.
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Effectifs des différentes guildes du jeu Ultima Online.

Sur ces graphes, le nombre de Dunbar semble agir plus comme un seuil limite de membres de la communauté que comme une moyenne. On remarque en effet que la majorité des guildes comprend entre 30 et 150 membres, avec un pic de guildes à 60 membres. D’autres exemples, portant sur le nombre de membres après lequel un forum tend à se sous-diviser ou sur le nombre d’administrateurs de Wikipédia, font penser que la taille maximale d’une communauté en ligne dépendrait en premier lieu de la raison pour laquelle la communauté a été amenée à se former, et que, notamment dans le domaine des jeux en ligne, la taille optimale serait de 45 à 60 personnes.

Pourquoi cette différence avec le nombre de Dunbar ? On peut à nouveau se méfier de l’existence de contraintes fortes poussant à la cohésion du groupe. Ou se demander si au-delà de 50 personnes, le temps passé à faire du “toilettage social” ne deviendrait pas trop important par rapport à ce que rapporte le fait de faire partie d’une guilde. Dans ce cas, dans des jeux en ligne insistant moins sur l’interaction entre joueurs, on devrait s’attendre à trouver des communautés comprenant plus de membres.

Enfin, on peut également avancer l’hypothèse de Jeff Freeman, qui insiste sur le fait que former une communauté en ligne ne supprime pas votre communauté hors-ligne. En d’autres termes, si votre réseau social stable dans la “vraie” vie est de 70 personnes, vous pourrez au maximum former un réseau social en ligne de 80 personnes.

“Une mort est une tragédie. Un million de morts est une statistique.”
– Kevin Federline

Le nombre de Dunbar possède quelques-unes de ces vérifications expérimentales que nous venons de voir, mais il ouvre aussi d’autres pistes de réflexion intéressantes, qui, s’il s’avérait que le nombre de relations sociales que peut établir l’humain est réellement limité (n’oublions pas qu’il s’agit de science récente voire en cours) auraient des implications très profondes, notamment en politique.

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Les tragédies qui se passent loin ont besoin d’images à forte teneur émotionnelle pour que les gens se sentent concernés.

Si vous lisez l’anglais, vous pouvez commencer par lire à ce sujet l’amusant article de David Wong qui reprend le concept du nombre de Dunbar et le transforme en ajoutant l’hypothèse qu’en plus de ne pas pouvoir avoir plus de 150 relations stables, vous n’avez rien à faire de ces gens hors de votre “sphère des singes” !

D’où la justification du fait que vous êtes moins affecté par la mort de 15000 personnes dans un tremblement de terre en Iran que par la mort de votre mère, que la droite vote contre la gauche et vice-versa, qu’un serveur n’a pas de vergogne à remettre un steack dans l’assiette après qu’il soit tombé par terre en cuisine, et pourquoi la démocratie, définie comme un petit groupe de personnes élues décidant pour des millions d’autres, n’est pas un système viable.

Il n’y a pas de lien direct entre les résultats de Dunbar et la supposition de Wong que nous ne nous préoccupons pas des gens hors de notre réseau de relations stables. Dunbar dit simplement que nous sommes limités cognitivement dans le nombre de relations sociales stables que nous pouvons avoir, mais rien n’empêche d’avoir en plus des relations sociales occasionnelles “qui se passent bien”. Mais nous avons clairement des préférences parmi nos relations sociales, et lorsqu’il faut en venir à l’allocation de certaines de nos ressources (temps, argent, biens), les relations les plus proches, au premier rang desquelles la famille, se trouveront avantagées. De là à se dire que l’humain n’est pas fait pour vivre dans nos grandes sociétés, il n’y a qu’un pas.

Rappelez-vous les Huttérites, qui évitent de former des groupes de plus de 150 personnes car ils deviennent, au-delà, incontrôlables par la simple pression des pairs. Une des raisons pour lesquelles nos sociétés sont bancales (qui pourrait se déduire de l’observation des taux de suicide, dépression, criminalité, etc…) ne tiendrait-elle pas dans ces super-groupes humains que nous avons construits ? Toute utopie ne devrait-elle pas être fondée sur la création de groupes sociaux pas plus grands que le nombre de Dunbar, permettant d’éviter la création de forces de police, d’un système judiciaire, de prisons ?

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La honte, une émotion devenue inutile dans nos grandes sociétés ?

L’argument évolutif serait que la sélection naturelle a mis des millions d’années à créer des caractères naturels qui nous permettent de bien vivre ensemble, mais bien vivre ensemble en petits comités. Par exemple, on propose que le fait d’avoir une “morale” ou des émotions telles que la honte, le remords, la colère, etc… sont autant d’artifices favorisés par la sélection naturelle car ils nous aident à bien vivre ensemble.

Dans un groupe de 150 personnes orienté vers la survie, tout individu ne se pliant pas aux règles communes et refusant de coopérer serait rapidement exclu socialement (facilité par le fait que tout le monde connait tout le monde, garde une mémoire des événements passés et défend les intérêts de son entourage social pas plus grand que le nombre de Dunbar). Une telle exclusion aurait des conséquences néfastes pour son alimentation, sa sécurité, sa santé, et au final, sa survie. La sélection naturelle aura donc favorisé les individus coopératifs, et notamment les individus aidés dans cette coopération par la possession d’une morale, d’un sentiment de honte, etc…

Pour des raisons qui peuvent être diverses, nous en sommes venus à créer des sociétés et des groupes sociaux bien plus grands que ceux identifiés par Dunbar, plus grands que les plus grandes tribus de chasseurs-cueilleurs.  En créant ces sociétés, on peut soumettre l’hypothèse que les artifices favorisés par la sélection naturelle sont devenus moins efficaces (un individu ne se pliant pas aux règles sociales peut se faire oublier et recommencer à ne pas coopérer en allant voir ailleurs) et que la brèche aux comportements asociaux a été ouverte, en sortant les gens qui nous entourent de notre sphère des singes dont nous défendons les intérêts.

Des solutions ont été apportées à ce problème sous la forme de la création de forces de police, de systèmes judiciaires, de prisons, mais leur efficacité reste à discuter. Sans oublier les statistiques de la dépression, qui nous disent que 15 % des gens feront une dépression un jour dans leur vie, souvent liée à un manque social ou un échec social particulier…

 

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À emporter

  • La taille des groupes de primates non-humains est bien corrélée avec la taille de leur néocortex.
  • On suppose donc que la taille du néocortex d’un primate limite le nombre de partenaire sociaux stables qu’il peut avoir.
  • Dans le cas de l’homme, ce nombre limite de partenaires sociaux stables serait de 150 : c’est le nombre de Dunbar.
  • Le nombre de Dunbar est retrouvé dans un certain nombre de populations humaines, sa validité dans le domaine des communautés virtuelles reste encore à prouver.
  • Le nombre de Dunbar apporte des pistes de réflexion intéressantes sur l’adéquation de la taille de nos sociétés modernes à notre cerveau de primate.

Pour approfondir

Commentaires

6 réponses à “Nombre de Dunbar : ce que notre cerveau de primate implique pour Facebook et la politique”

  1. Super article, encore. Je suis allé directement acheter le livre de Dunbar, pour voir ce qu’il dit plus en détail. Est-ce qu’il développe l’idée du langage comme forme économique et évolutive d’” épouillage social” dedans? Ou l’as-tu tirée d’un autre ouvrage? Je trouve ça fascinant…

    Quand au nombre de Dunbar, c’est vrai que les exemples avancés font réfléchir, et donnent en tout cas envie d’aller voir de plus près du côté tous ces travaux! Merci pour ce beau billet instructif…

    1. Avatar de Stéphane
      Stéphane

      Salut Alexis,

      je crois qu’il en parle un peu mais pour le côté évolution du langage de la thèse de Dunbar il est préférable de lire Grooming, Gossip and the Evolution of Language (de Dunbar toujours), qui est vraiment centré sur le sujet.

      Thèse controversée bien sûr, il y a au moins deux autres hypothèses en compétition pour expliquer les origines évolutives du langage.

      Merci d’être repassé !

  2. Bonjour Stéphane,
    Bravo, un billet très bien développé (plus que le mien !)

    J’avoue que je ne connaissais pas votre blog quand j’ai pondu mon article…et je suis bluffé par la similitude d’approche, on a dû lire les mêmes publis et avoir les neurones câblés pareil :-)

    En tout cas ce blog m’a l’air fort sympathique, et le design est très soigné. Tous mes encouragements pour la suite !

  3. Avatar de Habib

    Très instructif…

  4. Excellent article, j’ai moi-même rédigé un article sur le sujet. En ce qui me concerne, le nombre de Dunbar est peu le nombre d’or dans les relations humaines. Une des applications concrète dans une démarche réseau est de limiter ses contacts à 150 relations suivies. Au-delà, on sature et on perd en qualité. Rien ne vous empêche bien sûr d’avoir d’autres contacts mais ils ne pourront pas figurer dans votre premier cercle de contacts privilégiés.

  5. Avatar de HSELG

    Merci pour cette article contenant des informations référencées.

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